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Alors que le ministère réforme en profondeur la maternelle, le GFEN organise le 2 février à Paris « Les Rencontres nationales du GFEN « pour que la maternelle fasse école » ». Peut-on mobiliser sur la question du devenir de l’école maternelle ? Ni école primarisée, ni « jardin d’enfants », l’école maternelle est une première école, rigoureuse et exigeante. Faut-il la transformer pour la défendre ? Christine Passerieux, membre du bureau national du GFEN, responsable du groupe Paris, une des spécialistes reconnues de l’école maternelle, en est convaincue. Elle répond aux questions du Café, au nom du groupe de travail qui a préparé ces rencontres.

Ce sont les cinquièmes rencontres pour l’école maternelle du GFEN. Les premières en 2009 ont été programmées au milieu de la « tourmente » dans laquelle le ministre avait mis la maternelle. La situation est tout de même plus favorable maintenant. Pourquoi ces rencontres ? Pouvez-vous nous en rappeler rapidement l’historique ?

Les premières rencontres avaient en effet pour objectif premier d’affirmer, contre les propos du ministre, que l’école maternelle, loin d’être une garderie, est à part entière une école, essentielle pour le devenir des enfants, et où les enseignants sont des professionnels. Face au déni de son rôle, le GFEN affirmait alors et continue à le faire, que défendre l’école maternelle nécessitait de réfléchir à sa transformation, dans des objectifs de démocratisation d’accès à la culture scolaire. Depuis nous avons lors des rencontres successives, poursuivi réflexions et échanges sur cette conception d’une école maternelle pour tous. Nous avons travaillé en 2010 sur l’affirmation de la capacité de tous les élèves à réussir, si les conditions en sont créées, contre tous les fatalismes, toutes les exclusions. Nous avons exploré en 2011 une approche culturelle des apprentissages, en rupture avec des conceptions étroitement technicistes en vigueur. En 2012 enfin, ce sont les liens entre apprentissage et développement qui étaient au cœur de nos travaux, en continuité avec les années précédentes, car lecteurs de Vygotski, nous pensons au GFEN qu’il n’y a pas de développement sans apprentissage. Ces rencontres, dès leur origine, ont pour vocation de mettre collectivement en travail la question du métier.

Les rencontres de 2009 et 2011 ont coïncidé avec la parution de 2 ouvrages collectifs sur l’école maternelle, que vous avez coordonnés. Comment les rencontres et les livres sont-ils des outils complémentaires ? Cette année, pas de parution de livre, mais envisagez-vous une publication des actes de cette journée, pour ceux qui n’auraient pas pu faire le déplacement ?

Le premier ouvrage collectif, « La maternelle. Première école. Premiers apprentissages », publié en 2009, réunissait des contributions de militants du GFEN mais aussi de personnalités (chercheurs, enseignants, formateurs) très engagées dans une réflexion sur les finalités et les contenus d’apprentissages de l’école maternelle. En 2011 « Pratiques de réussite pour que la maternelle fasse école » associe comme l’ensemble de nos ouvrages réflexion théorique, didactique et propositions pédagogiques. Les problématiques des rencontres font écho aux ouvrages, qui élargissent la réflexion avec des interventions plus diverses, sur des champs plus larges. Parce que cela nous a été chaque année demandé, nous publierons des actes des rencontres à venir.

« Pour que la maternelle fasse école » ? C’est une très belle formule. Comment le GFEN se positionne-t-il par rapport à l’école maternelle ? Quels sont les objectifs des rencontres de cette année ?

L’école maternelle, c’est la première rencontre avec un univers nouveau. Mais pour certains, cette nouveauté peut être rapidement assimilée alors que pour d’autres, les pratiques, les modes de faire et de dire peuvent se trouver fort éloignés de ceux qu’ils connaissent. C’est pour cela que l’école maternelle est si importante : elle doit donner à tous ce que certains construisent dans leur milieu, prendre en compte les différences entre enfants non pour les survaloriser mais bien pour les réduire. C’est possible car cela se fait sur le terrain.

Actuellement, le ministère affirme l’importance de l’école maternelle dans les apprentissages à venir. Nous voulons continuer, comme nous l’avons toujours fait, à être force de proposition, à favoriser les échanges, les débats, y compris contradictoires, entre parents, enseignants de maternelle et d’élémentaire, mouvements de recherche pédagogique, universitaires. Des propositions existent, des conceptions divergentes s’opposent. Elles doivent se confronter pour que la réflexion soit réellement l’affaire de tous et que l’on ne passe pas à côté de l’opportunité de renverser la spirale de l’échec, de la sélection. Il y faut une réflexion approfondie et nous souhaitons en tant que mouvement d’éducation nouvelle, centré sur la recherche et la formation, y contribuer.

Quel est le programme des rencontres 2013 ?

L’école maternelle tangue entre primarisation et logiques informelles d’apprentissage. Les analyses du rapport de l’IGEN d’octobre 2011 rejoignent les résultats de la recherche pédagogique et universitaire, pour signaler que ces deux tendances lourdes creusent les écarts entre les élèves et ne permettent pas à ceux qui sont le moins en connivence avec l’école d’accrocher à la chose scolaire. Les rencontres de cette année veulent permettre de sortir de cette double logique fortement sélective. Il nous semble pour cela nécessaire de redéfinir les missions de l’Ecole Maternelle, les contenus d’apprentissage dispensés en tenant compte de l’âge des élèves, mais sans les y enfermer et sans en rabattre sur de vraies ambitions pour tous. Un enfant ne devient pas plus spontanément élève qu’il ne peut se suffire dans sa « spontanéité » pour grandir. Interventions théoriques et ateliers doivent permettre, sur différents champs, d’alimenter la réflexion et d’enrichir les pratiques. Viviane Bouysse, Christophe Joigneaux, Patrick Joole, Marie Lise Peltier seront présents parmi d’autres chercheurs et formateurs.

Le format de ces rencontres fait qu’en une journée, alternent conférences et ateliers. Peut-on faire le tour de la question ? Comment sont articulés les différents temps ? Comment les conférenciers, enseignants chercheurs pour la plupart, font-ils des ponts avec les enseignants sur le terrain, pour permettre à ceux-ci de théoriser leurs pratiques ?

On ne fait pas le tour d’une question aussi importante en une journée bien sûr. Mais la réflexion est déjà engagée collectivement, individuellement par ceux qui viennent à ces rencontres. Les interventions théoriques trouvent des échos dans les ateliers dits pratiques qui sont proposés, sachant que pour le GFEN, action et réflexion entretiennent des relations dialectiques étroites. Les rencontres sont des moments forts où loin de la solitude dans l’exercice quotidien du métier, on vient s’enrichir de la pensée de chercheurs, d’institutionnels, de formateurs, de collègues ; où la réflexivité sur le métier, collectivement exercée permet de construire ensemble des réponses tout en ouvrant à de nouveaux questionnements. Ces rencontres sont pour nous des temps particuliers d’accélération d’une pensée toujours en mouvement.

Quels sont les publics concernés par cette journée de travail et de réflexion ? Que peut-on dire pour donner envie aux lecteurs du Café de vous rejoindre dans ce lieu où parler du travail, et ce jour-là du travail enseignant, est tout à fait symbolique ?

Se rencontrent des enseignants de maternelle, élémentaire, Rased, des formateurs, des IEN, des parents d’élèves, des journalistes spécialisés dans la petite enfance, des animateurs de bibliothèque, de centres aérés de loisirs, de représentants d’autres mouvements… Un public très hétérogène, ce qui favorise la richesse des échanges. Il apparaît au regard des témoignages des participants, que cette journée se révèle chaque année dynamisante, porteuse de perspectives, parce qu’elle s’inscrit dans du collectif, parce qu’elle redonne prise sur son activité professionnelle, parce qu’elle ouvre à des recherches universitaires ou pédagogiques, à des pratiques parfois méconnues … parce que se tisse du lien.

Propos recueillis par Isabelle Lardon

Rendez-vous samedi 2 février 2013 à partir de 8h45 à la Bourse du travail – 3, rue du château d’eau – Paris 10ème (métro République).

Programme et inscription

Le GFEN