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Professeur des écoles, présidente de l’Observatoire de l’enfance, Nicole Geneix est aujourd’hui à la direction de l’éducation de la ville d’Istres. Elle est également l’auteur du pré-rapport pour l’Unesco « les pédagogies de la petite enfance » et du livre « Et si on aimait enfin l’école ! ». Spécialiste de la maternelle et du primaire, elle souligne les défis posés par les deux décisions ministérielles sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans et le plus de maitres que de classes.

Le ministère relance la scolarisation à deux ans. Peut-on dire que celle-ci est bénéfique pour les enfants ?

C’est vrai que ces dernières années le sujet a fait polémique et on a surtout entendu des positions extrèmes. Le débat est d’ailleurs resté théorique car pendant toutes ces années où le taux de scolarisation a baissé il n’y a pas eu d’alternative à la scolarisation en maternelle. Les enfants de moins de trois ans sont restés à la charge des familles. Les familles populaires n’ont généralement pas pu payer d’assistante maternelle et la baisse de la scolarisation s’est traduite par la garde à la maison par les mères. C’est un problème.

L’école maternelle est -elle un lieu approprié pour accueillir ces enfants ?

Ce n’est pas certain pour tous les enfants. A deux ans et demi certains ne sont pas prêts à accepter les contraintes du groupe et des horaires. De plus, dans le contexte des fermetures de ces dernières années, des savoirs professionnels se sont perdus au fur et à mesure que les enseignants disparaissaient en même temps que les formations d’ailleurs. On a des départements où une longue tradition s’est maintenue avec des pratiques adaptées, par exemple dans l’ouest ou le nord. Et d’autres où les ressources humaines ont diminué, je pense au 93 par exemple. Il y a des communes où ces savoir faire se sont maintenus ainsi que des moyens particuliers : des atsem supplémentaires, un service de cantine supplémentaire. Et d’autres où tout cela n’existe plus.

La prise en charge d’enfants aussi petits demande des savoir faire particuliers. Je suis favorable à ce développement de la scolarisation avant trois ans dans les zones prioritaires. Mais à condition d’être très exigeant sur la mise en oeuvre. Il faut des enseignants qui aient envie, des partenariats avec les familles exigeants. C’est le premier contact de l’enfant avec un lieu collectif. C’est donc très important.

La circulaire envisage une collaboration avec les services municipaux de l’enfance. Est-ce une bonne idée ?

Si on délimite bien le territoire de chacun c’est très bien. La collaboration entre enseignants et personnels de la petite enfance peut apporter beaucoup. Mais ce n’est pas une circulaire qui va changer l’école. Dans les territoires où on cherchera cette jonction il faudra que les enseignants soient très épaulés. Il faudra aussi que les collectivités locales mettent des moyens, par exemple une atsem par classe. Or aujourd’hui on est loin de ce taux.

Peut-on s’appuyer sur des expériences ?

On les a laissé de coté ces dernières années. Mais il y a eu l’expérience des classes passerelles de Roubaix par exemple. On avait su trouver des modalités d’accueil des familles pour qu’ils puissent apprivoiser l’école. Les classes accueillaient des atsem et des éducateurs de jeunes enfants. Ces savoirs se sont perdus. Pour réamorcer la scolarisation à 2 ans il va falloir les retrouver et les mutualiser. Il est urgent de recenser et valoriser ce qui existe sur le terrain. Il va falloir aussi relancer la recherche universitaire.

C’est quelque chose que l’Education nationale sait faire ?

Le dernier rapport de l’Inspection montre qu’il faut changer. Pour cela il faut une véritable politique de formation et un vrai effort de recherche. A la base il va falloir travailler auprès des familles pour qu’elles aient confiance dans l’Ecole. C’est à ce prix que l’Ecol epeut être porteuse d’espoir.

Propos recueillis par François Jarraud

Sur le Café, « Et on aimait enfin l’école »

L’observatoire de l’enfance