Par François Jarraud
« C’est un métier qui s’invente ». Pour Eric Debarbieux, délégué ministériel chargé de la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire, la venue du ministre à Amiens, pour installer la délégation et les premiers APS, marque la volonté de « ne pas être coupé du terrain ». Présents dans les établissements les plus difficiles, les APS sont encore en formation. Entre reportage ravageur sur la télévision publique et hommage à une enseignante qui s’est suicidée à Béthune, le sujet des violences scolaires s’incruste dans l’actualité. La délégation, s’est justement fixé l’objectif de penser la lutte contre la violence scolaire sur le long terme.
A l’origine des APS, la promesse du candidat Hollande à Pierrefitte (93) en janvier 2012 : » nous aurons dans les établissements un personnel formé, en lien avec les équipes pédagogiques qui pourra prévenir les phénomènes de violence ». Promesse tenue à la rentrée alors que le Bulletin officiel précise les conditions d’emploi des 500 premiers APS recrutés au niveau bac +2 par les chefs d’établissement. « Ils contribuent à l’analyse de la situation de l’établissement pour favoriser la mise en place d’une politique de prévention… Ils concourent au traitement des situations en cas de crise grave compromettant la sécurité des personnes et des biens, afin de rétablir les conditions nécessaires au bon fonctionnement de l’établissement ». Le texte donne des exemples concrets : « Actions de prévention, d’éducation auprès des élèves : contribuer à sensibiliser les élèves au respect de l’autorité, ainsi qu’à l’appropriation des règles de vie collective, de droit et de comportement au sein de l’établissement ; identifier des signes précurseurs de tension et constituer un appui pour définir des stratégies de prévention des difficultés ; contribuer à prévenir et gérer les situations de tension grave dès qu’elles se présentent ; intervenir dans la gestion des conflits entre élèves et contribuer à la résolution des situations de violence avérée ».
Pour Eric Debarbieux, interrogé par le Café pédagogique, les APS doivent « apporter du cousu main » dans les établissements. Ils sont recrutés par le chef d’établissement pour répondre à des problématiques locales qui peuvent être par exemple d’aider les enseignants dans leur relation avec certains parents. Leur formation va continuer toute l’année avec le souci de « ne pas en faire des emplois jetables » et d’inscrire la parcours dans une formation de licence professionnelle.
Que peuvent faire les enseignants face à des élèves ayant des troubles de comportement ? Eric Debarbieux rappelle que 37% des enseignants du primaire sont confrontés à ce problème et que la question a été aussi soulevée à Amiens par des chefs d’établissement du secondaire. « Le rôle de l’Ecole c’est d’accueillir tout le monde », rappelle-t-il. « Mais une prévention précise de ces cas reste à faire ». S’il faut résister à la tentation « de se débarrasser du problème sans le régler », il ne faut pas non plus laisser les enseignants désarmés. La réponse reste à construire.
Dans les missions de la délégation, un gros travail d’information et de recherche. « On a une grande responsabilité et une chance », estime E Debarbieux. « On n’est pas dans l’urgence, on pense au long terme ». E Debarbieux veut impulser de nouvelles études. Il dispose pour cela d’une équipe pluridisciplinaire de 8 personnes et d’un comité scientifique international. « On n’a pas réussi à stabiliser jusque là des enquêtes régulières, par exemple dans les établissements secondaires. On va mener des opérations vérité », promet-il. Après la première enquête de victimation qu’il a dirigé dans le primaire, il annonce fin 2012 une grande enquête identique dans le secondaire.
En attendant, Vincent Peillon invite les enseignants « à accueillir les APS le mieux possible. C’était une demande du monde enseignant, donc il ne faut pas bouder quand ça arrive ».
Liens :
Violence scolaire : Que faire ?
Dépêche AFP
Debarbieux : Le ras le bol des professeurs du premier degré
Hollande à Pierrefitte
Le B.O. crée les premiers APS
Comment évaluer la violence scolaire ? La publication par la DEPP (ministère de l’éducation nationale) du recensement des actes de violence en 2011-2012 montre la relativité des enquêtes déclaratives.
A première vue on assiste à une hausse sensible des incidents graves. Ainsi on serait passé de 10,5 à 13,6 actes pour 1000 élèves de 2008-2009 à 2011-2012. En lycée professionnel on aurait presque un doublement (de 13 à 20). C’est pire pour les « atteintes à la sécurité » qui tripleraient de 2007-2008 à 2011-2012.
Toutes ces évolutions sont à relativiser pour plusieurs raisons. La première c’est que cette série déclarative SIVIS change de définition et de volume selon les années. Initiée sur 950 EPLE elle passe à 6315 en 2010. En même temps le taux de réponse varie selon les mois ce qui conduit les statisticiens à sélectionner un nombre variable d’établissements ! Le champ des faits répertoriés évolue. Par exemple il embrasse à partir de mai 2011 les cas de harcèlement ce qui explique le gonflement des statistiques. Enfin c’est une enquête officielle déclarative. Même si elle est couverte par le secret, il peut y avoir dissimulation ou exagération compte tenu des contextes. Par exemple le triplement des « atteintes à la sécurité » s’explique par les campagnes officielles.
Pourtant on peut tirer de ces enquêtes des enseignements intéressants. Si l’on ne cherche pas à lui donner la validité d’une enquête de victimation, SIVIS apporte des éclairages intéressants. D’abord sur la répartition de la violence scolaire entre types d’établissements. La fréquence des faits est 4 fois plus importante en L.P. qu’en lycée général et nettement au dessus de la moyenne en collège. La part des vols et des atteintes aux biens est en baisse sur la période, un phénomène qui mériterait explication. Par contre celle des violences physique, qui avait nettement reculé, augmente lentement depuis 2010-2011.
Etude DEPP
Prévenir la violence scolaire : Comment fait-on ailleurs ?
Comment prévient-on la violence scolaire dans les autre spays d’Europe ? Non Violence Actualité nous offre le voyage en Suède, en Finlande, en Grande Bretagne et au Québec. NVA nous invite à nous en inspirer. » Sans porter atteinte aux spécificités de notre pays, il doit être possible de s’appuyer sur des propositions déjà mises en œuvre avec succès dans d’autres pays. Loin de rechercher des « modèles », suédois, finlandais, canadien… pourquoi ne pas commencer par s’inspirer des bonnes pratiques ? »
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