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Que penser de l’autonomie des établissements ? Et si c’était un « cadeau empoisonné » ? L’équipe du laboratoire LIFE (Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation) de l’Université de Genève organise en janvier 2013 un colloque international sur cette question. Andreea Capitanescu Benetti en présente les objectifs. Parmi les intervenants notons N Mons, Y Dutercq, P Perrenoud, A Barrère, O Maulini, G Felouzis, A Bouvier…

Dans les rhétoriques de gouvernance des systèmes éducatifs, incluant l’action du gouvernement mais aussi l’ensemble de tous les acteurs qui participent au processus de décision sur et dans l’école, l’idée de donner plus d’autonomie aux établissements scolaires n’est pas si neuve. Elle est à la fois privilégiée par certains, qui espèrent une meilleure prise en compte des contextes et des difficultés particulières des écoles. Mais elle est combattue par d’autres, qui craignent la dérégulation des écoles et l’augmentation des inégalités qu’elle est censée réduire. Le colloque international de LIFE « Des écoles autonomes ? Rhétoriques de la gouvernance & ambivalence des acteurs » du 24 au 26 janvier 2013 (1), s’interrogera sur la question de l’autonomie, et de sa place dans les débats actuels sur la gouvernance des systèmes éducatifs. Les avantages ou les privilèges liés à l’autonomie des établissements priment-ils ou non sur les craintes, réelles ou supposées ? Ou, autrement dit, pourquoi des responsables politiques et administratifs décident-ils de donner plus ou moins d’autonomie aux établissements scolaires ? Dans quels domaines en particulier ? Et que comptent-ils y gagner ? À quels risques peuvent-ils être confrontés ? Comment le partage du pouvoir de décision s’effectue-t-il au sein des établissements scolaires et quelles sont les ambivalences des acteurs, que ce soient des cadres intermédiaires ou des enseignants ?

Si l’on scrute de plus près le travail de l’enseignant, on peut voir que celui-ci ne travaille pas à son compte, qu’il est généralement un salarié. L’organisation qui l’engage organise et prescrit son travail, au moins en partie. L’enseignant, en vertu de son contrat, doit respecter des plans d’études, des procédures d’évaluation, des normes de conduite, des manières de faire relatives aux temps, aux espaces, aux équipements, aux méthodes, etc. Ces prescriptions ont cependant des limites, par impossibilité de tout prescrire, en raison de failles ou de contradictions dans le tissu prescriptif. Il peut s’agir aussi d’une abstention délibérée, exprimant le souci des autorités de laisser une certaine autonomie aux enseignants, car ils ont pleinement conscience des difficultés du contrôle ; et par là de l’absurdité de fixer des normes dont il serait impossible de vérifier la mise en œuvre au quotidien.

Qu’elles soient voulues ou non, les limites des prescriptions définissent en creux l’autonomie formelle accordée aux salariés de l’organisation qui les emploie. S’y ajoutent les libertés que prennent ces derniers avec les prescriptions, délibérément ou par méconnaissance des règles. L’autonomie effective d’un salarié dépend donc à la fois du prescrit et de l’usage qu’il en fait, modulé lui-même par l’étendue du contrôle de la conformité aux prescriptions.

Nous remarquons que lorsque la prescription est centralisée, extérieure et éloignée du travailleur, celui-ci pourrait se sentir parfois injustement très autonome, car le contrôle est diffus et quasi inexistant dans les faits. Mais quand l’établissement est libre de décider, quels que soient les domaines (par exemple : la gestion des ressources humaines, l’usage du budget, l’organisation du travail scolaire, les moyens de lutter contre l’échec scolaire, la manière d’associer les parents, les contenus de l’enseignement, etc.), quelle est alors l’autonomie professionnelle de l’enseignant ? Dans ce cas de figure, de fait, l’enseignant pourrait être très ambivalent face à l’autonomie de l’établissement et ne pas la souhaiter, celle-ci exigeant plus de rendre de compte et de responsabilisation, là où l’institution n’a pas encore trouvé de solutions. Il pourrait se sentir moins autonome, car un contrôle impersonnel et éloigné fait place à un contrôle et une régulation de proximité, avec des nouvelles instances de décision, des nouvelles procédures contraignantes à l’interne, de nouveaux interlocuteurs, par exemple : le directeur, les parents, les élus politiques. Tous ces nouveaux partenaires pourraient exiger un droit de regard sur le travail et participer plus ou moins activement aux décisions, ces dernières devant être prises en compte par l’enseignant. Un établissement plus ou moins autonome, ayant le pouvoir de décider au niveau local pourrait donc avoir comme effet de développer chez l’enseignant un sentiment réel ou fantasmé de moins d’autonomie, car le travail ordinaire se verrait gouverné de l’intérieur de l’établissement scolaire. Au final, risque-t-on ce paradoxe : plus d’autonomie pour les écoles, donc moins pour les enseignants ?

Pour réfléchir aux enjeux de l’autonomie des établissements scolaires, s’inscrire au colloque de LIFE.

Andreea Capitanescu Benetti

Pour s’inscrire au colloque

Note :

(1) https://agenda.unige.ch/events/view/5197