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Faut-il attendre 2014 pour la réforme des rythmes ? A-t-on assez expliqué la révolution que représente l’introduction officielle des collectivités locales dans le système éducatif ? Faut-il prendre le temps de la consultation sur la réforme des programmes ? Toutes ces questions sont légitimes. Et on a forcément envie d’y répondre positivement. Pourtant le temps de la refondation est maintenant compté.

Chez nombre de nos voisins l’Ecole a été rattrapée par la crise. On attend la publication, ce mois-ci, d’une étude européenne qui permettra de mesurer l’impact précis de la crise économique sur les budgets éducation dans chaque état. Mais des exemples sautent aux yeux. L’Angleterre où l’Etat a remis à plus tard de nombreuses dépenses, comme le programme de construction d’écoles, et sabré le budget TICE. Le Portugal où en 2013 la dépense d’éducation devrait être ramenée à 4% du PIB. L’Espagne, l’Italie, la Grèce où les pressions sur les salaires sont extrêmes. Obligés de rééquilibrer leurs comptes, les Etats diminuent souvent leurs dépenses éducatives. C’est plus ou moins fatal : plus de la moitié des dépenses publiques totales est destinée à financer la protection sociale, la santé et l’éducation.

Dans cette Europe en crise la France fait exception. Le gouvernement a choisi d’augmenter le budget de l’éducation et de créer des postes. Il le fait alors même que le déficit public doit diminuer rapidement. Chaque création de postes dans l’éducation se fait au détriment des autres ministères, même là où la situation est déjà très détériorée. On conçoit que chaque année ce privilège éducatif va être de plus en plus difficile à défendre pour Vincent Peillon…

Or deux phénomènes remettent en question le rapport de forces politique favorable à l’éducation.

Le premier c’est la dégradation plus rapide que prévue de la situation économique. L’année 2012 est finalement une année de croissance nulle. Du coup les prévisions de croissance du gouvernement pour 2013 (+0,8%) apparaissent irréalistes. Concrètement cela veut dire que des ajustements vont se produire rapidement sur le budget. Le gouvernement va avoir à décider de nouvelles coupes sombres dans les semaines à venir. Or , vu les efforts consentis déjà par les autres ministères, c’est vers l’éducation que les regards vont se tourner. Plus l’année 2013 sera difficile, plus le privilège éducatif sera compliqué à défendre. Il va falloir arbitrer entre indemniser les chômeurs (il y a deux milliards à trouver) et embaucher des professeurs. Ou entre les retraités et les enseignants. Entre l’hôpital et l’école. On peut évidemment choisir de ne pas le voir et proclamer qu’il faut et l’hopital et l’école, ce qui serait effectivement bien préférable. Mais il faudra aussi dire comment faire…

Le second phénomène nouveau c’est l’affaiblissement politique du ministre. Tous ces efforts n’ont de sens que si l’Ecole se mobilise pour améliorer ses résultats. C’est ce que la société attend d’elle et c’est pour cela qu’elle la privilégie. Si l’opinion publique a l’impression que rien ne changera, alors elle soutiendra d’autres priorités. De très nombreux services publics sont déjà très intéressés à récupérer les milliards de l’éducation. Ils savent pertinemment comment les dépenser…

Il n’y a donc plus de temps à perdre pour entamer la refonte de l’Ecole. Le rythme très (trop) rapide décidé par V Peillon tenait compte d’impératifs politiques comme les élections municipales de 2014. La situation économique fait apparaitre de nouvelles contraintes. Chaque mois qui passe met en danger le financement , pourtant modeste, de la réforme.

François Jarraud