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S’il y a bien une constante depuis quelques années à droite, c’est la réitération de l’évocation de symboles de ‘’restauration’’ ( où le retour préconisé à « l’uniforme » joue un rôle particulier) , et la mise en avant d’un rôle ‘’patronal’’ des chefs d’établissements dans le cadre d’une large autonomie concurrentielle associée à l’effacement du principe de sectorisation scolaire.

Les affrontements de personnes pour le contrôle de l’UMP ( versus Fillon-Copé ) en ont été encore l’occasion. Dans la toute dernière ligne droite, François Fillon a tenu à accorder une attention toute particulière au domaine scolaire, et à faire feu de tout bois en cette direction lors de sa dernière interview à l’Express : « Je voudrais d’abord qu’on réorganise l’école autour d’établissements ayant une réelle autonomie, dotés d’un vrai « patron » avec des pouvoirs disciplinaires et de gestion, y compris sur ses équipes enseignantes. Je souhaite également un large assouplissement de la carte scolaire pour permettre une grande liberté de choix aux parents. Il y aura, de fait, une émulation contrôlée entre établissements. Il faut aussi réintroduire des symboles pour instaurer de l’autorité et des règles […]. Je veux que les élèves se lèvent pour l’entrée du professeur. Je suis favorable à une certaine forme d’uniforme à l’école, qui marque l’égalité de tous les enfants ».

La Convention de l’UMP sur l’Ecole tenue il y a tout juste deux ans, en novembre 2010, avait déjà été l’occasion pour Jean-François Copé d’affirmer qu’« il nous faut faire du chef d’établissement le pivot de l’établissement : l’autonomie n’est plus un tabou et doit rentrer dans les mœurs ». Gérard Longuet, sénateur de Lorraine , avait surenchéri en affirmant qu’ « il faut qu’un patron [ le chef d’établissement ] puisse rentrer dans les classes et puisse faire une exfiltration des enseignants qui sont en rupture avec son projet pédagogique », suivi par Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, à propos des écoles communales elles-mêmes : « nos écoles ont surtout besoin d’un patron ».

Au cours de la campagne en cours pour le contrôle de l’UMP, d’autres se sont manifestés aussi de façon éclatante en ce sens, notamment deux secrétaires nationaux de l’UMP ( que l’on dit proches de Jean-François Copé ) : le chef d’entreprise Guillaume Peltier ( ancien porte-parole adjoint de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle de 2012 ) et l’avocat Didier Geoffroy ( coordonnateur de la cellule ‘’riposte’’ durant cette même campagne présidentielle ) qui ont édité un projet d’ « école forte » d’une « droite forte » :« Liberté de choix et autonomie pour une Ecole plus performante : établir la liberté scolaire par la création du chèque éducation (pour les établissements publics et privés) pour supprimer définitivement le système de la carte scolaire, et, dans le cadre de l’autonomie des établissements, permettre aux chefs d’établissements de recruter leur équipe de professeurs, de licencier les mauvais enseignants […] et d’avoir l’entière responsabilité de leurs moyens, y compris en ayant recours aux fonds privé »[…].« Soutenir l’autorité des professeurs en rétablissant le vouvoiement obligatoire et réciproque entre professeurs et élèves à partir de la 6ème. […] Etablir l’école du mérite et du respect par le rétablissement des récompenses par matière (prix de mathématique, de lettres,…) et par celui de l’uniforme obligatoire dans chaque établissement (primaire et collège), choisi par l’établissement dans le cadre de l’autonomie. Cela passe par l’obtention de récompenses (du bon point dans le primaire et des bourses scolaires dans le secondaire) et la création d’internats d’excellence ».

Bref, on sait ce qui nous attend si la droite revient, car elle est depuis quelque temps ( on le voit ) constante et unie sur ces points. On remarquera que la promotion d’une certaine ‘’égalité formelle’’ à l’intérieur de chaque établissement ( de la suppression des ‘’signes extérieurs de richesse’’ ou de ‘’distinction sociale’’, via ‘’l’uniforme’’) va de pair avec l’autonomie concurrentielle et la diversification des établissements scolaires dans les mains de chefs d’établissements-patrons.

A vrai dire, historiquement, le port de ‘’l’uniforme’’ n’a jamais été un gage « d’égalité » ( même formelle ) : l’obligation n’en a jamais été faite pour la masse des élèves ( dans le primaire ou le primaire supérieur ) mais seulement dans certains établissements secondaires qui voulaient – justement ! -‘’se distinguer’’ ( les uns des autres ) et ‘’être distingués’’….Un retour aux sources ( par delà la mythologie partagée par beaucoup, faute de connaissances historiques pertinentes ) ?

Claude Lelièvre