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Le décrochage est lié à de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci le style d’enseignement y a sa part. Celui-ci ne peut pas changer sans prise de conscience de l’Ecole.

Le plan anti-décrochage lancé par Vincent Peillon peut frapper par la modestie des objectifs. « Raccrocher » 20 000 jeunes pour leur éviter d’entrer dans la vie par le chômage et l’isolement social peut sembler peu au regard de la masse de 140 000 à 150 000 jeunes qui en sont victimes. Il faut tout de suite nuancer cette impression pour plusieurs raisons. La première c’est que c’est le double des efforts du gouvernement précédent. Le second c’est que lutter contre le décrochage nécessite de faire travailler ensemble des services bien différents , et rien que cela relève de l’exploit.

Les jeunes qui décrochent ont souvent de bonnes raisons de le faire. Dans une partie des cas elles sont exogènes à l’Ecole. Ils partent travailler, par exemple, voire travailler pour leur famille. D’autres quittent l’Ecole pour des raisons psychologiques. Dans tous les cas , le décrochage est une rupture avec son environnement social, classe d’âge et/ou parents.

Mais l’Ecole y a aussi sa part. Les difficultés scolaires apparaissent tôt, souvent dès la grande section de maternelle. Les écarts se creusent nettement à l’école primaire où l’enfant apprend qu’il « n’est pas bon ». L’école a du mal à y remédier et quand l’enfant passe au collège ses chances de résoudre ses difficultés sont minces. Globalement chaque acteur, l’école puis le collège, fonctionne comme s’il creusait l’écart entre les élèves en difficulté et les autres au lieu de le refermer. Pour le jeune, c’est manifesté par de mauvaises notes et, on le sait, souvent par le sentiment d’être délaissé par l’enseignant qui, poussé par l’idée de faire avancer la classe, va moins souvent le solliciter. C’est ainsi que la difficulté se transforme en échec. Et quand celui-ci s’installe, à travers le redoublement par exemple, le décrochage « passif » ou actif s’annonce. Il est aussi parfois accéléré par une offre éducative inadaptée qui au moment de l’orientation fait craquer un tissu relationnel devenu bien mince.

La classe aussi y participe. Il y a un style d’enseignement, une certaine efficacité, des routines d’enseignement qui poussent à la marginalisation et à la mise à l’écart des élèves faibles. Il y a aussi un style qui ne génère pas d’empathie et de sympathie et qui laisse flotter un relationnel amer dans les établissements. Il ne suffit pourtant pas de demander aux enseignants d’en prendre conscience. Il faut aussi que cette culture du mépris ne soit pas celle de l’institution et que les conditions de son exercice permette d’encadrer mieux les élèves. On sait par exemple, depuis Piketty, qu’il faudrait fixer un maximum du nombre d’élèves dans les établissements prioritaires si l’on veut réellement lutter contre l’échec scolaire.

Mais, même si les administrations font leur travail, rien ne pourra changer sans l’engagement des enseignants. Ce combat n’est pas naturel. C’est pour cela que c’est un vrai défi.

François Jarraud