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Déçue, l’Association des directeurs de l’Education des villes (ANDEV) voit la loi d’orientation partir vers le Parlement en enterrant le rêve d’une co-animation des politiques éducatives locales. Comment en est-on arrivé là ? Présidente de l’Andev, Anne-Sophie Benoit revient sur ces dernières semaines et le blocage français.

L’Andev a tenu son congrès il y a quelques jours sur le thème de « la continuité éducative ». Pourquoi ce thème ?

Ce congrès a réuni pour la première fois des directeurs de l’éducation des villes, représentant une centaine de communes, et des directeurs de l’éducation de départements représentants une trentaine de départements. Le point commun des villes et des départements c’est que tous deux mettent en place des plans éducatifs. C’est déjà le cas pour une petite dizaine de départements. Cela nous ramène au thème car ce qui ressort de ces plans c’est l’importance des ruptures en éducation à la fois sur les temps éducatifs, entre le scolaire et le périscolaire, à l’intérieur de la semaine, et les ruptures entre les différents échelons territoriaux qui découpent le temps et l’espace scolaire. Construire des passerelles entre ces niveaux s’avère difficile, c’est el cas par exemple entre cm2 et 6ème. Le congrès s’est conclu sur cette évocation du millefeuilles territorial dans la perspective de la loi d’orientation et de l’acte III de la décentralisation.

Justement quel regard jetez vous sur la loi d’orientation ?

C’est un texte scolaro-centré. Les projets éducatifs locaux (PEL) ont été marginalisés. L’Andev est signataire de l’Appel de Bobigny et on ne se retrouve pas dans ce texte. Il manque de portée globale, de reconnaissance des acteurs éducatifs. On est loin d’une refondation.

Que vont faire vos adhérents en ce qui concerne le changement de rythmes scolaires ?

Un pointage montre qu’un tiers mettra en oeuvre les 9 demi journées dès 2013, un tiers en 2014 et les autres ne savent pas encore. On regrette que cette réforme d’ampleur se réduise à une question de moyens.

La question du financement du temps périscolaire était prévisible. Comment en est-on arrivé à des blocages sur ce point alors que tout cela avait été longuement discuté avant même l’élection ?

C’est vrai qu’une concertation avait eu lieu sur les rythmes. On partait d’un vrai constat. Les familles se plaignent de la fatigue des enfants. La réforme des rythmes vise aussi à tenter quelque chose pour mettre en place une vraie coopération éducative avec l’éducation nationale, à construire une vraie communauté éducative au bénéfice des enfants. Mais finalement le coût s’est avéré plus élevé que prévu. Vincent Peillon a décidé de maintenir les enfants à l’école jusqu’à 16h30. On pensait que l’Etat prendrait en charge une partie du périscolaire. Finalement ce sont les communes qui vont payer pour une dépense qui n’est pas obligatoire. Certaines communes, les communes rurales par exemple, ne pourront pas et feront en sorte que les enfants quittent à 16 heures.

Pourquoi une commune mettrait-elle en place un dispositif couteux dès 2013 si elle peut le faire en 2014 ?

Beaucoup ne le feront qu’en 2014. C’est d’ailleurs le cas de ma ville, Dunkerque. Ce qui peut les inciter c’est le bénéfice des 250 millions promis par l’Etat dont une part serait servie aux premiers arrivés. Pour celles qui mettront en place en 2013 cela veut dire une réforme lourde, qui impacte des milliers d’enfants et des personnels en un temps record. Ce n’est pas raisonnable de faire cela avec un décret qui ne sortira qu’en janvier.

L’échec de ce texte était prévisible car il ne touche pas aux fondations de l’Ecole. On est retombé dans l’ornière du débat sur les inégalités territoriales , du temps de travail enseignant, du coût pour les collectivités territoriales. On a juste réussi à fâcher les enseignants.

Vous souhaitez un sursaut du Parlement quand le texte sera présenté devant lui ?

J’espère que le Parlement fera évoluer la loi en associant davantage les collectivités locales à la politique éducative. Il faut qu’il s’interroge sur ce que notre société veut comme Ecole. Quelle place on accorde à la réussite des enfants ? Une société qui ne prend pas le temps de répondre à ces questions est mal partie.

L’opinion publique vous semble-t-elle prête à des évolutions sur la décentralisation ?

Non. Il y a bien un problème de compréhension. On parle beaucoup de partage des compétences mais il faudrait déjà aller au bout des compétences accordées. L’Acte II n’est toujours pas finalisé par exemple pour la carte scolaire des collèges. Les conseils généraux construisent des collèges mais ils ne répartissent pas les effectifs. Tout ce que l’Acte III va faire c’est ajouter une nouvelle tranche au millefeuilles avec les métropoles européennes. On alourdit au lieu d’aller au bout. La loi ignore aussi le statut des établissements. On aurait pu s’inspirer de celui de l’enseignement agricole pour les établissements de l’éducation nationale. On a occulté la question des EPEP (hypothétiques établissements du primaire). On n’a pas posé la question de l’intercommunalité et de sa place dans la gestion des collèges par exemple. La crise de la gouvernance territoriale semble pourtant atteindre ses limites. Celle du système éducatif aussi avec ses 150 000 sorties sans qualification.

Propos recueillis par François Jarraud

Le site de l’Andev

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