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Normalement les bonnes fées sont autour des berceaux. Pour le Mouvement contre la constante macabre (MCLCM) d’André Antibi, elles sont venues le 17 juin pour fêter ses 10 ans. De la FSU à l’enseignement catholique, du lycéen de la FIDL au représentant de la Conférence des grandes écoles, le MCLCM semble faire l’unanimité dans l’univers éducatif. C’est que le mouvement d’André Antibi interroge une tradition d’évaluation qui n’est pas pour rien dans les difficultés du système éducatif.

C’est en 2003 qu’André Antibi a publié l’ouvrage fondateur du MCLCM « La constante macabre ». Celle-ci se traduit par le fait que les enseignants semblent obligés, pour être crédibles, de mettre un certain pourcentage de mauvaises notes, même dans les classes de bon niveau. Le système de notation implique que certains élèves, souvent la moitié, aient « moins que la moyenne ». « On pense qu’une répartition de notes est un phénomène naturel, et donc qu’il est normal qu’elle donne lieu à une courbe de Gauss », explique A Antibi. Les résultats sont connus : sentiment d’injustice chez les élèves et aigreur des relations entre professeurs et élèves. Surtout, perte de confiance en soi des élèves, un phénomène qui affecte particulièrement les élèves français selon les enquêtes internationales.

Pour y remédier, André Antibi a imaginé l’évaluation par contrat de confiance (EPCC). Celle-ci repose sur un programme de révision explicite. Une semaine avant le contrôle les élèves disposent d’un programme de révision précis et un ou deux jours avant le contrôle un jeu de questions – réponses permet de déceler les difficultés. L’EPCC s’appuie donc sur des usages scolaires installés en travaillant de façon plus rigoureuse la préparation à l’évaluation.

Le 17 mai, des personnalités, des organisations sont venues témoigner de leur intérêt pour l’EPCC. Hélène Ouanas, de la Dgesco, a rappelé que la loi d’orientation demande une évolution des modes d’évaluation. « On veut une nouvelle doctrine en matière d’évaluation qui puisse être déclinée dans le plan académique de formation », dit-elle. Du coté de l’enseignement catholique, Paul Malartre, qui a été secrétaire général de l’enseignement catholique, estime que la question de fond c’est « le regard porté sur l’élève », une question commune à l’enseignement catholique et à l’école publique. Les parents de la Fcpe et de l a Peep, représentés par leur président, les jeunes de l’Unef et de la Fidl, ont souligné leur intérêt pour la méthode Antibi.

Mais les alliés les plus efficaces sont les plus inattendus. Pierre Aliphat, délégué général de la Conférence des grandes écoles, a pris conscience des problème de notation en France quand il a fallu mettre au point des échanges d’étudiants avec les Etats-Unis. Aux Etats-Unis, 75% des étudiants sont notés « A ». En France pour atteindre 75% d’étudiants il faut additionner les notes A, B , C , et une partie de D… Les étudiants français, très mal notés par rapport aux jeunes Américains, partaient avec un sérieux handicap pour trouver place dans les écoles américaines. F. Denis, de la Fapée, l’association de parents d’élèves des établissements français à l’étranger, a vecu la même chose. Les élèves des lycées français ont des notes très inférieures à celles des élèves des lycées étrangers et ont du mal à entrer dans les universités étrangères. Pour Philippe Joutard, ancien recteur, le système traditionnel d’évaluation détruit la confiance. Il est à l’origine du pessimisme qui caractérise les Français.

Aujourd’hui près de 30 000 enseignants utilisent l’EPCC de façon régulière. Florence Robine, rectrice de Créteil, en témoigne pour son académie qu’elle présente comme particulièrement en pointe avec 150 classes du primaire et une vingtaine de collèges pratiquant l’EPCC. « On reconnait les élèves de ces établissements : ils se déploient, ils ne sont pas voutés sous le poids de l’évaluation ».

Si la plupart des syndicats d’enseignants a signé l’appel d’A Antibi, seule la Fsu assistait à la journée. Michel Fouquet, Snep, a situé la position de son syndicat comme un « refus positif » des idées d’A.. Antibi. Pour lui , « il ne faut pas laissé croire qu’une nouvelle forme d’évaluation peut remplacer l’implication personnelle de l’élève ». Pour lui, si les enseignants conservent la notation traditionnelle c’est que c’est celle qu’ils ont connu dans leur enfance. Et puis, « l’évaluation des enseignants pour le moment elle ne se fait toujours pas dans le cadre d’un contrat de confiance ». Il faut plus de 10 ans pour changer les représentations.

François Jarraud