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Alors que le ministère publie un dossier bilan de la refondation de l’Ecole , force est de constater à quel point ce bilan ministériel est occulté. Pourquoi ?

La refondation a un an, rappelle le ministère qui publie à l’occasion un dossier bilan. Le document met l’accent sur les mesures engagées pour la rentrée 2013 : 9 000 postes nouveaux, création des ESPE, loi de refondation. Il énumère 5 engagements présidentiels tenus sur cette année. Il s’agit de l’augmentation de l’ARS, de la création de 60 000 postes dans l’Education nationale, de l’accueil des moins de trois ans en maternelle, du socle commun, de l’aide aux élèves en difficulté, de la priorité au primaire, de la réforme des rythmes et du plan artistique et culturel.

Evidemment sur tous ces sujets l’avancée est inégale. Ainsi le dernier point, le plan pour l’éducation artistique et culturelle, « est en préparation ». La transformation des méthodes pédagogiques est inscrite dans la loi de refondation mais chacun sait que rien n’a bougé dans les établissements. La nouvelle formation initiale commencera à apparaitre à la rentrée 2013. Quant à la formation continue, elle restera indigente faute de crédits. Seuls les enseignants du primaire devraient bénéficier d’un système de formation continue à distance assez ingénieux.

Le bilan de cette année d’action ministérielle est en réalité important. Il y a eu un apport d’oxygène sensible dès la rentrée 2012, avec 4500 postes supplémentaires dont 1 200 enseignants et la création de 1 500 AVS par exemple. Enfin le travail réglementaire et législatif est colossal : la loi de refondation, la réforme de la formation initiale sont engagés sur des délais très courts.

Pourtant l’enthousiasme des premiers temps a fait place à la déception et au scepticisme. A cela plusieurs raisons. Il y a d’abord le maintien des cadres de l’ancien gouvernement. Qu’ils aient été politiquement engagés ou non ils ont symbolisé et porté une politique vivement rejetée par le monde enseignant. Or il a fallu presque une année à V. Peillon pour comprendre que des postes symboliques devaient bouger. Cette permanence a amené l’encadrement à favoriser la continuité sur le changement. Sur le terrain, on se heurte toujours au même autoritarisme, à l’absence de bienveillance.

Les priorités ministérielles n’ont pas suivi celles de la profession enseignante. L’exemple des rythmes scolaires est emblématique. Certes la réforme la plus difficile ne peut être faite qu’en début de mandat. Mais pour les enseignants elle est moins urgente que le changement des programmes par exemple qui pèsent très lourdement sur le quotidien de la classe. L’écart chronologique entre la réforme des rythmes et les 250 millions qui y sont liés et la discussion sur les 90 millions destinés en partie aux professeurs des écoles est aussi éclairant. D’autant que cette dépense est déjà inscrite au budget.

L’impatience des acteurs de l’Ecole est très importante. Dans les établissements et les écoles, le changement on le veut tout de suite. Les 60 000 postes sont attendus maintenant même si pour des raisons évidentes ils ne pourront réellement commencer à arriver qu’en 2015. Les nouveaux programmes il les faut immédiatement, même s’ils ne peuvent être écrits avant que le Conseil supérieur des programmes ne soit installé et en tenant compte du délai d’un an pour rédiger les manuels. Sur ces deux points, comme sur d’autres, des raccourcis n’ont pas été recherchés et le ministère va son rythme comme s’il avait encore 4 années devant lui.

Ce rythme apparait en décalage avec la récession. C’est évidemment le plus important facteur de scepticisme. La dégradation économique fait passer la refondation de l’Ecole dans les dernières préoccupations des Français. Le président de la République lui-même ne l’évoque plus. Le doute s’installe sur la sanctuarisation du budget de l’Education nationale et par suite sur l’application des réformes engagées. Il faut plus qu’un bilan officiel pour aller contre.

François Jarraud