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« C’est plus facile pour moi de faire rire et d’intéresser 200 personnes dans un théâtre qui ont choisi d’être là que 30 ados qui aimeraient mieux être ailleurs ! » Gilbert Longhi présente Pierre Mathues (1). il est prof, conseiller pédagogique, acteur et Belge. Recruté en 1980, Pierre Mathues a enseigné le français dans la filière générale et dans le technique et le professionnel à Charleroi, Gilly… Depuis une dizaine d’années, il forme des enseignants, épaule des directions, aide les écoles à se réformer.

En classe, un professeur porte un masque, il oublie tout se qui se passe à l’extérieur et entre dans un rôle (2). C’est votre avis ?

Prof ou comédien ? Prof et comédien ? Je ne pense pas que le prof ait besoin d’un masque. Le masque est une protection, un refuge. Un masque sert à se dissimuler. Or, on dit que le professeur « donne » cours. Ce n’est pas anodin. En donnant cours, on dévoile beaucoup de soi. On parle de « sa » matière, de « son » cours, de ses passions.

Partagez-vous cette idée : On peut comparer l’enseignant à un acteur, la scène est la classe et la pièce la formation (3) ? Être pédagogue n’est-ce pas privilégier la dramaturgie d’un cours (d’une leçon) (4) ?

Oui, sans doute. Le professeur, comme le comédien, joue quand même un rôle. Il est, le plus souvent, de bonne humeur. Il connaît son texte, il est enthousiaste, il est là à l’heure. Comme un comédien, il s’enthousiasme pour un texte qu’il connaît par cœur et il doit embarquer et captiver son public avec énergie.

Mais, un comédien a devant lui des personnes qui ont réservé, qui ont payé leur billet, qui ont engagé un baby-sitter, qui ont dû trouver une place de parking et qui sont là pour un seul spectacle. Tandis que le public du prof est obligé d’être là. Il change toutes les heures et qui doit suivre 7 à 8 « spectacles » par jour. Je ne connais pas beaucoup de comédiens qui donnent une vingtaine de représentations par semaine… C’est plus facile pour moi de faire rire et d’intéresser 200 personnes dans un théâtre qui ont choisi d’être là que 30 ados qui aimeraient mieux être ailleurs !

Un prof n’est-il pas parfois un animateur, un chauffeur de salle, un créateur d’ambiance, un pro de la gestion d’une classe, d’un public, de spectateurs ? (5)

Oui parfois, il est animateur, chauffeur de salle, créateur d’ambiance et même arbitre de match d’improbe ! On a tous connu des profs qui étaient tout ça et dont on attendait le cours avec plaisir. Et on a tous connu d’excellents profs qui n’étaient pas du tout cela. Ceci étant dit, je pense que certaines techniques de théâtre sont utiles au prof. Il faudrait en enseigner quelques bases dans les sections pédagogiques à l’Université. Des techniques pour poser sa voix, son regard, respirer, oser des silences, changer de rythme, de ton.

Que pensez-vous de cette définition : Un bon professeur est un metteur en scène qui fait jouer l’élève ? (6)

J’aime l’idée de troupe, de réussir ensemble. Alors oui, le prof est un metteur en scène. Cela nécessite de la confiance, du respect, de l’audace, de l’enthousiasme, de la rigueur, du plaisir, beaucoup de rires et beaucoup de travail. Oui, si le prof réussit à faire de sa classe une équipe, une troupe, chacun y trouvera sa place et chacun progressera dans des travaux collectifs et aussi dans ses compétences individuelles.

Ne faudrait-il pas un cours obligatoire de théâtre à l’école ?

Certaines écoles ont un cours de théâtre ou des Arts d’Expression dans l’emploi du temps. C’est souvent un réel bonheur d’être prof et élève dans ces sections. Avec des élèves bien dans leur peau, épanouis, audacieux et curieux du monde. Des élèves qui deviennent des partenaires un peu comme dans un match d’improvisation ou chacun apporte pour construire ensemble sans casser le jeu de l’autre. Je suggère souvent aux professeurs et aux directeurs que j’accompagne d’utiliser les espaces de liberté qui existent dans les programmes pour avoir de l’audace et inventer de nouvelles façons de « donner » cours. Je parle souvent de plaisir et même de folie !

Il faut être fou pour être prof ?

Ce n’est pas nécessaire mais ça aide ! Fou de théâtre par exemple. J’ai fait aimer ma passion à pas mal de mes élèves. Et j’ai monté des pièces avec eux. Et ce qui est extraordinaire alors, c’est qu’on « joue » ! On joue une pièce, on joue un texte. J’ai donc beaucoup joué avec mes élèves. J’ai écrit pour eux, je les ai mis en scène. Mais le théâtre n’est pas une fin en soi, c’est un outil parmi d’autres. J’aime aussi l’écriture. J’ai donc partagé ma passion pour l’écriture et notamment le journalisme avec mes élèves. Ils ont écrit de journaux. Des journaux muraux en un seul exemplaire, des journaux photocopiés. Aujourd’hui, je ferais sans doute un blog de classe.

Si j’avais été passionné par exemple pour un sport, je pense que le sport aurait pris une place dans mes cours avec l’esprit d’équipe, le fair-play, les valeurs, les défis, de dépassement de soi. Et vous m’auriez demandé : « Faut-il être un coach pour être prof ?».

Propos recueillis par Gilbert Longhi

Notes

1 www.silencedanslesrangs.be et www.gouroucoucou.be mail : mathues@skynet.be

2 Cf. article in http://www.lb.auf.org/fle/cours/cours3_AC/prof_fle/cours3_prof09.htm

3 Cf. article in http://www.lb.auf.org/fle/cours/cours3_AC/prof_fle/cours3_prof09.htm

4 Cf. article in http://lecheneparlant.over-blog.com/article-l-enseignant-est-il-un-comedien-106646160.html

5 Cf. article in http://lecheneparlant.over-blog.com/article-l-enseignant-est-il-un-comedien-106646160.html

6 Cf. article in http://www.lactualite.com/societe/cest-quoi-un-bon-prof

Voir aussi :

Charles Calamel

Guy Friadt