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 » Cette tension budgétaire des collectivités et de l’État et les choix différents opérés par les collectivités en matière d’éducation artistique et culturelle, conjugués à l’inégale répartition des équipements culturels sur le territoire, conduisent à une aggravation des inégalités en matière d’éducation artistique et culturelle au plan national ». Le rapport de Jean-Yves Moirin, Anne-Marie Le Guevel et Jean-Marc Lauret met à nu les faiblesses de la politique d’éducation artistique et culturelle menée jusque là. Il préconise de s’appuyer résolument sur les enseignements et de combattre les inégalités territoriales.

Véritable serpent de mer du ministère de l’éducation nationale, l’éducation artistique et culturelle a été aussi vantée par les ministres que délaissée au gré des contraintes budgétaires. C’est ce que montre le rapport des Inspections générales qui met à nu sa réalité comptable. « Si une certaine confusion peut naître face à la quantité de dispositifs offerts, il n’en reste pas moins que chacun présente des caractéristiques propres et des objectifs qui restent valides. Pourtant, ils ne sont pas tous utilisés à la même hauteur; loin s’en faut. L’explication ne réside pas dans un quelconque désintérêt des «usagers» mais bien dans l’érosion des crédits d’intervention tant de la part du ministère de l’éducation nationale que de celui de la culture et de la communication. Cet état de fait explique pour une large part l’arrêt de la dynamique qu’a pu connaître autrefois leur mise en oeuvre ».

2,4 euros par élève

Mais de quels moyens dispose l’éducation artistique et culturelle ? A l’éducation nationale, en dehors des 17 000 enseignants spécialistes en musique et arts plastiques, c’est nuit et brouillard. « L’éducation nationale peine à dégager des crédits à la hauteur de ses ambitions en matière d’éducation artistique et culturelle, d’autant que les crédits qui figuraient au budget des rectorats ont été attribués aux établissements sans fléchage, se fondant ainsi dans des crédits de fonctionnement ». Du coté du ministère de la culture, on aboutit à une moyenne de 2,4 euros par élève. Même les données sur le nombre d’enfants touchés sont peu fiables : 22% selon le ministère d ela culture, 30% selon l’éducation nationale. « L’écart entre les deux estimations nécessiterait des éclaircissements », estime le rapport…

Surtout le rapport révèle de grandes inégalités territoriales.  » La baisse récente des budgets territoriaux semble préserver l’éducation artistique et culturelle mais des « zones blanches » sont observées sur le territoire national », note le rapport. Cela conduit « à une aggravation des inégalités en matière d’éducation artistique et culturelle ». Le rapport donne en exemple la Somme qui consacre 23 euros par élèves à cette éducation et la Haute Vienne qui lui consacre 0 euro.

Comment généraliser ?

Si 10 % environ des élèves bénéficie d’une action d’éducation artistique et culturelle, comment arriver à 100% ? Le rapport s’est penché sur les dispositifs existants pour étudier leur rentabilité. Les classes PAC arrivent « à un seuil critique ». Les ateliers artistiques sont jugés intéressants mais coûteux. Les classes à horaires aménagés sont également jugées trop coûteuses et génératrices d’inégalités en fonction de l’implantation des organismes culturels. Les orchestres et chorales scolaires « ont un rapport qualité coût satisfaisant.

Mais , compte tenu des inégalités constatées et des réalités budgétaires, le rapport préconise au final  » de prendre résolument appui sur les enseignements. Ils sont structurés et structurants, inclus dans un emploi du temps en termes d’obligation ou de choix optionnels. Ils sont pérennes. Pour l’école, l’encadrement pédagogique par les conseillers pédagogiques départementaux (CPD) doit être conforté. Pour le collège, ces enseignements, notamment artistiques peuvent faire l’objet d’assouplissements horaires afin de faciliter la mise en oeuvre de projets pédagogiques mieux adaptés et plus ambitieux dans le cadre du temps scolaire. Prendre appui sur les enseignements, c’est également introduire une dimension artistique et une dimension culturelle dans tous les enseignements ». L’histoire des arts est jugée positivement mais  » on peut s’interroger sur la forme actuelle de son ancrage dans les programmes disciplinaires et certaines modalités de son évaluation au diplôme national du brevet (DNB) ». Le rapport recommande de donner à tous les lycéens la possibilité de choisir une option d’enseignement artistique quelque soit sa filière (aujourd’hui elles ne sont accessibles qu’en L).

Il juge tous les dispositifs valables mais juge que la classe à PAC est le dispositif le plus intéressant sur le plan budgétaire et pédagogique.  » L’inscription de ces parcours dans des politiques territoriales est la condition de leur mise en oeuvre. Elle exige donc un dialogue accru entre l’État et les collectivités territoriales et la reconnaissance par la loi de la notion de projet éducatif territorial. Les contrats locaux d’éducation artistique (CLEA) en permettant de conventionner les collaborations possibles en matière d’éducation artistique entre les communes et les services de l’État (rectorat et DRAC notamment) devraient pouvoir soutenir des projets culturels en lien avec des artistes au sein des établissements scolaires. Elle exige enfin une meilleure répartition des moyens dédiés à l’action éducative, l’éducation artistique et culturelle en constituant l’un des volets ». Pour cela un observatoire national est jugé indispensable.

François Jarraud

Le rapport