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« La découverte du « modèle » de « tronc commun » dans le dossier de presse du ministère ne peut que me laisser perplexe car il apparaît en contradiction totale avec les contenus du concours, et les exigences du métier enseignant ». Ancien directeur d’IUFM, Jean-Louis Auduc analyse référentiel de formation des futurs enseignants dans les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) « Lorsqu’on regarde le dossier de presse de présentation des ESPE, on peut se demander si le ministère n’est pas en train d’abandonner tout un pan de la professionnalité des enseignants figurant dans le référentiel des compétences du métier enseignant ».

La refondation de la formation initiale des enseignants français reposait sur le pari – difficile à tenir- de construire une formation initiale progressive sur deux ans en plaçant la totalité des épreuves des concours de recrutement en fin de première année.

Un première inquiétude avait surgi avec la suppression de la partie des actuelles épreuves orales d’admission « Agir en fonctionnaire et de façon éthique et responsable » qui pourtant avait montré tout son intérêt dans les concours comme en font foi ces extraits de deux rapports des jurys de CAPES 2012 : « Cette partie de l’épreuve sur dossier, qui a un fort impact sur les résultats, permet d’apprécier si le candidat a conscience des obligations d’un enseignant et s’est approprié les principales valeurs du service public. Elle lui donne l’occasion d’exprimer sa conception du travail en équipe ou des relations hiérarchiques et de faire part de sa vision des missions du professeur. Si l’on ne peut exiger qu’il maîtrise dans les détails le fonctionnement de l’institution scolaire, il est attendu d’un futur enseignant une certaine connaissance de l’organisation des établissements ainsi que des grands enjeux du système éducatif. »

« Vouloir devenir professeur nécessite d’avoir une connaissance des finalités, du mode de fonctionnement et des valeurs de l’École. En cela, comme pour toute profession, le fait d’en avoir été un usager, comme élève ou parent d’élève, ne peut suffire. »

Dans un article du Café Pédagogique d’avril 2013, j’avais été un peu rassuré par les textes de cadrage des concours 2014, 2015 et suivants qui indiquaient pour tous les concours de recrutement du second degré la possibilité d’interrogations lors des épreuves orales sur « le contexte dans ses différentes dimensions (classe, équipe éducative, établissement, institution scolaire, société), et les valeurs qui le portent dont celles de la République. ». Et pour le concours de recrutement professeur des écoles : « La deuxième partie de l’épreuve vise à apprécier les connaissances du candidat sur le système éducatif français et plus particulièrement sur l’école primaire (organisation, valeurs, objectifs, histoire et enjeux contemporains), sa capacité à se situer comme futur agent du service public (éthique, sens des responsabilités, engagement professionnel), ainsi que sa capacité à se situer comme futur professeur des écoles dans la communauté éducative. »

La découverte du « modèle » de « tronc commun » dans le dossier de presse du ministère à l’occasion de la journée de présentation des ESPE, ne peut, hélas, que me laisser perplexe car il apparaît en contradiction totale avec les contenus du concours, et les exigences du métier enseignant. Qu’on en juge !

• Dans ce document ( page 11 du Dossier de presse), on propose de faire en Master 2 ( 1er semestre) un module : « Organisation du système scolaire et contexte institutionnel » et au 2e trimestre en Master 2 un module : « Éthique, posture professionnelle, travail coopératif », c’est-à-dire après les épreuves d’admission prévues en fin de 2e trimestre du master 1. Quelle incohérence !

• Mais, il y a d’autres problèmes dans cette proposition de « Tronc Commun ». On indique en Master 1 (1er trimestre) un module « psychologie de l’enfant », comme si tout au long de la scolarité, on avait affaire à des enfants !! Alors que toutes les études montrent qu’un des problèmes de notre système éducatif qui touche notamment les garçons, est la totale absence de rites collectifs de « sortie de l’enfance » qui entraîne crise d’identités et de l’estime de soi chez les jeunes de 12/14 ans et qui est une cause du décrochage scolaire. Proposer de ne voir de 6 à 18 ans que des « enfants » est totalement contre-productif. Du CM au lycée, c’est la psychologie du jeune sortant l’enfance, devenant adolescent et construisant sa posture d’adulte qu’il faut traiter, sinon on revient aux errements de certains IUFM qui ont fait beaucoup de mal …..

• Enfin, il est scandaleux, alors que tous les jeunes enseignants pointent le besoin d’une telle formation , qu’absolument aucun horaire ne soit proposé dans le tronc commun du dossier de presse du ministère sur la communication et les relations avec les parents d’élèves

Lorsqu’on regarde le dossier de presse de présentation des ESPE, on peut se demander si le ministère n’est pas en train d’abandonner tout un pan de la professionnalité des enseignants figurant dans le référentiel des compétences du métier enseignant. Ou alors, faut-il interpréter le tronc commun proposé dans le dossier de presse du ministère, comme reflétant l’impossibilité de placer le concours en fin de première année !

Le tronc commun proposé pourrait avec quelques modifications ( Psycholologie de l’adolescent et du jeune adulte ; Relations école-famille) parfaitement s’adapter au modèle prévu en 2013-2014, c’est-à-dire : épreuves d’admissibilité en fin de première année et épreuves d’admission en fin de seconde année). Le ministère se résoudra-t-il à adopter ce modèle -seul gage d’efficacité de la professionnalisation- dès 2015 ?

Jean-Louis Auduc

Auduc : Pas de véritable refondation

Peillon dessine les ESPE