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Le projet de décret sur les rythmes scolaires laisse les DASEN (directeurs académiques des services de l’éducation nationale) maîtres d’imposer ou non les nouveaux rythmes dès la rentrée 2013. Le texte, que le Café pédagogique s’est procuré, supprime l’aide personnalisée et crée une semaine de 24 heures de cours plus des « activités pédagogiques complémentaires ». Il sera soumis au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) le 8 janvier où les syndicats comptent demander des éclaircissements sur le temps de travail des enseignants.

Le projet de décret fixe le temps de travail des élèves sur la semaine scolaire. Il fixe celle-ci à « 24 heures d’enseignement, réparties sur 9 demi-journées » au lieu de 8 depuis la réforme Darcos de 2008. Les journées d’enseignement sont définies dans l’article 3. C’est le mercredi matin qui est la norme et les journées ne doivent pas compter plus de 5 heures 30 maximum par jour et 3h30 le mercredi matin. La pause méridienne doit durer au minimum 1h30. Cependant l’article 5 prévoit des dérogations portant sur la durée des journées ou le passage du mercredi matin au samedi matin si le DASEN l’accepte.

L’article 7 supprime l’aide personnalisée imaginée par X Darcos pour pouvoir supprimer les Rased. A la place de cette aide sont mis en place des « activités pédagogiques complémentaires » (APC) selon l’article 6. Cependant, le ministre n’a pas osé revenir sur une « aide » offerte aux élèves, même si celle-ci a surtout été un leurre et on reste dans un dispositif à effectifs restreints. Ces APC concernent « l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages » mais aussi « l’aide au travail personnel » et « une activité prévue par le projet d’école ». L’organisation de l’APC est arrêtée par l’inspecteur (IEN) sur proposition du conseil des maîtres. C’est la seule mention du conseil des maîtres.

Car c’est le Dasen qui est le maître du jeu de cette réforme. C’est lui qui fixe l’organisation de la semaine (article 4) « sur proposition soit du conseil d’école, soit du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale intéressé ». Il doit s’assurer que la proposition est « cohérente avec le projet éducatif territorial », ce qui constitue une limite pour le conseil d’école. C’est lui qui accordera ou non le report à la mise en place de la nouvelle semaine (article 9) sur demande des seuls maire ou président de l’établissement public de coopération intercommunale faite avant le 1er mars 2013. Si la dérogation n’est pas accordée la nouvelle semaine entre en application à la rentrée 2013. Sa seule obligation est de transmettre sa décision. Il n’a même pas à la justifier.

Cette méthode est regrettée par Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp Fsu, interrogé par le Café. « La place du conseil d’école n’est pas assez affirmée » estime-t-il. Or en 2008 il y avait de nombreuses dérogations à la règle générale « et ça n’avait pas mis en danger le service d’éducation », rappelle-t-il par exemple dans des régions de montagne où les communications sont difficiles. « Là où les communes n’auront pas l’ingénierie éducative ou l’argent nécessaire à la mise en place du périscolaire, les Dasen vont-ils passer en force ? », interroge-t-il. Le Snuipp aurait aussi préféré des délais plus longs : « les communes pas prêtes en 2013 le seront-elles en 2014 ? On risque d’avoir des garderies à de nombreux endroits » alors que l’effet positif du passage aux 5 jours sur les gains scolaires est déjà contesté. Pour le Snuipp, un simple calcul montre que la simple application des barèmes d’aide financière aux communes pour les 6,7 millions d’élèves du primaire dépasse les 250 millions promis par l’Etat. Pour le Snuipp, les conseils d’école devraient décider des rythmes car ils incluent tous les acteurs et connaissent les contraintes locales. Ainsi on ne sait rien du devenir des communautés éducatives qui ont une organisation particulière comme à Toulouse ou dans la Vienne. Ces « constructions intelligentes » vont-elles être supprimées ? « On n’est pas favorable à un modèle tiré au cordeau par la rue de Grenelle », déclare S Sihr.

Les intérêts des enseignants semblent aussi insuffisamment pris en compte par S. Sihr. « On n’a pas de décret sur le temps des enseignants. Or dans le premier degré cela va de pair avec le temps des élèves », rappelle S Sihr. Les enseignants qui vont perdre les mercredis matins perdront-ils aussi les mercredis après-midi ? « Les professeurs des écoles ne comptent pas leurs heures et même leur perte de pouvoir d’achat. Mais cela a une limite. Je le demande instamment au ministre : nous voulons un calendrier précis pour que ces sujets soient discutés ». La libération soudaine de 250 millions au moins pour les communes alors que le salaire net des enseignants baisse depuis plusieurs années ne passe pas inaperçue…

« Il faudra poser la question de la rémunération des enseignants », estime aussi Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen Cfdt. Pour lui il faut mettre à égalité les enseignants du premier et du second degré, par exemple étendre l’ISO au primaire. « Arrivera-t-on à sanctuariser les mercredis après-midi », interroge-t-il également. Le Sgen s’inquiète également de l’autoritarisme des Dasen. Mais le décret est accueilli positivement. « L’objectif était que les enfants aient des journées moins chargées pour apprendre mieux. Il est atteint ». Le régime Darcos n’est pas regretté. F Sève souligne la « souplesse » du dispositif qui fixe des maxima et prévoit des dérogations ainsi que la suppression de l’aide individualisée. « L’APC a un champ large et est laissée à l’initiative des équipes ». Le Sgen aurait souhaité une réforme de l’année scolaire pour donner davantage encore de souplesse et une extension au début du collège pour faciliter la transition école – collège. « On a un volume annuel global d’heures de cours très élevé. Ce n’est pas forcément avec beaucoup d’heures de cours qu’on apprend mieux. Il faudra bien lever ce tabou et arriver aux 23 heures hebdomadaires ».

François Jarraud

Le projet de décret

Rythmes scolaires : le dossier