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Le ministre des élèves veut aussi rester le ministre des profs. Vincent Peillon ne reste pas sourd au mécontentement des syndicats enseignants exprimé le 8 janvier lors de la présentation du décret sur les rythmes scolaires. Certes il ne modifie rien dans le projet de décret sur les rythmes qui repasse le 11 janvier devant le Comité technique ministériel (CTM). Mais il a présenté le 10 janvier aux syndicats du primaire un projet de circulaire qui aménage les 108 heures dues annuellement par les enseignants en plus des 24 heures hebdomadaires de cours. Les enseignants auront une demi-heure de moins devant les élèves. Et la hiérarchie est invitée à leur faire confiance.

Aujourd’hui les enseignants du primaire doivent à l’Etat 24 heures de cours hebdomadaire et 108 heures annualisées. Aujourd’hui ces heures se transforment en 1h30 hebdomadaire d’aide personnalisée et 1h30 de conseils d’école, réunions de parents, concertation et d’animations pédagogiques. Pour toutes ces heures ils doivent rendre compte et remplir des tableaux d’exercice renseignés sous la surveillance, souvent tatillonne, des inspecteurs.

A partir de la rentrée 2013, l’aide personnalisée disparaît. A sa place sont mises en place des activités pédagogiques complémentaires (APC) à raison de 36 heures annuelles (1h hebdo) au lieu de 60 heures. Concrètement les enseignants sont une demi-heure de moins par semaine devant élèves. Le ministère ajoute donc 24 heures supplémentaires de concertation et préparation qui devront être utilisées pour préparer l’accueil des enfants de moins de 2 ans en maternelle, gérer le plus de maîtres que de classe en élémentaire et travailler à la liaison école – collège. Pour la première fois ces heures sont déclarées comme forfaitaires et il n’est plus question de remplir les tableaux Excel de l’inspecteur… Les 18 heures d’animation pédagogique se réduisent à 9 heures maximum. Cette décision est importante : les enseignants craignaient que les 18 heures soient mises sur 18 mercredis après-midi. 9 heures sont affectées à de la formation continue à distance, via Internet, qui pourra donc avoir lieu quand l’enseignant le voudra. Il reste les 24 heures de concertation et les 6 heures de conseil d’école qui existaient précédemment. A la place de 1h30 devant élèves et 1h30 de concertation, il y aura à partir de la rentrée 2013 1 heure devant élèves et 2 heures de concertation.

Les syndicats ne cachent pas leur satisfaction. « On continue à demander 3 heures hebdomadaires de concertation », nous a dit Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp. « Mais on prend acte et on accueille favorablement cette circulaire. Cependant la confiance qui est faite aux enseignants doit être reconnue par la hiérarchie. Il fait que les équipes aient le dernier mot. On a demandé expressément au ministre d’envoyer un courrier en ce sens aux recteurs pour qu’il y ait un vrai changement dans l’école ». « Cette circulaire constitue une avancée », nous a déclaré Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen. « Avec la notion de forfait, même si on sait que c’est plus de travail en fait, on sort de la logique infantilisante du contrôle des enseignants ». « C’est un vrai changement de cap », se félicite Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa. « Avec l’idée du forfait on sort du caporalisme de ces dernières années même s’il faudra se battre localement pour le faire respecter ».

Vincent Peillon a-t-il gagné une majorité pour son projet de décret au CTM du 11 janvier ? Certainement pas. « Les mêmes causes produisent les mêmes effets », nous dit C Chevalier. Le ministre n’a en rien modifié le texte présenté au CSE le 8 janvier, le syndicat ne change pas son vote. Le Se-Unsa présentera à nouveau son amendement qui rend le conseil d’école maître du changement de rythme. Le Se-Unsa avait refusé de voter le décret , il refusera à nouveau. Même situation au Sgen. Le décret restant inchangé, le Sgen s’abstiendra à nouveau sur ce texte. Pas de changement également au Snuipp où on attend du ministre qu’il renforce le rôle du conseil d’école. Le CTM ne comprend que les syndicats et ceux-ci devraient renouveler leur vote du 8 janvier, c’est à dire se répartir entre votes contre (Fsu, Cgt, FO, Sud) et abstentions.

Et la revalorisation ? Le ministre n’a rien proposé de concret aux syndicats. Les mots « compensation » ou « revalorisation » restent bannis de la rue de Grenelle. Mais il s’y murmure qu’une indemnité reconnaissant les frais supplémentaires engendrés par les mercredis travaillés devrait être proposée prochainement aux syndicats… Ferme sur le décret sur les rythmes scolaires, le ministre des élèves sait aussi être celui des enseignants et construire les compromis…

François Jarraud