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La Cour des comptes est-elle en train de proposer une vraie refondation de l’Ecole ? Loin des timidités de la loi d’orientation, la Cour exige du système éducatif une vraie démocratisation et de l’Etat qu’il prenne au sérieux ses propres engagements. « Il n’y a pas de collège unique », affirme le rapport de la Cour des comptes sur « l’orientation en fin de collège et la diversité des destins scolaires selon les académies ». Ce titre souligne les inégalités de destin entre les élèves français. Il marque aussi le souci de la Cour d’affirmer des objectifs au système éducatif et de le soumettre à ces objectifs en repoussant « à la fin de la scolarité obligatoire » l’orientation qui a lieu actuellement en fin de troisième quand les élèves ont 15 ans. La spécialisation des filières se ferait seulement en première et terminale. Les bacheliers auraient des facilités pour passer un autre bac.

Plus osé tu meurs…

Présentées par Patrick Lefas devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée le 12 décembre, les recommandations du rapport de la Cour des comptes mettent le système éducatif français face à des objectifs impératifs de démocratisation. La Cour confronte les résultats du système éducatif aux objectifs que la République s’est fixée. La conviction de la Cour, c’est que si l’on veut réellement atteindre les 80% d’une génération ayant le bac (on est à 72%) et les 50% dotés d’un diplôme du supérieur (on est à 30%), il faut que le système éducatif s’organise pour cela. Et qu’il commence par refuser l’orientation précoce. Cette approche cartésienne fera sans doute dresser les cheveux sur la tête à bien des acteurs de l’Ecole parce ce qu’elle exige de sérieux efforts à tout le système.

Une orientation injuste

La Cour n’a pas de mal à montrer que le système éducatif français continue à orienter les jeunes de façon précoce et inégale. L’orientation reste dépendante d’une offre de formation qui est inégale selon les académies et très peu évolutive. En contradiction avec les principes affichés du système, les filières de pré orientation y fleurissent : segpa, 3ème d’insertion, 3èmes DP 6, classes de niveau (dans un établissement sur deux). « Le collège unique n’existe pas ». Les élèves de la voie professionnelle voient leur destin scellé dès 15 ans tant les filières y sont spécialisées. Enfin les élèves reçoivent peu d’aide pour leur orientation qui reste uen sanction et non un « parcours ».

Vers le lycée unique

La Cour préconise de repousser « à la fin de l’acquisition du socle », « en fin de scolarité obligatoire » l’orientation. Celle-ci n’aurait plus lieu en fin de troisième mais en fin de seconde. La spécialisation des filières du lycée n’interviendrait plus qu’en première et terminale avec un enseignement modulaire permettant des passerelles. Après un bac on pourrait aisément préparer un autre bac en un an. Les familles auraient le dernier mot sur le choix de la filière, à charge pour l’Etat de proposer une affectation précise. Toutes ces propositions ont pour objectif de pousser davantage d’élèves vers l’enseignement général. Le blocage depuis plus de 10 ans du pourcentage d’élèves dans ces filières générales se répercute ensuite dans celui des diplômés du supérieur long.

Des objectifs simplistes ?

Comment adapter le système à cette évolution ? La Cour demande que le ministère fixe pour chaque académie des taux d’accès aux filières et que celles-ci attribuent les moyens en conséquence. Les établissements auraient la faculté d’adapter les programmes et les enseignements à la réalité des élèves , les examens restant nationaux. Les performances des collèges seraient évaluées. Enfin les enseignants auraient une obligation d’aider les élèves dans leur parcours d’orientation.

Très volontariste, le rapport minimise sans doute les difficultés et le fait que les inégalités se jouent bien avant le collège. Mais il fixe au système des objectifs quantitatifs clairs alors que la loi d’orientation semble ne pas porter de projet collectif clair.

François Jarraud

L’audition de P Lefas le 12 décembre