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Professeur dans un collège de l’agglomération de Caen, Guillaume Caillaud a eu un parcours très original dans l’éducation nationale avec des allers et retours entre le primaire et le secondaire. A 44 ans, après une vingtaine d’années d’enseignement, il explique pourquoi il écrit ce livre sur l’autorité et quelle conception il défend.

Ces dernières années le ministère amis en avant la théorie de l’autorité « naturelle », un don qui permettrait au professeur de s’installer devant n’importe quel public d’élèves. Partagez-vous cette conception ?

Cette conception est à coté de la plaque. L’autorité ça se construit et mon livre vise à aider cette construction à travers un travail en profondeur. L’autorité est surtout une histoire de relation que l’on établit avec les élèves en fonction de soi, de ses convictions et de son expérience.

L’autorité c’est quand on a la confiance des élèves ?

Il y a un lien. Mais cette confiance se construit. Elle est indispensable pour pouvoir enseigner. Et dès qu’on l’a , l’autorité devient inutile.

L’autorité c’est quelque chose de personnel ou qui relève de l’établissement ou de l’équipe pédagogique ?

C’est avant tout une relation personnelle avec les élèves mais qui s’organise dans un collectif d’établissement. Les élèves testent les limites des nouveaux enseignants pour voir s’ils peuvent avoir confiance. Ils vont chercher les failles. L’enseignant peut s’appuyer sur le collectif et la direction si les problèmes d’autorité durent. Il peut aussi travailler avec les parents. Mais avant tout l’autorité se construit dans l’interface avec les élèves.

Le livre débute par un test sur ses propres conceptions de l’autorité. C’est un vrai travail sur soi. C’est important ?

C’est essentiel. Car le premier blocage c’est soi. S’autorise-t-on à avoir de l’autorité ? Si on a une image fausse de l’autorité on va fausser la relation avec les élèves. L’autorité n’est pas épouvantable. Elle est nécessaire. Il faut déjà dépasser ses propres blocages.

L’autorité se met-elle en scène ?

Le métier d’enseignant a à voir avec le théâtre. Il y a une unité de lieu, de moment, de texte (le programme). Il y a une théâtralisation. Par exemple, la tenue vestimentaire participe de la confiance tout comme la gestion de l’espace de la classe. L’enseignant transmet un message aux élèves par la disposition des tables et par sa place dans la classe. En se déplaçant il prend différents rôles et les montre aux élèves. De fait cela agit sur la relation avec les élèves. Si on vient habillé de façon négligée les élèves le perçoivent aussi. Il faut penser qu’il y a toujours un élève qui regarde.

Si je suis une jeune enseignante comment dois-je m’habiller ?

Il faut avoir des vêtements qui inspirent la confiance. Il faut donc penser aux signes que l’on envoie avec sa tenue.

Il y a des pédagogies qui ont beaucoup travaillé sur la question de la discipline. Par exemple les pédagogies institutionnelles. Elles vous ont inspiré ?

J’ai essayé de rester dans la pratique habituelle des écoles et des établissements. Bien sur ce livre n’est pas une fin et on a le droit de faire évoluer la relation avec les élèves. Mais j’essaye de faire quelque chose de très utilisable, immédiatement, dans un contexte ordinaire, celui que l’enseignant débutant par exemple va trouver à la rentrée. On essaie de travailler en profondeur mais en étant dans les préoccupations immédiates de l’enseignant ordinaire.

L’ouvrage propose de nombreux tests, des études de cas. Comment un livre peut-il aider à construire cette relation avec les élèves ?

Par exemple , il aide à savoir à qui on s’adresse, à décrypter ce qu’est l’élève, c’est à dire un être en construction qui s’émancipe. Il aide aussi à réagir face à des situations difficiles, par exemple quand l’élève explose. Dans ce cas là comment fait-on ? Le livre permet d’y réfléchir à l’avance, de réfléchir à ses réponses à travers des exercices. Il aide à prendre du recul sur sa relation avec les élèves. Mais il y a d’autres façons d’apprendre. Par exemple observer d’autres enseignants agir avec une classe.

Quand un enseignant est face à un imprévu qui agit sur ses émotions, qu’est ce qui peut l’aider à agir ?

Dans le livre j’ai tenté de faire une liste des inattendus. Quand on est enseignant il faut s’attendre à des choses étonnantes, surtout quand on a soi-même un passé de bon élève. Le livre va aider à identifier ses propres failles et à penser à l’avance à ses réactions.

Peut-on définir quelques lois fondamentales de l’autorité ?

Peut-être assimiler qu’il y a toujours des raisons au comportement d’un élève et qu’il faut s’attacher à les comprendre. Il faut toujours chercher plus loin. Cela n’empêche pas de sanctionner. Mais obligatoirement il faut une phase de dialogue. Je propose dans le livre une démarche pour établir ce dialogue tout en restant bien professeur.

Vous avez un parcours d’instituteur avant de devenir professeur du secondaire. Ca vous a aidé ?

C’est fou ce que ça peut aider ! Par exemple, quand on a été instituteur on fait beaucoup plus attention aux consignes que l’on donne. Le professeur du secondaire reste souvent dans l’implicite et on perd des élèves comme cela. Faire attention à ce que les consignes soient claires pour tout le monde, y veiller, ça donne des moyens de comprendre aux élèves et ça aide beaucoup à l’autorité. Cette démarche est exposée dans le livre. Ca démine des conflits. La qualité des cours, de bon niveau scientifique mais accessibles, aide beaucoup à rendre l’autorité inutile. Avoir de l’autorité c’est au final ne plus en avoir besoin.

La liaison école – collège ca vous parait une bonne chose ?

Absolument. Je ne peux que recommander des échanges de service et pas seulement entre la 6ème et le cm2.

Propos recueillis par François Jarraud