Print Friendly, PDF & Email

L’amitié franco-allemande fête ses cinquante ans. Le traité de l’Elysée signé en 1963 par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer misait sur la jeunesse et la société civile pour instaurer un dialogue et une coopération entre les deux pays, un rempart de compréhension mutuelle pour se préserver des conflits. De nombreux programmes et actions d’échanges ont été depuis développés, animés en particulier par l’Ofaj (office franco-allemand de la jeunesse). Pour célébrer à notre façon l’amitié franco-allemande, nous avons rencontré Florian et Yann, deux jeunes étudiants qui ont choisi Berlin comme terre d’élection universitaire.

Florian et Yann ont obtenu en juin dernier le bac et sa version allemande, l’Abitur après un cursus en Abibac suivi au lycée Dautet de La Rochelle. En section Abibac, l’histoire et la géographie sont dispensés en allemand et trois heures de littérature allemande hebdomadaires complètent les cours d’allemand standard. L’examen final intègre les deux modes d’évaluation avec des systèmes d’équivalence qui aboutissent si les résultats le permettent à la délivrance du bac et de l’Abitur.

Si Florian et Yann ont choisi ce cursus plutôt exigeant, c’est avant tout pour apprendre une langue ou plutôt vivre la langue en intégrant les aspects culturels, sociaux et quotidiens. Ce que souhaitait Yann c’était « apprendre une langue en vrai pas seulement apprendre la langue en cours mais aussi aller visiter le pays et vivre avec les gens là bas ». Parler une langue sans comprendre où et comment on la parle lui paraissait incongru. Alors, quand il a su qu’en Abibac, il pouvait partir trois à six mois en Allemagne, dans le cadre des programmes Brigitte Sauzée et Voltaire proposés par l’OFAJ, il n’a pas hésité une seconde et a redoublé d’efforts pour être sélectionné dans cette section contingentée. L’allemand, il est tombé dedans en CM2 avec des cours donnés en classe et un séjour de dix jours avec une association de loisirs pour partager avec des jeunes russes et allemands des activités autour du cirque. Ensuite, il a choisi dès la sixième d’apprendre l’allemand et l’anglais.

Florian a appris l’allemand en seconde langue à partir de la quatrième. Son attrait pour l’Allemagne est né d’un séjour linguistique. Ce n’est pas tant la langue qui l’a séduit que l’accueil chez son correspondant et tous les gens qu’il a rencontrés là bas. A son retour, avec la complicité de son enseignante, il décide de mettre les bouchées doubles pour intégrer la section Abibac en seconde. Il apprend le soir, le week end et parvient à un niveau d’allemand digne d’une première langue.

Florian et Yann se sont rencontrés en seconde. Tous les deux ont choisi le programme Voltaire et sont partis six mois, Yann à Hambourg, Florian à Francfort. Yann nous avait raconté son séjour plein d’étonnements dans un blog où il traquait similitudes et différences entre deux façons de vivre, deux systèmes scolaires. Passer six mois en totale immersion est une expérience des plus riches. Apprendre à l’école allemande, vivre au quotidien dans une famille bousculent bien des idées reçues. « Un gros point commun est facilement remarquable entre les deux pays, c’est qu’il y a autant de préjugés sur les allemands en France que de préjugés sur les français en Allemagne » nous expliquait alors Yann. Après leur séjour, les élèves français ont à leur tour accueilli leur correspondant pendant six mois. Un an de vie commune au quotidien a tissé des liens. Florian a perdu le contact avec sa famille allemande mais il a conservé des amis du côté de Francfort. Yann et son correspondant se rendent visite plusieurs fois par an. Il a d’ailleurs bénéficié des conseils et de l’aide de sa famille d’adoption pour s’installer à Berlin.

Leur immersion en Allemagne a sans nul doute motivé leur projet de venir étudier à Berlin dès leur première année d’université. Florian, un Bac S en poche, a choisi la chimie. Yann avec un bac ES a préféré les sciences économiques et la gestion d’entreprise. L’envie ne suffisait pas. Pour être admis à la Humboldt, l’Université où tous les deux souhaitaient être intégrés, de bons résultats étaient nécessaires puisque l’admission se fait sur dossier. Leur mention bien au bac et les notes obtenues dans les matières allemandes leur ont délivré le précieux sésame. Le choix de Berlin pour Florian s’impose « Berlin est une ville où on peut se loger et vivre sans payer trop cher et puis c’est une ville intéressante au niveau culturel, ouverte avec plein d’étudiants étrangers ». Yann acquiesce en rajoutant « pour faire les études que je souhaite faire, en France, il aurait fallu passer un concours pour être admis dans une grande école qui aurait coûté trop cher. » Le choix de Berlin est un choix culturel mais aussi économique. La ville offre la gratuité des transports aux étudiants par exemple.

A Berlin, Yann et Florian, âgés de 17 et 18 ans, apprennent la vie quotidienne loin de leurs parents. Ils ont trouvé un logement in extremis avant la rentrée universitaire et doivent désormais gérer leur budget et l’organisation de tous les jours. Ils cherchent maintenant un job pour vivre un peu plus à l’aise leur quotidien d’étudiant. L’Allemagne, ils l’ont adoptée il y a quelques années déjà, désormais ils la vivent au jour le jour et envisagent de la vivre dans la durée. Florian se verrait bien intégrer plus tard un institut de recherche allemand, Yann souhaite poursuivre son cursus à Berlin au moins jusqu’au Master. La pratique renforcée de l’allemand favorise une insertion réussie à l’Université, facilitée sans nul doute aussi par leur apprentissage de la langue au quotidien effectué avec le programme Voltaire qui leur permet aujourd’hui de communiquer aisément avec les autres étudiants.

Et lorsqu’on s’étonne qu’ils aient choisi le rêve allemand plutôt que le rêve américain, australien ou tout autre rêve plus exotique, ils s’étonnent en retour. Les rues de Berlin sont des livres d’histoire à ciel ouvert et les cultures qui s’y rencontrent donnent à la ville un air de nouveau monde.

Monique Royer

C’est la faute à Voltaire, le blog de Yann lors de son séjour à Hambourg

Le site de l’OFAJ