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Jeudi 15 novembre, à Rennes, le 25ème prix Goncourt des Lycéens a été décerné à Joël Dicker pour son roman « La Vérité sur l’Affaire Quebert ». Treize lycéens, délégués par leurs régions, y représentaient les 2 000 lecteurs qui, depuis septembre, dans une cinquantaine d’établissements français et étrangers, ont parcouru avidement la sélection des 11 romans choisis à la rentrée par l’académie Goncourt. Comme dans toute pédagogie de projet, ce qui importe d’ailleurs, c’est sans doute moins l’aboutissement que le cheminement, moins le produit final (une œuvre littéraire de premier choix pour certains, un événement éditorial, médiatique, économique, pour les autres) que le processus (lecture intensive d’une dizaine de romans contemporains, débats vifs et argumentés à l’intérieur des classes, rencontres avec des écrivains, activités d’écriture diverses …).

Le prix Goncourt des lycéens est devenu au fil des ans le principal prix de lecteurs, souvent d’ailleurs imité : son secret réside un peu dans cette capacité à kidnapper un temps la littérature, à la ravir aux « professionnels de la profession », pour l’abandonner aux lecteurs eux-mêmes. Comme on l’a vu encore une fois à Rennes, mais aussi tout au long des semaines écoulées, il convient de saluer les lycéens, à qui l’on donne soudain voix au chapitre, et qui, investis de ce droit à la parole, savent par leur jeunesse, leur curiosité et leur enthousiasme offrir à la littérature une saine vitalité.

Le Goncourt des Lycéens comme aboutissement

Mercredi 7 novembre, les académiciens Goncourt avaient attribué le Prix Goncourt à Jérôme Ferrari pour Le sermon sur la chute de Rome par 5 voix contre 4 à Patrick Deville. Mardi 13 novembre, les jurys régionaux de lycéens avaient à leur tour dévoilé le nom de leurs cinq finalistes : Gwenaëlle Aubry pour Partages, Joël Dicker pour La vérité sur l’affaire Harry Quebert, Jérôme Ferrari pour Le sermon sur la chute de Rome, Linda Lê pour Lame de fond et Joy Sorman pour Comme une bête. Jeudi 15 novembre, la Fnac de Rennes accueillait pour la deuxième fois la proclamation du prix, sans que quiconque ne manifeste comme l’an passé un étonnement devant ce que certains avaient alors ressenti comme un détournement d’un projet éducatif à des fins trop ouvertement publicitaires…

Au final, 9 lycéens du jury national ont donné leurs suffrages à Joël Dicker tandis que les 4 autres se partageaient entre Joy Sorman, Gwenaëlle Aubry et Jérôme Ferrari. Au terme de délibérations où les débats ont été jugés vifs, Théo Herrias, du lycée Claude Fauriel à Saint-Etienne, a été chargé par le jury de proclamer le prix au milieu de tous ses camarades, devant les caméras et les appareils photos, en présence du Maire de Rennes, du Recteur de l’académie, du Président de la Fnac, de Pierre Assouline, membre de l’académie Goncourt, de Carole Martinez, lauréate de l’édition précédente. Tous sont venus saluer le travail de lecture et de jugement critique qui a conduit les 2 000 lycéens à choisir un roman de facture policière : manifestement, un vrai coup de cœur pour la plupart d’entre eux. Joël Dicker a confié au téléphone son bonheur de recevoir ce prix jugé par lui « magique », plus essentiel encore à ses yeux que le prix de l’Académie française décerné il y a quelques semaines. Le jeune romancier suisse a précisé qu’il avait quitté le lycée il y a peu de temps et qu’il appréciait de « partager l’expérience du livre » avec des gens dont il se sent proche : des lycéens. Ce jeudi 15 novembre, à Paris, le Ministre de l’Education nationale devait remettre officiellement le prix au lauréat. Des rencontres nationales entre des lycéens et des écrivains se dérouleront à Rennes fin novembre pour clore en beauté le Goncourt des Lycéens 2012.

Rappelons combien l’enjeu pour les éditeurs, les écrivains, les libraires, est économiquement important : Carole Martinez, lauréate du Goncourt des Lycéens 2011, a vendu 170 000 exemplaires de son roman Du domaine des murmures, approchant les scores du Goncourt de la même année, puisque dans le même temps L’art français de la guerre d’Alexis Jenni s’écoulait à 205 000 exemplaires.

Le Goncourt des Lycéens comme cheminement

Cet événement médiatique a le mérite de montrer aux yeux de tous que les lycéens peuvent faire l’événement, en donnant le spectacle, sans doute aujourd’hui paradoxal, de leur passion de lire. Il ne s’agit pas ici d’émettre un jugement de valeur sur le roman primé, mais bien d’apprécier à sa juste valeur le travail mené par les élèves.

Pour s’en rendre compte, il suffit de parcourir la plateforme numérique de l’opération : sur ce site 2.0, les lycéens des 50 établissements concernés prennent la parole, partagent au fur et à mesure leurs impressions de lecteurs, racontent les événements liés au projet ou encore se risquent à des productions créatives autour des romans de la sélection. Ce « Goncourt in progress » est remarquable dans sa dimension collaborative : il est rare de voir ainsi les élèves de 50 lycées différents échanger sur un projet commun et abattre, par la lecture et l’écriture, les murs de la classe, du lycée, de l’académie. La plateforme permet de saisir combien le lycée lui aussi peut être un lieu où, quitte à s’éloigner d’une littérature patrimoniale (celle qui ne sert que pour une évaluation de type bachotage ?), on peut travailler pleinement les compétences (celles qui aident à vivre ?) : on voit combien en particulier s’y articulent de réelles connaissances (des œuvres concernées, du genre romanesque, des formes littéraires adoptées, des thèmes abordés …), d’utiles capacités (rendre compte d’une lecture, résumer, argumenter, inventer …), d’admirables attitudes (le goût de la lecture, la sensibilité à la littérature, l’ouverture au monde, l’investissement dans le travail …)

La vérité sur le prix Goncourt des Lycéens

Bouclons la boucle. Dans la pédagogie de projet, c’est d’ailleurs souvent le but poursuivi qui donne le désir de cheminer. On se contentera alors d’aller butiner sur la plateforme collaborative du Goncourt des Lycéens 2012 des bouts de textes où les lycéens eux-mêmes ont exprimé tout au long des semaines passées leur goût pour le roman récompensé de Joël Dicker, nous transmettant à leur tour le bonheur de lire … La vérité sortirait-elle de la bouche des adolescents : celle qui permet à la littérature à l’école d’être enfin en action?

La vérité triomphe toujours

« Cette intrigue mystérieuse enchaîne suspense, suspicions entre personnages, rebondissements et amour. A travers ce roman passionnant, Joël Dicker maintient le lecteur en haleine du début à la fin de l’histoire. Il expose la vie tranquille d’Aurora bouleversée par les évènements et nous fait réfléchir sur l’amour impossible mais passionnel de deux êtres différents et séparés par les lois. Le lecteur est ainsi dépaysé grâce à ce récit digne d’un film hollywoodien, aux personnages au caractère débordant d’imagination et à ce petit voyage temporel entre l’année de la disparition et l’année des vérités… » (Morgane, Lycée David d’Angers)

Un livre de génie

« Le livre est vraiment fabuleux ! C’est un livre dans un livre, comme une mise en abîme à travers une belle amitié entre Harry et Marcus Goldman mais qui malheureusement ne pourra pas continuer… « Les livres nous ont unis et maintenant, ils nous séparent. C’était écrit. » On s’attache énormément aux personnages ! et quand j’ai terminé ce roman j’avais presque envie de pleurer ! le lecteur « ne doit plus penser qu’à tout ce qu’il vient de lire, regarder la couverture et sourire avec une pointe de tristesse parce que les personnages vont lui manquer. Un bon livre, Marcus est un livre qu’on regrette d’avoir terminé » A travers Harry on retrouve alors notre Joël Dicker, puisque pour l’avoir rencontré il nous a avoué être triste quand il terminait d’écrire un ouvrage, puisqu’il devait faire le « deuil » de ses personnages. On remarque alors qu’il est dévoré par sa passion et c’est absolument génial à voir !! Un auteur très jeune qui commence une belle carrière et le succès phénoménal de ce bijou ne fait que commencer, j’en suis sûre ! 670 pages ça paraît long mais c’est en fait 670 pages de pur bonheur ! (Morgane, Lycée Vauban, Aire-sur-la-Lys)

La Vérité guidant l’Auteur

« Instant magique. On ouvre le livre, on se plonge dans le roman… pour en ressortir impressionné, épanoui. A quoi peut-on s’attendre lorsqu’on ouvre La Vérité sur l’affaire Harry Quebert ? Qu’attend-on du roman de Joël Dicker ? Une narration bien menée, un suspens attirant, captivant ; et en cela, personne ne sera déçu. (…) Mais à travers la quête de vérité de Marcus Goldman, Joël Dicker nous fait aussi réfléchir sur la justice, la vérité, sur les enquêtes ainsi que sur les rapports entre les personnes. Ce livre est donc bien plus qu’un excellent roman policier, c’est un véritable chef d’œuvre, à tel point que même 670 pages paraissent courtes, et on en vient immanquablement à regretter dès le moment où l’on devra reposer le livre sur son étagère. » (Jean, Lycée Emile Zola, Rennes)

Que je l’aime !

« Je pleure, je ris, je l’aime. « Si les écrivains sont des êtres si fragiles, Marcus,c’est parce qu’ils peuvent connaître deux sortes de peines sentimentales, soit deux fois plus que les êtres humains normaux : les chagrins d’amour et les chagrins de livres. Ecrire un livre, c’est comme aimer quelqu’un : ça peut devenir très douloureux. » » (Roxane, Lycée La Providence, Fécamp)

Le livre à lire

« Un ouvrage sans pareil, qui mérite amplement le prix Goncourt des lycéens. On distingue clairement le sens littéral du roman, soit un meurtre, une enquête, une amitié, une romance -enfin il y en a pour tous les goûts- et le sens profond de l’histoire… Le sens de la vie. La vie a-t-elle un sens d’ailleurs ? Selon Harry Quebert- ou devrions nous l’appeler « le suspect numéro un » – « écrire, c’est donner un sens à sa vie ». Un écrivain trentenaire, une jeune adolescente de quinze ans, un amour interdit… Comment ne pas dévorer ce livre ? Il est bien plus qu’un simple roman policier, c’est un ouvrage magnifique plein de sensibilité, de doute et de philosophie. Joël Dicker nous offre là un best-seller sur un plateau d’argent. » (Léna, Lycée David d’Angers)

Jean-Michel Le Baut

La plateforme des lycéens Goncourt