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V Peillon et G Pau-Langevin installent le 19 avril le Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative. Cette assemblée de 40 membres au dosage savant sera-t-elle capable d’exercer les lourdes missions dont on l’a chargé ? Des pièges semblent déjà l’accompagner.

L’installation de ce conseil obéit à plusieurs injonctions. La première est politique. Face à la crise éducative comme face à la crise économique, le pays doit impérativement réagir et le thème de l’innovation s’est emparé de tous les discours politiques. Pour l’école, il y a une injonction particulière d’efficacité sociale puisque elle produit chaque année 150 000 sorties sans qualification très ciblées socialement.

Pour y répondre le ministère a produit une assemblée de 40 membres selon un dosage savant. S’y retrouvent les mouvements pédagogiques proches de la Dgesco, des cadres du système éducatif, un zeste d’enseignants, quelques experts, et des représentants des collectivités locales et des parents. L’équilibre penche nettement du coté ministériel. Le conseil a reçu 4 missions. Il « donnera une impulsion forte favorisant l’innovation au sein de l’éducation nationale, accompagnera la refondation de l’école par une réflexion sur le système éducatif, répondra aux difficultés rencontrées aujourd’hui par l’école pour faire réussir tous les élèves, aidera à l’identification des pratiques innovantes et à leur mutualisation et à la mise en œuvre de nouvelles pratiques pédagogiques.  »

Il y a quelques jours, V Peillon affirmait que « l’innovation ne peut être une injonction ministérielle… Aucune innovation dictée ne peut réussir ». A vrai dire l’histoire de l’innovation officielle, par exemple le rapport Reuter, lui donne raison. Mais la contradiction entre le premier et le dernier objectif donné à ce conseil et cette réalité est flagrante. Doter le ministère d’une administration de l’innovation, même appuyée sur un conseil élargi, est le pire des cadeaux qu’on puisse lui faire. L’innovation, forcément dérangeante, a besoin d’une protection face à la rudesse de l’encadrement. Elle n’a pas besoin de tuteur encore moins d’encadrement. Le rapport Reuter est très éclairant là dessus.

L’entrée de mouvements pédagogiques dans le conseil est un cadeau empoisonné pour ces mouvements mêmes. Très minoritaires chez les enseignants, les voici maintenant labellisés comme représentants de la pensée ministérielle et chargés d’une administration de l’innovation. Ils ne vont pas tarder à apparaitre comme porteurs de la pensée officielle ce qui a des avantages mais aussi beaucoup d’inconvénients, particulièrement dans un système éducatif où la confiance a disparu. Le même problème va se poser aux experts.

Un autre piège réside dans l’idée qu’en identifiant les pratiques innovantes et en les mutualisant sous injonction officielle on  » répondra aux difficultés rencontrées aujourd’hui par l’école ». On retrouve là la croyance dans l’art administratif du fichage. Et l’idée des « bonnes pratiques » qui en se multipliant augmentent l’efficacité de l’école. Evidemment l’innovation pédagogique s’inscrit dans un système et répond à un besoin. Pour autant elle est rarement directement duplicable tant les situations pédagogiques diffèrent. Et encore moins reproductible par une administration comme celle de l’éducation nationale.

Le système éducatif en crise a bien besoin d’innovation. Les vieilles recettes du système peuvent elles la faire naitre ? Ce que l’éducation nationale devrait s’attacher à faire c’est sans doute insuffler l’esprit d’innovation. Pour cela non seulement l’administration de l’innovation est inutile mais les rapports officiels, l’expérience des 6 années de Forum des enseignants innovants montrent qu’elle pourrait lui nuire.

François Jarraud