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Les programmes de 2008 du primaire ont aussi eu des effets positifs, juge André Ouzoulias , professeur à l’Université de Cergy-Pontoise. Sur certains points comme l’enseignement de la grammaire ils ont été une aide pour les enseignants même si globalement les résultats ne sont pas au rendez-vous. Mais les programmes à eux seuls ne sont pas capables de changer les choses…

Cinq ans après leur publication, quels effets ont eu les programmes de 2008 ?

Il faut être réaliste, ils ont eu des effets contradictoires. Par exemple sur la grammaire, le domaine le plus emblématique de la réforme, des maîtres ont été rassurés car ils savaient quoi enseigner et quand le faire. Alors que dans les programmes de 2002, avec l’observation réfléchie de la langue, les maitres n’étaient pas bien outillés pour le faire. Il aurait fallu un grand plan de formation continue. Beaucoup d’enseignants ont apprécié ces programmes de 2008 sur la grammaire contrairement à ce qui a été dit. Mais d’un autre coté on a chargé la barque. Et les résultats sont décevants. Il ne suffit pas d’enseigner les règles pour que les enfants les introduisent dans les textes qu’ils écrivent. On ne sait pas bien d’ailleurs comment se fait leur mémorisation. Je dirige une étude sur ce sujet qui montre que la grammaire prend sens quand on fait beaucoup écrire les enfants sur des textes très courts.

Et en maternelle ?

Là aussi, on a chargé la barque très fort en février 2008. Puis sous l’influence de quelques chercheurs, comme Gombert, Fayol, Goigoux et moi, la seconde version était moins exagérée. Mais les programmes demandent toujours qu’on dégage les principaux phonèmes en grande section. C’est l’idée de dégager le principe alphabétique en fin de grande section pour qu’on n’ait plus qu’à le faire fonctionner en cours préparatoire. Ca a concouru à rendre la grande section moins maternelle, plus élitiste et à mettre en échec un certain nombre d’enfants. Je recommanderais de travailler plutôt sur des unités supérieures aux phonèmes en utilisant la représentation écrite des mots.

Il y a eu apparemment des résultats…

Comme le dit très bien Rémi Brissiaud, il faut se méfier des apparences. En lecture écriture, j’apprécie que les enfants connaissent le nom des lettres. C’est bien car les recherches montrent que c’est plutôt la connaissance des lettres qui est déterminante même pour l’accès à la phonologie. Donc c’est une compétence levier sans laquelle les autres progrès sont interdits. On a progressé en ce domaine. Sur la compréhension en lecture par contre, on ne sait pas s’il y a eu progrès. Il n’y a pas de tests. Sur l’écriture des lettres j’apprécie le progrès. Mais est-ce du aux programmes de 2008 ? C’était déjà dans les programmes de 2002…

Un nouveau conseil supérieur des programmes (CSP) va être installé. Cette nouvelle procédure est-elle un progrès ?

Tout dépendra de la qualité des personnes qui seront dans les commissions. Aura-t-on un groupe unique de maternelle ou des sous-groupes ? Connaitront-ils les problématiques sans être dogmatiques ? Donnera t on un ensemble de grands objectifs à suivre avec des socles à atteindre en fin de cycles tout en donnant des pistes possibles ou aura-t-on, comme en2002, une pédagogie officielle ? Ce serait dommage.

Peut-on se passer d’un gros effort de formation continue ?

C’est la question centrale de la refondation. Il n’y aura pas de refondation sans un effort gigantesque et inédit de formation continue. Il faudrait que la moitié des moyens du primaire lui soit consacrée. Que chaque maitre ait au moins une semaine de formation dans les 3 ans. La formation initiale va permettre de renouveler le corps à hauteur de 2% par an. Avant d’arriver à 50% il faudra 25 ans ! C’est trop long. La formation continue peut par contre toucher 10 à 15% des enseignants chaque année. Si on ne fait pas cet effort de formation continue il n’y aura rien car la force de l’inertie sera plus grande. Mais ce sera l’objet d’un prochain article…

Propos recueillis par François Jarraud

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