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Eric de Saint-Denis, professeur d’Histoire-Géographie, longtemps formateur dans l’académie de Créteil. Compagnon de route des Cahiers Pédagogiques et du Café Pédagogique. A l’initiative du Microlycée de Sénart en 2000 qu’il quitte en 2008 pour fonder le deuxième Microlycée celui du Val-de-Marne à Vitry.

Vous sortez un livre sur les Microlycées chez ESF . A quel besoin répond chez vous la nécessité de publier sur votre pratique de pionnier dans le système éducatif ?

Cela fait plus de 12 ans que le premier Microlycée a été ouvert à Sénart pour permettre à des jeunes de revenir au lycée pour y préparer un bac. Aujourd’hui, le Ministère en fait même un élément de sa politique dans la lute contre le décrochage. Il était donc temps de montrer ce qui se fait dans les Microlycées. A l’heure de la Refondation, ces laboratoires pédagogiques permettent aussi d’interroger l’ensemble du système car la situation des élèves décrocheurs montrent bien toutes les failles d’une école qui reste encore fondamentalement sélective. Il est devenu indispensable de monter que l’on peut et doit fonctionner « autrement ». En plus, ici ou là, des dispositifs destinés à seulement quelques élèves prennent le nom du « Microlycée » sans en respecter la philosophie. A tous égards, ce livre pose les choses.

Pour s’occuper d’élèves en rupture, faut-il être aussi un enseignant en rupture ?

Oui et non. Il faut rompre avec les habitudes afin de proposer une autre approche, construire une école inclusive et lutter contre un modèle qui élimine, quoi qu’on en dise, les élèves les plus fragiles. Mais les Microlycées font intégralement partie de l’Education nationale et ceux qui y travaillent sont d’abord des enseignants. D’un côté, ils montrent comment il est possible d’organiser, par exemple, l’absence de séparation entre l’enseignement et la vie scolaire. De l’autre ils se rattachent bien à une discipline et sont pleinement des agents de l’Etat. Leur pratique les place en fait à la marge du système avec toute la richesse de la marge lorsqu’elle interroge la norme.

Le décrochage n’est-il pas une maladie nosocomiale de l’école ?

L’école a une part de responsabilité. Les études sur la baisse de l’entrain scolaire des élèves dès leur premier trimestre de la classe de Seconde sont accablantes ! Lorsque les uns évoquent leur souffrance d’être à l’école, lorsque les autres échouent au bac à quelques points de la réussite parce que leur dossier montre un comportement difficile, il faut regarder la réalité en face : l’école est en partie responsable. Mais le décrochage est multifactoriel : les problématiques personnelles sont souvent complexes et les difficultés scolaires ne font que s’ajouter à d’autres difficultés plus personnelles. La rupture scolaire n’est qu’une rupture parmi d’autres. Pourtant, on ne peut dédouaner l’école de sa responsabilité et encore moins lui enlever son devoir de favoriser le droit d’y revenir. Or aujourd’hui, les Microlycées ou le CLEPT à Grenoble restent des exceptions dans le paysage éducatif français.

À l’heure de la refondation, quelles propositions feriez-vous pour résorber le taux élevé de décrochage parmi les collégiens et les lycéens ?

On se penche beaucoup sur les élèves et trop peu sur les enseignants. Il faudra bien un jour une refondation du métier lui-même : favoriser enfin le travail en équipe et considérer l’élève comme une personne à part entière. On ne peut faire face seul à la question du décrochage : nommer un référent décrochage par établissement est un début mais c’est tous les enseignants qui devraient être concernés et pas seulement dans certains établissements ! Et puis, on parle beaucoup de pédagogie personnalisée, il faudrait plutôt envisager une pédagogie de la personne et penser l’élève dans sa globalité. Très certainement tout cela permettrait de diminuer le décrochage. Mais il s’agirait presque d’une révolution professionnelle chez les enseignants. On en est loin.

Gilbert Longhi