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La dernière réunion de concertation entre la Ville de Paris et les parisiens sur les rythmes scolaires aura été fidèle aux précédentes. Le 25 février, à la Halle Carpentier dans le 13ème arrondissement parisien, un millier d’enseignants, personnels de la Ville et parents ont chahuté le maire, le recteur et les élus du secteur. Aux arguments habituels contre la réforme des rythmes, sont venues s’ajouter les annonces de V Peillon du 24 février sur les congés d’été. Au terme de deux heures d’une réunion agitée, chaque camp est ressorti persuadé qu’il a raison. Le dialogue n’a pas eu lieu.

Cette réunion marquait la fin de la seconde phase de consultation entreprise par la municipalité parisienne. Lundi 25 février le maire réunissait la dernière réunion publique. Suivront maintenant des rencontres dans les écoles avec les élus locaux et un dernier tour de table avec les syndicats et les parents en mars avant que le Conseil de Paris prenne sa décision sur les rythmes scolaires. Le Conseil tiendra compte également de la consultation des parisiens sur Internet qui a déjà réuni 10 000 contributions.

Il fallait la forte sonorisation de la Halle Carpentier, taillée pour dominer les rencontres sportives, pour que le maire et ses invités puissent se faire entendre. Deux camps se sont nettement opposés. D’un coté le maire, le recteur et une petite partie de l’assistance, acquis à la réforme des rythmes. De l’autre les syndicats d’enseignants parisiens, Snuipp, Se-Unsa, Sud, FO, Cgt et quelques syndicats du personnel municipal vent debout contre la réforme. Durant deux heures ils ont répondu aux propos du maire avec des cris, des huées, des chants et des slogans dans une atmosphère survoltée.

Car, pour Bertrand Delanoë, la réforme des rythmes est une bonne chose. « Si je suis là c’est que je crois que cette réforme est une bonne chose pour les enfants et ne nuit pas aux conditions de travail et de vie des enseignants », affirme -t-il. Alors « pourquoi faire attendre les enfants pour ce progrès » ? Mais le maire entend aussi les enseignants et n’a eu de cesse d’apporter des réponses à leurs exigences, à l’exception de la plus importante, l’abandon de la réforme. « Je sais que pour les enseignants cette réforme pose un problème », dit-il. « Je sais que les enseignants en ont pris plein la gueule depuis 10 ans. J’étais à leur coté et malgré ce que je subis je vais rester à leur coté ». Alors le maire a confirmé l’abandon de l’extension de la pause méridienne. Il a promis de continuer à affecter les professeurs de la ville de Paris qui enseignent l’EPS et les arts sur le temps scolaire. Il a promis d’en embaucher de nouveaux. Il a également annoncé la contractualisation de 250 animateurs, l’embauche de 450 autres. IL a montré qu’il avait le budget pour payer les activités périscolaires. Il a rappelé avoir dépensé 1,8 milliards depuis 2001 pour les locaux scolaires. Tout cela n’aura pas influencé une foule qui a couvert de cris et de chansons les propos du maire et carrément hué certains passages.

Installé dans la salle, à chaque annonce de création de postes, un enseignant FO derrière moi crie « ce n’est pas assez ». A ma droite des enseignantes proches du Se-Unsa scandent « retrait ! retrait ! »… Dans la salle des banderoles surgissent demandant le retrait du décret sur les rythmes ou dénonçant les classes chargées. Car si les interventions des syndicats sont percutantes c’est que, portées par les vagues bruyantes de la salle, tous les problèmes de l’école ressortent. On reproche à la Ville les classes trop chargées, la suppression des Rased, les programmes tous sujets qui lui échappent. JF Fontana, de Sud, ouvre le bal des déclarations syndicales en dénonçant les inégalités territoriales introduites par la réforme, la réduction des vacances d’été annoncées par V Peillon et en clamant « on va gagner ». Jerome Lambert du Snuipp 75 a pris violemment le maire à partie rappelant que la concertation n’a commencé qu’après le succès de la grève. Un représentant FO a dénoncé le glissement de l’Education nationale : « les industries du tourisme dictent leur loi à Peillon (allusion aux déclarations du 24 février), le maire au recteur. C’est cette école que nous ne voulons pas ». La FSU a apporté son soutien aux enseignants du premier degré. La CGT estime qu’il faut d’abord créer des postes d’animateurs et discuter ensuite des rythmes. Le Se-Unsa 75 a dénoncé « la confusion des compétences » et « l’emballement » du projet de réforme des rythmes. A quoi bon mettre ne place la réforme en 2013 ou 2014 puisque Peillon annonce une refonte totale en 2015 ?

Au bout de deux heures de débat houleux, mes voisines ont encore de la voix. Elles repartent certaines d’obtenir le retrait du projet municipal. Interrogé par le Café, Christophe Bitaud, du Snudi FO, dénonce « l’école des territoires » mise en place par V Peillon. « Les Programme éducatifs territoriaux vont créer des inégalités. C’est un enjeu plus important que la réforme des rythmes scolaires. Il faut choisir entre l’Ecole de la République et celle des territoires ». Quant aux concessions du maire de Paris, « ça nous concerne mais l’essentiel est ailleurs », dit C Bitaud. Céline Mouty, professeure des écoles proche de FO, juge le projet de la mairie « bâclé ». « Le maire doit consulter les enseignants et pas seulement les responsables syndicaux », nous dit-elle. « Il doit demander aux gens concernés ce qu’ils veulent. Aujourd’hui les problèmes des enseignants ce ne sont pas les rythmes mais le nombre d’élèves par classe. J’en ai eu 33 aujourd’hui en maternelle. Et le salaire. Avec 17 ans d’ancienneté je gagne 2000 euros. Comment s’étonner qu’ils ne trouvent plus d’enseignants ? »

Quant à B Delanoë il repart aussi persuadé d’avoir raison. « Il y a des centaines de réunions dans Paris où se retrouvent les parents et les enseignants. Sur le terrain il s’écoutent. Ici (à la Halle Carpentier) il y a des appareils qui marquent leur terrain. Ils ne représentent pas la totalité des enseignants et des parents », dit le maire. « Il faut accepter qu’il y ait parfois des gens qui hurlent et qui soient intolérants. Je constate qu’ils étaient un millier et qu’ils ont entendu des points de vue différents du leur même s’ils sont assez sectaires ». La réforme des rythmes n’a pas fini d’agiter Paris.

François Jarraud

A Paris des professeurs des écoles entre espoir et méfiance

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