Print Friendly, PDF & Email
Par François Jarraud


L’éducation civique est-elle devenue un enjeu politique ? On peut poser cette question au vu de son évolution récente. Xavier Darcos a ressuscité « l’instruction civique » à l’école. Vincent Peillon parle d’instituer un enseignement de « morale laïque ». Quelle conception demain pour cette éducation fondatrice ?


Des portails indispensables


Le Discriminologue
De la réflexion, de l’information, des outils d’auto-formation, tout cela sur les discriminations : voilà ce que promet le blog du discriminologue. Réalisé par l’association Afic, avec le soutien du Conseil régional d’Ile de France, le discriminologue veut être un lieu d’échanges citoyens sur les discriminations. Ce sera aussi une adresse à indiquer aux élèves. Formez-vous en vidéo, à la laïcité, à la citoyenneté et à la lutte contre les discriminations…


Droits partagés
Déjà riche de plus de 1000 documents, le site Droits Partagés met à la disposition du public scolaire et éducatif une base de données documentaire retraçant l’évolution des droits de l’homme aux droits de l’enfant de 1789 à nos jours. L’accès direct aux documents numérisés et la diversité des médias et des sources en font toute son originalité et sa richesse. Un moteur de recherche permet une recherche thématique ou par mot-clé. Ainsi une recherche sur l’école restitue les principaux textes de l’histoire de l’enseignement. Le site propose également un album pour présenter les documents. Enfin des fiches pédagogiques sont disponibles pour l’école et le collège et un espace de partage de travaux d’élèves. Une vraie réussite !


Les Itinéraires de citoyenneté
Association fédérant les grands acteurs de l’action civique, partenaire du ministère, le Cidem met en ligne plusieurs centaines d’outils pédagogiques pour participer au « parcours civique » des écoles, collèges et lycées. En 2008, les “Parcours civiques” ont évolué pour devenir “Les itinéraires de citoyenneté”, un ensemble de pistes d’actions pédagogiques et d’outils pour permettre aux acteurs de la communauté éducative – scolaire, périscolaire ou hors école – d’animer les différentes dates de commémoration ou de sensibilisation inscrites dans le calendrier scolaire. Le site est un véritable centre de ressources pour aborder, avec les jeunes générations, les thèmes essentiels à la construction d’une citoyenneté active, consciente et solidaire.


Justimemo, un site pour étudier la justice
Comment fonctionne la justice ? Ce nouveau site créé par le ministère de la justice tente de le faire comprendre. Son principal atout est le recours systématique à la vidéo et au multimédia. On dispose ainsi d’une plateforme censée toucher directement les jeunes. L’enseignant pourra s’appuyer sur cette médiathèque pour imaginer des parcours d’élèves ou pour appuyer son cours.
A vrai dire la médiathèque est copieuse et on peut aussi bien traiter les métiers de la justice, son fonctionnement que les démarches et les procédures qui intéressent le justiciable. Mais cette dernière approche, qui intéresse directement le citoyen et l’élève, n’est pas privilégie. Le site décrit la Justice comme une institution visitée de l’extérieur et non comme une pratique.
Justimemo
Voir aussi : Justice des mineurs en 4ème
L’académie de Besançon publie les documents d’un stage de formation dirigé par Mmes Dupanloup et Vérité sur la justice des mineurs en 4ème. Un travail remarquable.


Citoyenneté et sciences
Alors que la majorité de nos concitoyens expriment une grande méfiance envers la science, voilà une belle initiative, morte en 2007, qui mériterait de renaître. La mission culture scientifique et technique de l’université Louis Pasteur de Strasbourg a ouvert « Science – citoyen », un site sur l’actualité et l’éthique scientifique. Il a publié des dossiers réalisés par des scientifiques qui répondent également aux questions des lecteurs. Le premier dossier concerne les OGM : à quoi servent-elles, la réglementation, le contrôle des OGM. Le second porte sur le clonage humain : le clonage entre mythes et réalités, bioéthique et clonage. Chaque dossier est accompagné d’un glossaire, d’une bibliographie, de liens… et bénéficie de l’assistance épistolaire de l’équipe. C’est bien pratique pour des enquêtes en ECJS !


A venir : La morale laïque bientôt à l’Ecole ?


5 septembre 2012. Vincent Peillon nous reçoit pour un entretien qui portera sur bien d’autres points. Le ministre est fatigué en fin de journée. L’ancien professeur de philosophie ne s’anime vraiment que quand la question de la « morale laïque » est abordée. De l’école au lycée, Vincent Peillon semble bien décidé à instaurer ce nouvel enseignement de « morale laïque ». Pour quoi faire ? Et comment ? « Il faut bien comprendre que la morale laïque, cela n’a rien de vieillot. Il ne s’agit pas de réciter des préceptes ou d’ânonner des maximes, mais d’enseigner la liberté, de réfléchir au sens de la vie », nous dit-il. « Chacun a le droit à sa culture, ses croyances. La morale laïque ne doit blesser aucune conscience. Mais à l’école on bâtit le commun, et c’est une faiblesse que d’avoir abandonné cette mission d’enseigner ces valeurs. »


La morale pour créer le vivre ensemble ? « Si l’école a peur d’enseigner des valeurs émancipatrices, alors les marchands, les intégristes ont tout le terrain pour eux », poursuit Vincent Peillon. « Si l’école ne se défend plus, elle s’écroule. Je demande aux enseignants de comprendre que c’est une grande fierté pour eux de porter ces valeurs. On ne va pas laisser la laïcité à ceux qui professent la haine de l’autre. »


Qui enseignera la morale laïque ? « Attendons les conclusions de la mission que je suis en train de mettre en place ! », répond le ministre. « Il y a – et à ce stade nous devons prendre le temps de la réflexion – plusieurs options. Cet enseignement pourra être confié à un enseignant en particulier ou à plusieurs. Ce qui est important c’est de réfléchir à la continuité des apprentissages, au contenu, au type d’enseignement, aux pratiques pédagogiques et à l’évaluation que l’on souhaite mettre en place. »



En pratiques


La liberté (selon) le peuple
Que veut dire être libre ? Comment la liberté e-t-elle été conquise ? Dans le cadre scolaire, travailler cette notion avec des adolescents n’est pas chose aisée. Ca l’est encore moins en L.P. Plutôt que d’en débattre ou de faire travailler sur des textes, Stéphane Deshayes a osé une voie originale, inventive et très réussie. Il a demandé à ses élèves de terminale brevet des métiers d’art – bijouterie du lycée E.Faure de Morteau de concevoir un scénario et réaliser une vidéo. Le scénario associe une reconstitution commentée du célèbre tableau de Delacroix (La Liberté guidant le peuple) et un micro-trottoir sur ce qu’évoque la liberté aujourd’hui. La réalisation est originale, décapante et éducative.


Originale car les élèves ont su s’approprier l’outil vidéo de façon remarquable. Ils savent également jouer leur rôle. Décapante car on mesure tout le chemin entre l’idéal révolutionnaire et la réalité quotidienne. Cela ouvre une dimension critique formatrice pour les jeunes et qui donne sens à la reconstitution historique. Car les élèves « jouent » le tableau de Delacroix, font parler les personnages et là ils font de l’histoire. Additionnons tous ces éléments et nous avons une réflexion et une appropriation réelle et personnelle d’une notion civique fondamentale. Chapeau ! « Je suis de plus en plus persuadé que la finalité citoyenne visée n’est pas tant dans l »‘objet réalisé que dans la réalisation elle-même » écrit S. Deshayes. Il n’a pas tort.


Former contre les discriminations
Professeur de SES, Florence Aulanier décrit l’impact d’une formation à la lutte contre les discriminations menée avec la Ligue de l’enseignement en classe de première. Attention ça chante et ça valse !


Envers et contre tout
Ce jeu sérieux sensibilise les jeunes à ce que peut être la vie d’un réfugié. Ils se retrouvent dans la peau d’un réfugié à devoir faire face à des questions de la vie courante : faire du shopping, trouver un toit, aller en classe ou encore fuir son pays. La réalisation est remarquable et prenante. Réalisé par l’UNHCR, une agence ONU pour les réfugiés, ce jeu mérite d’être connu de élèves. Des exercices complémentaires sont proposés pour une exploitation en classe de chaque niveau du jeu.
Envers et contre tout


Des outils en ligne pour réfléchir aux discriminations
La Halde et le ministère de l’éducation nationale unissent leurs efforts pour proposer une formation en ligne sur les discriminations dans l’éducation. Bien réussie, elle montre par exemple comment les stéréotypes nous guident dans la distribution des copies. Ces outils seront téléchargeables pour être utilisés plus facilement dans les établissements.
Accéder aux outils


Vivre en citoyen
Une séquence en seconde professionnelle sur les engagements individuels : associations, partis et syndicats. La séquence dure environ 8 heures. Elle permet de découvrir la loi. Mais elle entraine aussi les élèves dans la création d’une association virtuelle avec demande de subvention…


5ème : Le droit au logement opposable
Cette séquence de Vincent Folliot s’appuie sur le travail de l’association « Une famille, un toit 44 » pour découvrir le droit au logement opposable et faire comprendre son action. Elle comporte aussi une dimension d’aménagement territorial. Enfin elle fait appel aux TICE. Autant de bonnes raisons pour s’en inspirer et la localiser près de votre collège.



Réfléchir à ses pratiques…


C. Marro : « L’Ecole persiste à perpétuer la croyance en LA différence des sexes »
Le ministère a décidé de suspendre le Dictionnaire des écoliers. Cette mesure est prise suite à la diffusion sur Internet d’extraits particulièrement révélateurs de cet ouvrage. A l’origine de ce buzz, la conférence de Cendrine Marro, maîtresse de conférences à l’UFR des sciences psychologiques et sciences de l’éducation de l’Université Paris Ouest Nanterre, lors de l’Université du Snuipp à Port Leucate. Le Café avait publié son intervention le 30 octobre et revient avec elle sur les question du genre à l’Education nationale.


L’identité nationale et l’Ecole
« Aujourd’hui, l’écolier français d’une famille héritière de l’immigration postcoloniale est souvent perçu comme le signe de l’étranger autour duquel s’organise tout un ensemble de discours faisant de sa présence l’objet de l’interrogation sur de l’identité nationale ». Alors que le gouvernement lance un débat national sur l’identité française, Benoît Falaize nous aide à réfléchir sur l »Ecole et son rôle dans la construction de l’identité nationale.


L’éducation à la citoyenneté au Québec
Le numéro 146 de Vie pédagogique, une revue québécoise, est dédié à l’éducation à la citoyenneté. ‘Quelles pratiques favorisent le développement de la conscience citoyenne?’ interroge la revue. « Plusieurs portes s’ouvrent aux différents intervenants du milieu scolaire. Ils peuvent favoriser des actions à l’intérieur de l’école ou une ouverture sur le monde, en établissant des partenariats avec des organismes communautaires locaux ou internationaux. Selon Denis Parent, il est important de proposer des projets qui mettent les jeunes en situation « de vivre l’expérience de la différence de l’autre dans l’engagement « . Le numéro donne des exemples de pratiques.


L’éducation à la citoyenneté écartelée par les défis des sociétés modernes
« La formation du citoyen est de plus en plus intégrée dans les missions de l’Ecole. Mais de quelle citoyenneté s’agit-il ? Quelle pertinence garde le concept de citoyenneté dans des sociétés modernes généralement analysées en termes de changement et de mondialisation, dans un contexte de remise en cause du modèle historique de l’Etat-nation et des formes de citoyenneté qui lui étaient associées ? » En ouvrant ce numéro 44 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres, Maroussia Raveaud pose une des contradictions qui posent problème à cet enseignement particulier qu’est l’éducation civique.


Ces contradictions sont magnifiquement mises en scène par les analyses qui composent le dossier, qui alternent points de vue nationaux et points de vue d’acteurs. En effet que pensent les élèves de l’éducation civique ? Stephen Gorard montre que les lèves ressentent un fort sentiment d’injustice à l’école ce qui l’amène à poser une question. « Comment un programme d’apprentissage de la citoyenneté comprenant les notions de justice et de démocratie pourrait-il efficacement être mis en place si les élèves eux-mêmes ne sont pas majoritairement convaincus que leurs professeurs sont généralement capables d’adopter untel comportement ? ». A l’autre bout, Géraldine Bozec et Sophie Duchesne mettent en évidence les contradictions des attitudes des enseignants. Ils mettent peu en avant la France plurielle et le multiculturalisme mais en même temps évoquent peu l’identité nationale.


Plusieurs exemples nationaux montrent comment l’éducation civique vient échouer sur les exigences sociales. Ainsi en Espagne l’instauration d’une éducation civique obligatoire d e10 à 16 ans se heurte à l’Eglise. « Paradoxalement », écrivent R. Jimenez Vicioso et J.C. Gonzalez. Faraco, « bien des raisons qui justifient une bonne éducation à la citoyenneté sont vécues dans les écoles comme des obstacles à son développement ». Certains drames survenus en classe ont augmenté les exigences en terme d’éducation civique. Mais les réponses apportées sont avant tout policières et en contradiction avec les valeurs défendues.


Ce numéro, qui comprend d’autres analyses nationales, ne révèle pas que des contradictions. Il souligne aussi les liens entre les attentes politiques et sociales et cet enseignement particulier. Des attentes qui peuvent heurter les valeurs de l’Ecole. Ce numéro est donc vivement recommandé non seulement à tous ceux qui enseignent l’éducation civique mais aussi à tous les acteurs de l’Ecole.


L’Ecole peut-elle fabriquer de bons citoyens ?
C’est devenu un lieu commun que d’affirmer l’existence d’un lien entre l’éducation et la construction démocratique. Cette opinion n’est d’ailleurs pas pour rien dans les motivations des enseignants et leur foi en leur métier. Ainsi Lipset a montré que les individus éduqués acceptent mieux les valeurs démocratiques. D’autres auteurs (Nie, Corbett, Przeworski) ont pu montrer que les individus ayant un haut niveau éducatif votent plus largement pour les partis démocratiques. L’éducation serait donc un élément déterminant de la construction démocratique et de la stabilité politique. On a pu ainsi mettre en relation le niveau d’instruction et les choix politiques aux élections de 2002. On avait ainsi trois fois moins de chances de voter Le Pen avec un diplôme du supérieur qu’avec un simple bac…


Mais est-ce bien l’Ecole qui explique ce décalage ? Thomas Siedler, professeur à l’université d’Essex, a étudié le rapport entre la prolongation de la scolarité et la construction démocratique en Allemagne. De 1949 à 1969, la scolarité obligatoire a été prolongée. Et parallèlement la vie démocratique s’est développée dans le pays. Il a pu mettre en évidence le rapport entre le développement de l’Ecole et celui des pratiques démocratiques. Ainsi prolonger l’école d’un an est corrélé avec 4% de plus de chances de s’intéresser à la politique ou 3% de participer à une manifestation politique ou encore cela augmente de 5% la possibilité de signer une pétition. Pour autant il estime n’avoir aucune preuve que ces corrélations sont réellement en lien avec le développement de l’Ecole. D’autres facteurs lui semblent avoir joués : les expériences vécues sous Hitler et l’importance des liens intergénérationnels par exemple.


Que tirer de ces contradictions ? Calculer la rentabilité même démocratique de l’éducation est chose difficile. La rentabilité diminue sans doute avec l’augmentation du taux de scolarisation : il est peut-être plus difficile de transmettre les valeurs démocratiques aux milieux les plus défavorisés. Mais ces résultats sont à la hauteur de la construction démocratique : un perpétuel défi à relever. Il nous incombe donc de construire la démocratie dans et à l’école.


Teaching Tolerance
Comment combattre l’anti-islamisme demande Teaching Tolerance, une revue américaine dédiée aux questions de citoyenneté. Chaque trimestre elle aborde de façon concrète ces questions, mettant en avant les pratiques de classe qui ont cours outre -Atlantique. Ainsi contre l’anti-islamisme elle montre comment le 11 septembre a entraîné des réactions de rejet dans els établissements. Elle montre aussi que « ce qui change les gens c’est les gens » et prone les contacts communautaires.
Teaching Tolerance


Spécial : Enseigner la Shoah


Enseigner la Shoah : Un nouveau site
Le Mémorial de la Shoah et le ministère de l’éducation nationale ont ouvert le 27 mars un nouveau site destiné aux enseignants. Il propose des séquences adaptables pour la classe du primaire au lycée. Le site propose des fiches historique thématiques, des documents d’archive et de nombreux documents pédagogiques. Les enseignants ont là un appui formidable pour cet enseignement. Le site propose également des circuits de visite pour aborder la Shoah sous un autre angle.


La Shoah cartographiée à Paris
Entre 1942 et 1944, 11 400 enfants juifs ont été arrêtés en France dont environ 6 200 à Paris. Tous ces enfants parisiens victimes de la Shoah sont maintenant localisés sur une carte interactive développée par Jean-Luc Pinol à partir des données de Serge Klarsfeld. D’un simple clic on fait apparaitre le nom d’une victime localisée près de son collège. Ce remarquable outil matérialise en la localisant la Shoah. On a là un bel outil pour réfléchir à l’organisation de la Shoah et lancer des recherches.


Le dossier du Café : Enseigner la Shoah
Un dossier très complet qui offre des pistes pédagogiques pour faire passer cet enseignement difficile de l’école au lycée. Le dossier vous donne des exemples de pratiques. Il offre aussi une sélection de ressources.


Préparer un voyage à Auschwitz
Depuis plus de 10 ans, le Mémorial de la Shoah organise chaque année des voyages d’étude sur le site d’Auschwitz-Birkenau en Pologne, encadrés par des rescapés et des accompagnateurs-historiens. Ces voyages bénéficient du soutien de collectivités locales, par exemple, de façon exemplaire, la région Ile-de-France.
Destinés aux élèves de l’enseignement général, professionnel et agricole, ces voyages d’étude s’inscrivent au cœur d’une véritable démarche éducative, souvent pluridisciplinaire, reposant sur une préparation approfondie et personnalisée, sur la mise à disposition d’outils pédagogiques adaptés et exclusifs, sur un encadrement qualifié et un suivi rigoureux après le séjour. Retenus en fonction de leur motivation, les élèves sont nécessairement engagés dans des projets pédagogiques qui les mobilisent tout au long de l’année scolaire. Avant le voyage d’étude, ces projets conduisent les classes à entamer une recherche documentaire et à renforcer leurs connaissances, une étape fondamentale avant la visite d’Auschwitz. Après le voyage d’étude, les élèves s’attachent avec leurs enseignants à un travail de réflexion et de restitution, tant du point de vue de leurs émotions que des notions acquises.

Le grenier de Sarah
Comment sensibiliser les enfants à l’histoire de la Shoah ? Peut-être en leur racontant, avec les mots de leur âge, l’histoire d’enfants de leur âge, cachés, pourchassés, aidés aussi parfois. C’est ce que propose « Le grenier de Sarah ». Conçu pour être utilisé facilement par les enfants, le site évoque le destin authentique de cinq enfants juifs en mêlant témoignage sonore, documents d’époque et de belles animations. Ainsi découvre-t-on l’histoire de Francine déportée, d’Irène cachée, d’Albert le jeune maquisard, de Rachel cachée et d’Anne Frank. L’univers visuel est celui des ouvrages pour enfants mais ponctué de documents authentiques et accompagné d’un récit sonore. Ainsi l’enfant s’identifie à l’enfant pourchassé et partage ses sentiments tout en gardant son intelligence éveillée par les documents. Les histoires font découvrir la réalité de la Shoah et apportent les explications dont l’enfant a besoin. Un « épilogue » clôt l’histoire. Les autres parties du site donnent de façon très ludique des clés de compréhension de la culture yiddish terriblement laminée par la Shoah. Un espace documentaire est ouvert aux enseignants où ils peuvent télécharger les récits. Ce site développé par le Mémorial de la Shoah, avec le soutien du ministère, est absolument remarquable.


Deux B.D. pour raconter la Shoah
Comment expliquer aux collégiens un événement aussi terrible ? Eric Heuvel réussit à le faire dans ses deux publications BD. Il raconte comment le nazisme s’est imposé. Il met en valeur des héros positifs. Il n’enferme pas dans le morbide mais montre de bons citoyens. Il joue sur l’intergénérationnel. Les deux B.D., Un secret de famille et La quête d’Esther, racontent l’aventure de la même famille mais sous deux angles différents. Le récit est riche en connaissances historiques tout en étant vivant. Voilà deux réalisations vivement recommandées.
La quête d’Esther et Un secret de famille, chez Belin.


Etre juif en Haute-Saône pendant la seconde guerre mondiale
Un remarquable dossier documentaire du service éducatif des archives départementales de Haute-Saône. Les élèves travaillent directement sur les reproductions de documents pour saisir la réalité de la politique antisémite de Vichy et de l’Allemagne nazie. Ils voient comment une administration bascule dans « l’antisémitisme de bureau », comment se met en place une politique raciste, avec ses relais locaux, comment sont prises les mesures antisémites et avec quels résultats. Ce dossier parlera directement aux collégiens et lycéens de Haute-Saône mais il est utilisable ailleurs.



Coup de coeur : 100 témoins, 100 écoles : Quand la mémoire éduque

Il y a des rencontres qu’il faut faire. En voici une, faite le 9 mai dans les locaux du Conseil régional d’Ile-de-France. De vrais moments d’humanité offerts par l’association « Paroles d’hommes et de femmes » dirigée par Frédéric Praud. Elle met en contact des immigrés qui viennent dans les établissements scolaires raconter leur vie et la partager avec les jeunes. C’est l’occasion de travaux scolaires. Mais ces immigrés sont aussi des adultes, souvent âgés, qui rencontrent des jeunes et, dans ce contact plus profond qu’il n’en a l’air, la dimension intergénérationnelle est très forte. Personne ne peut y être insensible.


Parlons des témoins


C’est toute la diversité du monde qui cohabite harmonieusement. Il y a « La petite souris », une dame vietnamienne d’un certain âge. « Je me présente : « La petite souris », enfant maltraitée et exploitée, femme bafouée, chef d’entreprise escroquée. Ma jeunesse volée je la retrouve avec vous », dit-elle. Il y a aussi une dame un peu plus âgée, polonaise. « Je vous souhaite de vivre toujours dans un pays libre. Je vous souhaite de vous battre pour les autres ». Et puis cette dame espagnole qui raconte comment les femmes immigrées doivent se battre encore davantage que les hommes. Il y a aussi ce Togolais, ménage le matin, musique le soir, qui incite les jeunes à la persévérance. Que de belles personnes, que la vie n’ a pas ménagées mais qui ont su la diriger.


Vous l’avez compris. Ce que ces témoins apportent dans votre classe ce sont des vies d’immigrés. De vraies vies humaines avec leur profondeur, leurs drames, leurs appels, leurs espoirs et toute leur capacité à toucher les élèves. Et aussi toute leur force pour surmonter les obstacles et construire une vie digne. « C’est important de voir des personnes qui ont réussi et qui puissent le transmettre aux autres ».
Parlons des professeurs


Parmi la vingtaine d’enseignants présents, Brigitte Buisson enseigne le français langue étrangère dans une classe d’intégration. « Ce qu’apporte ce projet, c’est énorme », nous confie-t-elle. Nos jeunes ont perdu leur ainés, restés au pays, leur famille. Discuter avec les témoins, les rassure. Ca leur donne des modèles d’intégration. Enfin c’est un élément moteur pour un travail avec d’autres collègues sur les pays, l’histoire. En français on travaille l’oral avec les témoins mais aussi l’écrit parce qu’on leur envoie une lettre. Dans une semaine, le lycée accueille une exposition de l’association Paroles d’hommes et de femmes. Les jeunes devront accueillir et guider les visiteurs ».


Au lycée d’Hirson (Aisne), Lionnel Wimmer juge aussi que ces rencontres apportent beaucoup. « Les élèves ont réalisé une exposition. Ils ont rédigé des poèmes. En histoire – géographie on utilise aussi ces contacts pour le chapitre de géographie sur la ville, en comparant les migrations urbaines en Afrique et en Europe, et en histoire pour le chapitre sur l’histoire de l’Europe et du monde ». Mais le grand apport est humain et citoyen. « Ces rencontres font évoluer le regard jeté sur les immigrés à un moment et dans une région où l’extrême droite progresse. En ce sens, il y a une véritable plus value éducative pour former des citoyens tolérants, capables de vivre avec les autres ».


Et il y a Frédéric Praud…


Ecrivain public, ancien éducateur, il a monté ce projet en 2004 à la demande de jeunes. « Ces enfants de l’Aide sociale à l’enfance, n’ont pas de parents. Alors ils m’ont demandé de rencontrer des adultes. Tout est parti de là ». Dans le grand amphithéâtre du Conseil régional francilien, Frédéric Praud accueille avec tendresse témoins et enseignants. Il sait entretenir une atmosphère de bienveillance et de sérénité qui n’est pas pour rien dans le succès de l’association. « 100 témoins, 100 écoles, ça sert à découvrir la richesse de la diversité », avoue-t-il.


L’association dispose de 120 témoins rompus aux interventions en classe. Elle visite une centaine d’établissements par an dans 6 régions, dont l’Ile-de-France. Le ministère de l’éducation nationale applaudit l’initiative et autorise l’association à entrer dans les établissements. Mais ne veut rien payer. Aujourd’hui c’est la Direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté du ministère de l’immigration et les subventions régionales qui font vivre Parole d’hommes et de femmes.


Pourtant, aussi vrai que le métier d’enseigner consiste aussi à élever des petits d’hommes, je vous l’assure, ce que fait cette association c’est vraiment de l’éducation. N’hésitez pas à entrer en contact avec elle.
Le site de l’association