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Par François Jarraud



Les sites des penseurs de l’éducation


Parmi les grands acteurs de l’éducation les chercheurs sont à mettre à part. Ce sont eux qui donnent le recul pour penser l’Ecole et qui de ce fait montrent la voie. Malheureusement peu entretiennent un site Internet vivant. Vous trouverez dans les articles du Café pédagogique bien des noms absents dans ce Guide pour cette seule raison.


Le site de Philippe Meirieu
Tenu par un des plus grands spécialistes de l’Ecole, il associe un fonds documentaire unique avec des réactions et analyses en prise avec l’actualité. Ainsi il permet de découvrir, à travers le remarquable cours d’histoire des doctrines et courants pédagogiques, les grands pédagogues qui ont marqué l’histoire de l’Ecole et de la réflexion sur l’Ecole. Mais le site réagit de façon rapide à l’actualité en publiant des tribunes de P. Meirieu ou d’autres acteurs et penseurs de l’Ecole.


Le site de Bruno Suchaut
Directeur de l’IREDU, un institut de recherche en sociologie de l’école, Bruno Suchaut met en ligne ses travaux de réflexion et d’analyse sur le système éducatif, sur son fonctionnement et ses résultats. A voir par exemple l’analyse de PISA 2009, les travaux sur le PRE de l’agglomération dijonnaise ou les RATR parisiens ou encore sur l’école maternelle.



Les grandes revues pédagogiques


La Revue internationale d’éducation de Sèvres
Aborder les questions de politique éducative avec une perspective internationale est la grande particularité de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Ses trois livraisons annuelles sont précieuses car elles s’appuient sur un rare réseau de spécialistes du monde entier.
Par exemple, le numéro 60 sur les chefs d’établissement : Dans la transformation de l’Ecole par le New Public Management, les chefs d’établissement sont aux premières loges. C’est peut-être ce qui motive la Revue internationale d’éducation de Sèvres de consacrer un numéro (n°60) au « métier de chef d’établissement ». Confié à Ghislaine Matringe, ancien chef d’établissement et ancienne directrice de l’encadrement au ministère, ce dossier analyse l’évolution du métier dans plusieurs pays, la France bien sûr mais aussi la Suède, les Etats-Unis, le Portugal, le Chili, l’Allemagne et la Slovénie. Au delà des différences, une certitude : le métier est coincé entre New Public Management et monde enseignant. Entre marteau et enclume.


La revue française de pédagogie
Editée par l’INRP, elle s’appuie depuis plus de quarante ans sur les travaux des chercheurs français. Elle aborde les questions pédagogiques dans une perspective généraliste et publie des contributions relevant d’une pluralité d’approches et de plusieurs disciplines de référence : psychologie, sociologie, philosophie, histoire, sciences de l’éducation, etc. Généralement regroupés en ensembles thématiques, les articles donnent accès aux apports les plus récents de la recherche en éducation. Parmi les thèmes abordés en 2012 , le spolitiques de lutte contre les inégalités scolaires dans le monde.


La cellule Veille scientifique et technologique de l’INRP
Les dossiers de la Veille scientifique et technologique de l’INRP sont devenus des références pour tous les lecteurs du Café. Chaque numéro synthétise de façon remarquable et unique un débat éducatif. Ainsi en 2012, le décrochage, les apprentissages 2.0.


Spirale
Publiée par l’Université de Lille 3, Spirale s’impose par la qualité de ses articles qui n’hésitent pas à aller sur des chemins nouveaux. Ainsi c’est le rapport entre enseignement et vulgarisation qu’étudie un nouveau numéro de Spirale, la revue de recherche en éducation d el’université de Lille 3.
Albin Delalloy-Courdent et Philippe Colin étudient ainsi les procédés de l’enseignement et de la vulgarisation et les emprunts des uns aux autres. Laurence Viennot montre comment l’enseignement réutilise le vécu des élèves par rapport à la vulgarisation en « explications-échos ». A vrai dire la question de la vulgarisation en classe st ancienne. Philippe Rocher montre par exemple l’extraordinaire longévité des expériences de Jean-Henri Fabre à travers plus d’un siècle de manuels scolaires. Dès 1882, l’école de la République s’est appuyée sur le grand vulgarisateur pour encourager les sciences et la Raison dans l’enseignement.


Les Cahiers Pédagogiques
Faut-il encore présenter les Cahiers ? Cette revue pédagogique a largement contribué à la formation et la réflexion depuis sa création. Le site des  » Cahiers Pédagogiques  » présente le numéro du mois, annonce les prochains, publie des réactions de lecteurs et lance des appels à contribution, enfin fait connaître le CRAP. Chaque numéro, autour d’un thème, nous aide à faire avancer nos réflexions et nos pratiques ! Parmi les derniers numéros : Le numéro 500, Quand la classe est difficile…


Et dans le Café pédagogique..
L’Expresso du Café pédagogique décline au quotidien l’actualité de la pédagogie. Mais le Café ce sont aussi des dossiers publiés dans le mensuel ou l’Expresso. Parmi les titres de 2012 :
Le décrochage scolaire
Le décrochage est lié à de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci le style d’enseignement a sa part. Celui-ci ne peut pas changer sans prise de conscience de l’Ecole.
Les rythmes scolaires
La question des rythmes scolaires peut-elle faire capoter la refondation ? Les déclarations se durcissent alors même que la réforme a été peu à peu allégée sur de nombreux points. Quels sont donc ses véritables enjeux ?
La Formation des enseignants : La refondation vraiment ?
Le Forum de la Démocratisation de l’Ecole
Qu’ont à se dire les acteurs de l’Ecole sur sa démocratisation ratée ? Ouvert le 6 octobre, au lendemain de la publication du rapport de la concertation sur la refondation de l’Ecole, le Forum de la démocratisation de l’Ecole organisé par le Café pédagogique a réagi à ses propositions. Croisant les expériences d’enseignants innovants et les analyses des experts, les avis des parents comme ceux des professeurs, il a débouché sur des propositions concrètes.
Le sport scolaire en débat
Où en est le sport scolaire ? Notre dossier spécial croise les regards sur les premières fédérations sportives françaises. Il interroge leurs dirigeants. Il montre aussi le travail des enseignants d’EPS, pleinement investis dans les associations sportives.
La violence scolaire



Les grands acteurs de l’éducation


L’OCDE
Organisation internationale prioritairement dévouée au développement économique, l’OCDE considère l’éducation dans la mesure où elle est un appui pour la croissance économique. Elle aborde donc les questions éducatives avec un regard unique : celui de l’efficacité des systèmes éducatifs dans une dimension forcément comparatiste.
Tous les trois ans l’enquête PISA classe les systèmes éducatifs selon leur efficacité mais aussi met en valeur des éléments de politique éducative qui semblent à l’OCDE devoir être suivis. En 2010, la publication de PISA 2009, qui montre l’évolution des systèmes éducatifs sur une décennie, a été un moment particulièrement fort. Ressentis moins brutalement que PISA 2006, les résultats de PISA 2009 vont peser sur les décisions gouvernementales, ce qui ne veut pas dire que celles-ci en suivent précisément les enseignements. Ces résultats sont ensuite analysés dans un périodique dont la lecture s’impose : Pisa in focus. Parmi les derniers numéros : l’enseignement privé, les élèves lisent-ils par plaisirs, comment les parents peuvent aider leurs enfants.


Mais l’OCDE publie également des travaux sur l’éducation à un rythme assez régulier. Par exemple l’OCDE s’intéresse à l’efficacité de l’utilisation des TICE, à la direction des établissements. Enfin la publication annuelle « Regards sur l’éducation » fournit également des indicateurs précieux sur l’Ecole.

Voir aussi : OCDE : Regards sur l’éducation
Chaque année l’OCDE fait le point sur l’éducation dans les pays membres avec un focus sur la France. L’édition 2012 a mis l’accent sur certains faiblesses du système français. Pourquoi le taux de scolarisation baisse-t-il ? Comment fait-on pour avoir tant d’inégalités alors que la France a un taux record de préscolarisation ? Pourquoi a-t-on si peu de doctorants ? Comment expliquer la crise du recrutement des enseignants ?


Le ministère de l’éducation nationale
Peut-on publier sur soi-même en pleine lucidité et liberté ? C’est la difficulté que rencontre l’éducation nationale qui aligne les équipes de chercheurs de la DEPP (Division de la prospective et des études), les évaluateurs de l’Inspection générale et un cabinet ministériel qui, sous Darcos et Chatel, veillait étroitement à l’orthodoxie… En arrivant au pouvoir, Vincent Peillon a « libéré » une quinzaine de rapports de l’Inspection et il promet la création d’un Haut Conseil de l’Evaluation qui serait indépendant mais nommé par le ministre…


Les Notes d’information de la DEPP donnent, à travers une synthèse courte, une lecture de sujets dont la liste est parfois publiée au B.O. Certaines de ces publications sont des usuels indispensables : le RIES par exemple ou « L’Etat de l’Ecole ». La revue Educations et formation publie des numéros thématiques d’un grand intérêt. Le dernier traite de  » Conditions de scolarisation et facteurs de réussite scolaire ».


Les rapports de l’inspection générale relèvent de commandes officielles faites par le ministre.  » Conformément au Programme de travail fixé chaque année, ces rapports ont pour objet l’étude des thèmes prioritaires retenus par le Ministre ainsi que le suivi permanent de la mise en oeuvre de la politique éducative. Cette expertise a pour but de contribuer à la prise de décisions des responsables concernés ». Ce sont donc plus que des études, des pistes discutées et testées par l’administration centrale ou un retour sur des programmes validé spar l’Inspection… Parmi les derniers rapports publiés officiellement « Les composantes de l’activité des enseignants », « L’élargissement du programme CLAIR au programme ECLAIR », « La mise en oeuvre du livret personnel de compétences au collège »…


Eduscol le site de la Direction générale de l’enseignement scolaire, est le lieu où l’on trouvera les programmes et les dernières instructions officielles. C’est aussi un endroit pour découvrir les documents des dispositifs de formation des enseignants (universités d’été par exemple). On assiste ces derniers temps au retour des « documents d’accompagnement » sous une nouvelle formule. Enfin Eduscol a avalé Educnet , le site spécialisé dans les usages des TICE. Il propose également une trentaine de sites disciplinaires qui permettent de se former à l’utilisation des TICE dans sa discipline et qui mettent l’accent sur de « bonnes pratiques ». Le dispositif Pairform@nces manifeste ce souci de faire évoluer les pratiques sur le terrain.


L’OZP
Puisque le premier point noir du système éducatif français est la masse des sorties sans qualifications, le site de l’association Observatoire des zones prioritaires est incontournable. Il suit au quotidien l’actualité pédagogique et éducative de ces zones et organise des réunions mensuelles d’une grande qualité avec des acteurs de l’éducation prioritaire.



Les coups de coeur


Le Forum des enseignants innovants
Le ministre de l’éducation nationale a inauguré vendredi 1er juin le 5ème Forum des enseignants innovants. Il a annoncé que la pédagogie serait « l’entrée dans tous les sujets » pour son ministère et promis d’aider à la diffusion des innovations. En présence de François Bonneau, président de la région Centre, il a demandé le soutien des régions pour l’orientation des jeunes. Le Forum a réuni une centaine d’enseignants innovants sélectionnés par le Café pédagogique et des associations d’enseignants
Le dossier complet avec la liste des projets , la visite du ministre, la conférence d’A. Prost


PédagoPsy, le site de J. Nimier
« PedagoPsy, car je voudrais mettre l’accent sur son interdisciplinarité ». Jacques Nimier présente son site en rappelant sa dimension interdisciplinaire. ‘Le nom de ce site veut donc montrer que j’essaie de me situer à l’interface de la Pédagogie et de la Psychologie, de la Psychosociologie et bien sûr des Sciences de l’Education dans un système qui étudie les facteurs humains en jeu dans l’enseignement… Enfin au moment où deux cultures s’opposent, celle, traditionnelle dans l’enseignement, qui veut former les élèves à l’esprit critique, à la rationalité, à la transmission de connaissances rationnelles, et celle, transmise principalement par les médias, les images, l’imaginaire, des connaissances simplement suggérées, je cherche à montrer l’indispensable prise en compte de la dialectique entre le symbolique et l’imaginaire et également l’erreur de croire qu’on peut évacuer complètement l’imaginaire dans toutes connaissances, dans toutes décisions particulièrement en ce qui concerne l’enseignement et la formation. J’essaie de montrer que c’est en le prenant en compte dans les personnes (fantasmes) et dans la société (imaginaires collectifs, idéologies) qu’on peut justement être moins tributaire de cet imaginaire et que c’est en l’analysant (et non en le niant) qu’on peut créer un véritable esprit critique chez nos élèves (et en nous -mêmes! ); c’est aussi cet imaginaire qui est à l’origine de la créativité chez nos élèves. Cette dernière est si importante pour notre pays ». Le site publie mensuellement un dossier toujours alimenté de contributions d’une grande richesse.


Les jeux sérieux permettent-ils d’apprendre ?
Le jeu peut-il être un bon auxiliaire pour l’enseignement ? Cette question est suivie de près par le Café pédagogique depuis plusieurs années. A coup sur, le jeu sérieux a un avenir éducatif. L’Ecole saura-t-elle s’en saisir ? Le jeu sérieux saura-t-il s’adapter à la forme scolaire ? En tous cas, les premiers jeux conçus pour l’Education nationale sont annoncés.
Les premiers jeux annoncés
Retour d’expérience
Les nouveaux jeux sérieux arrivent
Les jeux sérieux ont-ils un avenir à l’Ecole ?
Dossier : Enseigner avec le jeu ?
Les jeux sérieux permettent-ils d’apprendre ?
Des jeux sérieux pour apprendre le métier d’enseignant


En finir avec les notes ?
Faut-il en finir avec les notes ? Un ouvrage dirigé par Fabrizio Butera, Céline Buchs et Céline Darnon nous y invite fermement. « Si on reste dans le domaine des apprentissages et de la motivation, on ne trouve pas de recherches qui montrent des effets positifs des notes », nous disent-ils. Le Café est allé voir comment cela se passait dans les collèges qui ont abandonné l’évaluation classique au profit de l’approche par compétences, avec des résultats nuancés.



Débuter dans le métier


Néo Pass
Ce site ouvert par l’IFé (ex-Institut national de recherches pédagogiques) fait largement appel lui aussi à la vidéo. Mais c’est pour confronter les points de vue ou suivre un enseignant qui commente ses réactions. Pas de culpabilisation ici. On sait que le métier est difficile. On sait qu’il s’apprend. Mais on sait aussi qu’il nous apprend sur nous-mêmes et que toute formation est d’abord ce voyage en soi.


Comment accueillir les élèves ?
 » Les débuts d’année sont des moments d’accueil: accueil des élèves dans leurs nouvelles classes, accueil des collègues nouvellement arrivés, accueil des parents qui désirent prendre contact avec l’établissement. Les routines habituelles nous font répéter régulièrement les mêmes méthodes… Est-ce cela l’accueil? » Jacques Nimier consacre un important dossier à l’accueil des élèves et des parents. Pour lui  » accueillir c’est dire quelque chose à l’autre au sujet de notre attente vis-à-vis de lui » et cela passe par l’aménagement de l’espace , le choix du temps etc.  » Accueillir, en définitive, résulte d’un état d’esprit, d’une attitude intérieure où l’élève, le collègue, le parent qui est en face de soi est considéré comme important, comme une personne à part entière dont il faut tenir compte ». Il propose des outils utiles pour la prise de contact.
Sur le Café
Le dossier « Débuter » du Guide de rentrée 2012 du Café.



Coup de coeur : N’oublions pas les bons profs


Voilà un livre qui rend honneur aux oubliés de l’histoire, ceux dont on ne parle jamais dans les médias, les exclus du système médiatique : les bons profs.


Nicolas Mascret, professeur lui-même et formateur en IUFM, a interrogé près de 150 personnes pour savoir si elles se souvenaient de leur(s) bon(s) professeur(s). Et cela leur a fait du bien de se souvenir. Car très rares sont les personnes qui n’ont jamais croisé « un bon prof », une personnalité qui les a marqué et qui a compté dans leur vie.
D’où l’idée de faire un portrait robot. Mais… mission impossible ! Les bons profs ne sont pas identiques. Pire, le bon prof de l’un ne convient pas forcément à l’autre. Parce que c’est une alchimie, nous dit Nicolas Mascret, qu’un bon prof. Il doit avoir de l’autorité mais pas pratiquer l’autoritarisme. Il doit être bienveillant mais avoir des exigences. Ce n’est pas un pote et pourtant un vrai ami.


Pour creuser davantage, N Mascret a interrogé des personnalités sur les « bons profs » qu’ils ont croisé. Boris Cyrulnik montre à quel point ils ont été importants pour lui par leur empathie, première qualité du bon prof selon lui. Pour Marcel Rufo le bon prof c’est celui qui s’intéresse. Mais pour Jean-Claude Gaudin c’est celui qui transmet.


A-t-on besoin d’un livre qui nous rappelle que les bons profs existent ? Les rayons des librairies, les colonnes des journaux sont pleins de livres et d’articles négatifs sur l’Ecole qui montrent des professeurs en souffrance qui méprisent élèves et parents et n’attendent qu’un prix littéraire pour fuir un métier qu’ils détestent, ou d’établissements à feu et à sang. D’un autre coté, les politiques dans tous les pays développés ont mis en avant la qualité du corps enseignant comme critère de rentabilité. Ils préconisent l’évaluation des performances par les petits chefs et la mise au pas des enseignants pour sauver le système.


Le grand intérêt de ce livre c’est de rappeler que « l’effet prof » est quelque chose de plus subtil et compliqué qui ne se réduit pas à une évaluation des résultats des élèves. Et la puissance du livre c’est que cette leçon chacun la retrouve en soi, en se remémorant ses « bons profs ». Dans le débat actuel sur l’Ecole, le livre de Nicolas Mascret va beaucoup plus loin qu’il en a l’air. C’est vraiment un livre politique qui parle du système éducatif d’une façon compréhensible par tous. Mais c’est aussi un livre à offrir au bon prof que vous connaissez. Vous en connaissez bien un ?


Nicolas Mascret, N’oublions pas les bons profs, Anne Carrière, 2012.



Nicolas Mascret : Jeter un regard bienveillant sur l’Ecole

 » J’espère que mon livre touchera les gens, qu’il leur permettra de se rappeler de leurs bons professeurs et par suite de jeter un regard bienveillant sur l’Ecole ». Le voyage que nous offre Nicolas Mascret est aussi un regard porté sur les pratiques des enseignants, leur évaluation et leur formation. Des questions d’actualité…


« L’effet prof » est-il attesté ?


Il y a des réponses à plusieurs niveaux à cette question. Au niveau de la recherche, des travaux le créditent de 10 à 15% des résultats des élèves. Mais dans mon livre je l’aborde d’un point de vue affectif. Celui du souvenir que nous gardons des enseignants qui nous ont marqué. S’il n’est pas établi scientifiquement il l’est socialement et affectivement.
Vous avez interrogé beaucoup de monde. Finalement, il est comment le bon prof ?
C’est impossible de dresser le portrait du bon prof ! J’ai interrogé près de 150 personnes et ce ne sont jamais les mêmes caractéristiques qui reviennent. Pourtant on sait en salle des profs qui sont les bons profs, comme le remarque Emmanuel Davidenkoff dans le livre. Quelques traits reviennent plus souvent. L’intérêt pour sa matière par exemple. Le caractère humain, la capacité à motiver.


Un bon prof l’est-il forcément pour toute une classe ?


Pas forcément. On peut avoir un enseignant qui favorise la compétition et ce n’est un bon prof pour le sommet de la classe. On peut aussi avoir le contraire. Il y a donc une grosse part de subjectivité.


C’est plutôt un psychologue ou un savant ?


Ce qui revient le plus souvent c’est la dimension psychologique. C’est quelqu’un qui marque car il s’occupe des élèves. Mais très souvent les témoignages parlent de ce que fait le professeur par l’intermédiaire de sa discipline. Le bon prof c’est celui qui fait progresser. La psychologie, que Cyrulnik par exemple dans son entretien met en avant, n’est pas suffisante. Le bon prof fait aimer sa discipline. Ca passe aussi par le savoir.


Pourquoi publier ce livre aujourd’hui ?


C’est une réaction aux nombreux livres qui sortent sur l’école et qui en montrent les cotés les plus sordides. Il faut rappeler qu’il y a des réussites tous les jours, même si on n’en parle pas. Sans sombrer dans une vision angélique de l’école, les bons profs existent.


Aujourd’hui ceux qui parlent de « l’effet prof » c’est pour mettre la pression sur les enseignants. Aux Etats-Unis par exemple ça se traduit par la paye au mérite et le licenciement des « bad teachers ». Ce n’est pas risquer de mettre les professeurs en avant ?


Ce n’est évidemment pas pour stigmatiser que j’ai fait ce livre. Aujourd’hui on a un débat sur l’évaluation des enseignants qui donne l’impression qu’ils ne veulent pas être évalués. Or ils le sont depuis longtemps. Déterminer l’efficacité des enseignants cela ne doit pas obligatoirement être pris pour une sanction. Ca peut aussi être une évaluation qui conseille et aide. Pour cela il faut séparer l’avancement et l’impact sur le salaire de l’évaluation.


Dans l’ouvrage vous interviewez des personnes célèbres : Cyrulnik, Rufo, Meirieu, Anne Roumanoff, Stéphane Diagana, Bruno Julliard, Jean-Claude Gaudin… Lequel vous a le plus marqué ?


C’est Jean-Jacques Goldman. Parce qu’il a écrit une chanson sur le professeur qui change la vie. Aujourd’hui, s’il devait réécrire sur ce thème il me dit qu’il écrirait sur la relation entre parents et professeur. Et ça me fait penser que dans l’échec ou la réussite d’un élève il y a beaucoup de choses qui interviennent. L’effet établissement par exemple existe aussi. Un bon professeur ne peut pas tout faire. C’est bien que ce soit JJ Goldman qui déculpabilise les enseignants.


Vous êtes maître de conférence à l’IUFM d’Aix Marseille et vous formez de futurs enseignants d’EPS. Cette identité professionnelle vous a-t-elle aidé pour écrire ce livre ?


Les professeurs d’EPS n’ont pas le même regard que les autres sur les élèves. Ils les voient en dehors de la classe et il y a le rapport au corps qui est propre à l’EPS : les élèves se livrent davantage. La formation des professeurs d’EPS est différente. Les cours d’IUFM parlent de différenciation, de l’adolescent, de sa motivation. Le concours comprend une épreuve de leçon qui évalue la capacité à s’adapter à un groupe d’élèves particulier. Aujourd’hui on ne parle pas assez de la formation des enseignants. Si on s’attaquait réellement au problème on améliorerait les choses.


L’Ecole est en difficulté, on le voit bien. Elle a besoin d’interventions politiques. J’espère que mon livre touchera les gens, qu’il leur permettra de se rappeler de leurs bons professeurs et par suite de jeter un regard bienveillant sur l’Ecole. J’ai vu les yeux de personnes de 70 ans briller quand ils évoquaient certains de leurs enseignants. L’émotion et le souvenir sont là.