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Comment les grands navigateurs, au XIV ème siècle, se représentaient ils la planète? Avec quels instruments se lançaient ils sur les océans? Comment transcrivaient ils leurs découvertes? L’exposition de la BNF, « L’âge d’or des cartes marines, quand l’Europe découvrait le monde », répond à toutes ces questions et à bien d’autres. A la fois savante et didactique, elle aborde de nombreuses thématiques _le rôle des cartes, les grandes découvertes, l’hégémonie européenne, la création d’une iconographie des Nouveaux Mondes.._ à travers une sélection de 80 des plus belles cartes portulans du monde, et une centaine de pièces rares, globes, instruments astronomiques, objets d’art et d’ethnographie, dessins, estampes, manuscrits, rassemblés pour la première fois dans une scénographie très travaillée. Le jeune public est très attendu pour ce tour du monde: un parcours-jeu est proposé aux 8-12 ans et de nombreux ateliers sont organisés, jusqu’à la fin de l’année scolaire pour les élèves, du CE2 à la Terminale.

Une vision « européocentrée » du monde

Sous un angle inédit, l’exposition interroge la manière dont les Européens ont découvert, conquis, dominé, mais aussi étudié et représenté territoires et peuples, entre le XIV ème et le XVIII ème siècle. La construction de l’image de notre planète a pris corps au gré des expéditions maritimes et de la rencontre avec d’autres civilisations. Les cartes marines élaborées entre le XIV ème et le XVIII ème siècle sont le reflet d’une vision « européocentrée » du monde.

Les portulans, des oeuvres d’art

La Bibliothèque Nationale de France s’enorgueillit de posséder la plus grande collection de « portulans »au monde. Ces cartes marines enluminées sur parchemin, souvent rehaussées d’or, ont été produites entre le XIVème et le XVIIIème siècle. Intitulées « portulans » de l’italien « portulano » qui signifie livre d’instructions nautiques, ces cartes donnent la succession des ports et des hâvres le longs des côtes, tandis que l’espace maritime compris entre celles-ci est sillonné par des lignes géographique (lignes de rhumb) qui correspondent aux directions de la boussole. Leur caractère spectaculaire tient autant à leur taille imposante qu’à leur polychromie et à leur univers exotique. Le plus ancien portulan occidental connu date de la fin du XIII ème siècle, c’est la « Carte pisane », une des pièce maîtresse de l’exposition.

Un parcours en 4 étapes

L’exposition aborde plusieurs questions: les conditions de navigation et l’usage des cartes, les découvertes de l’Afrique, de l’Asie, des Amériques et du Pacifique, et les rivalités entre les puissances maritimes, la circulation des savoirs géographiques entre océan Indien et Méditerranée, la création et la diffusion d’une iconographie des Nouveaux Mondes avec leurs paysages, leurs moeurs, leur faune et leur flore.

La première partie de l’exposition s’ouvre sur l’apparition des portulans, leurs techniques de fabrication, leurs usages et leurs utilisateurs. La deuxième analyse le sens politique des cartes, manifestation de la concurrence des grandes puissances européennes. Après une troisième partie consacrée à l’océan indien et aux transferts de savoirs entre la Méditerranée et l’Asie, la quatrième met en valeur cinq trésors cartographiques exceptionnellement exposés.

L’invitation au voyage

La scénographie invite au voyage.Les futurs aventuriers pénètrent dans l’exposition par un espace entièrement tapissé d’une image agrandie d’un portulan, les immergeant dans l’univers des cartes. Une bande-son restitue le bruit des gréements, le cri des mouettes. Cet espace initiatique permet de quitter le monde moderne pour appréhender les mondes anciens.

Une série de neuf cartes marines exceptionnelles permet de comprendre les caractéristiques propres à ces documents mais aussi la diversité des styles iconographiques. Autour de la plus ancienne carte conservée, « la carte pisane », une animation audiovisuelle décrit la méthode de création d’une carte marine, alors que sur un autre écran, les visiteurs peuvent découvrir des démonstrations d’instruments nautiques anciens par deux spécialistes.

Grandes découvertes et partages du Monde

La dimension politique de la cartographie est explorée dans cette seconde partie, et des objets ou richesses convoités par les Européens y sont exposés. La carte portulan, instrument de navigation, objet de culture et de savoir, révèle les richesses réelles ou supposées des terres lointaines, les rapports de force entre puissances rivales, leurs rêves de conquêtes et la réalité de leur mainmise territoriale. Elle montre également comment se réduit progressivement la part faite aux terres inconnues. Petits et grands découvrent les forces politiques et religieuses présentes dans le bassin méditerranéen, le mythique  » royaume du Prêtre Jean », se lancent dans les tours du monde les plus fous, à l’assaut des terres inconnues, à la découverte de nouveaux passages pour atteindre les richesses tant convoitées. Ils assistent à la compétition entre l’Espagne et le Portugal, qui se livrent une bataille sur tous les fronts pour se partager le monde, le Nouveau, et en arrivent à demander l’arbitrage….du pape! Marins de France, d’Angleterre, et des Pays Bas se jettent à leur tour dans l’aventure, tous convoitent les légendaires richesses de l’ Orient. Les atteindront ils? L’exposition décortique, pour le plaisir de tout un chacun, ces expédition les plus folles.A ne pas manquer, la carte dite de Christophe Colomb.

La représentation de l’Océan Indien

La troisième étape du périple est consacré à l’Océan Indien, comme espace de circulation des savoirs et lieu de très anciennes civilisations. L’exposition révèle combien la cartographie marine occidentale fut tributaire d’autres types de cartes et d’autres sources d’informations géographiques que celles issues des explorations portugaises. Les connaissances des Grecs, des Latins, des Arabes et même des Chinois s’affrontent: spéculations sur la forme de l’océan, sa situation, ses richesses, ses habitants. A partir du XVIII ème siècle, l’exploration cède la place à l’ exploitation commerciale du riche marché asiatique par les compagnies commerciales européennes , françaises, hollandaises, anglaises, entre autres. A ne pas manquer la carte d’Al-Idrisi et celle d’Ibn Hawqal.

Une iconographie très codifiée

Les cartes portulans permettent de contempler et de comprendre le monde. Si elles expriment une réalité géographique, elles invitent aussi à la découverte  » d’un ailleurs » et d’une altérité.Seules quelques pièces spectaculaires de cette période très créative sont parvenues jusqu’à nous, principalement celles qui furent confectionnées à grands frais pour des rois ou des princes soucieux de comprendre l’expansion européenne, ou encore pour des mécènes animés par la curiosité scientifique et le plaisir esthétique. Ces superbes oeuvres d’art n’ont pas voyagé! Et c’est pourquoi nous avons la chance de les contempler. Cette quatrième partie présente ainsi cinq documents phares uniques en leur genre, couvrant l’ensemble des terres et des mers du monde: « L’Atlas catalan » d’Abraham

Cresques réalisé vers 1375, « Le Planisphère nautique » du Génois Nicolo de Caverio, conçu entre 1502 et 1506, « L’Atlas portugais  » de Lopo Homen réalisé vers 1519, « La Cosmographie universelle » de Guillaume le Testu, achevée en 1556, et la carte du Pacifique » du Hollandais Hessel Gevritsz, réalisée en 1622. Les artistes ont mis au point une iconographie extrêmement codifiée des peuples, des plantes, des animaux: hommes nus, cannibales, souverains glorieux, bêtes sauvages et chimères, végétation luxuriante…Quatre bornes multimédias permettent aux visiteurs de feuilleter dans leur intégralité quatre de ces pièces exceptionnelles.

L’exposition s’achève à la fois géographiquement et chronologiquement par les découvertes des terres australes et l’exploration du Pacifique, durant les XVII ème et XVIII ème siècles.La cartographie qui devient plus précise et plus utilitaire s’éloigne des oeuvres d’art des périodes précédentes. Le célèbre planisphère de Mercator daté de 1569 termine en beauté ce tour du monde.

Beaucoup d’activités pour le jeune public

Les enfants sont très attendus à cette exposition qui leur a prévu bien des activités: un parcours spécifique, un jeu sur le site, de nombreux ateliers qui se poursuivent toute l’année,

La visite en famille

Un parcours spécifique avec livret d’accompagnement a été spécialement conçu pour les enfants de 8 à 12 ans, téléchargeable sur le site et disponible aussi à l’accueil. La visite guidée de l’exposition est prévue tous les samedis et dimanches. Une application gratuite pour iPhone et iPad, téléchargeable dans l’Apple Store, propose un voyage commenté à travers les plus belles cartes exposées.Le déplacement tactile dans les images en haute définition, tout en écoutant le commentaire sonore, offre une approche incomparable. La visite virtuelle de l’exposition, accessible sur le site, retrace le parcours de l’exposition réelle tout en étant complétée par un parcours sonore à travers vingt documents phares. Un jeu est proposé aux jeunes pour se familiariser avec l’univers des cartes marines et découvrir d’une manière ludique cette période extraordinaires des grandes découvertes.

Pour les enseignants

La BNF met à la disposition des enseignants de nombreuses ressources en ligne et leur propose en particulier des fiches thématiques adaptées à l’âge des jeunes. Les visites libres sont gratuites, des visites guidées sont proposées aux classes de primaire, de collège et de lycée. Un atelier a été spécialement conçu à partir de l’exposition, et il se poursuivra jusqu’à la fin de l’année scolaire: « Entre réel et merveilleux: explorer les cartes du monde inspirées par les voyage de Marco Polo ». Pour les écoliers de CE2-CM2, il s’agit de découvrir et d’intégrer dans une carte contemporaine des extraits du récit du grand voyageur vénitien. Les collégiens doivent découvrir et intégrer dans une carte ancienne, « L’Atlas catalan »(1375) des extraits du récif de Marco Polo. Quant aux lycéens, ils doivent explorer les cartes anciennes qui ont intégré son récit. La BNF organise également, toute l’année, des ateliers autour des récits de voyages et de la cartographie: « Découvrir les globes de Louis XIV par le texte et l’image » pour les écoliers du CE2 au CM2; et deux ateliers pour les élèves de la 6ème à la Terminale « Découvrir la cartographie à travers les globes de Louis XIV »,et « Découvrir les globes de Louis XIV sur les pas de Bougainvilliers ».

Béatrice Flammang

Le site de l’exposition

Le livret-jeu pour les enfants

Le jeu pour enfants: « jeu de cartes »

Les ressources en ligne

Les fiches pédagogiques

Les visites et les ateliers

L’exposition virtuelle