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Mardi, nous avons raconté le dilemme posé à une directrice d’école : en accueillant des enfants roms dans les classes, elle appliquait la circulaire Peillon, en allant jusqu’au bout de la démarche par leur inscription dans Base Elèves, elle se trouvait en situation de désobéissance vis-à-vis de l’inspection. Le problème mis sur le papier est fort simple : les enfants vivaient dans un campement visé par une décision d’évacuation de la Préfecture de Seine et Marne, décision depuis annulée mais ceci est une autre histoire, et étaient donc considérés comme des effectifs provisoires. Logique éducative contre logique sécuritaire, les deux se confrontent sur le terrain concret dans une contradiction vécue en première ligne par ceux qui sont dans l’obligation de les accorder.

La désobéissance pour certains d’entre nous, est un acte choisi, savoureux même parce que justement il est choisi, pensé, fruit de notre libre arbitre. En tant que fonctionnaires et représentants de l’état, elle nous met en danger mais réfléchie, elle constitue l’expression d’un point de vue mûri. La désobéissance met en danger, un danger enivrant qui se réfère à des belles figures du passé. Elle peut paraître romantique, une sorte d’idéal où la liberté de conscience exprimerait toute sa dimension. Certes mais lorsque les contradictions de l’action politique mènent au dilemme celui d’exercer sa mission et de désobéir ou celui d’obéir et de contrevenir à sa mission, où demeure le libre arbitre ?

L’école absorbe les soubresauts de la société qui l’environne. Elle draine dans ses fondations des visions d’égalité face aux savoirs, de réussite émancipatrice, qui se heurtent aux réalités d’une époque en crise. Ses acteurs n’en sont que plus démunis. Doivent-ils pour autant se livrer sans états d’âme au principe de réalité, admettre que des enfants sont exclus de nature parce que roms, parce que trop pauvres pour manger à la cantine, parce que trop différents pour s’assoir dans les rangs ?

Même si le fatalisme gagnait l’esprit de quelques uns, ils ne le pourraient pas. La politique éducative ancre de plus belle l’école dans sa mission d’éducation pour tous. Tant mieux, pensons-nous mais si l’on regarde autour, c’est un ilot d’ouverture dans un ciel grisé. L’école n’est à l’abri de rien et pour en faire un havre d’apprentissage, il faudrait que toutes les politiques convergent pour préserver un espace véritablement égalitaire où le poids des origines s’allège sur son seuil. Alors en attendant, dans les écoles, des enseignants jonglent avec l’ordre et la loi, les ordres et les lois dans un périlleux équilibre.

Monique Royer

L’école, cette chance si fragile pour les enfants roms