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Surprise : les négociations sur l’évolution du métier enseignant se passent plutôt bien. Les syndicats font bien part de leurs désaccords sur tel ou tel point, de discussions sur d’autres mais aucune des organisations importantes n’a claqué la porte. Les débats les plus âpres semblent porter sur les catégories les moins nombreuses : formateurs, conseillers pédagogiques… Et encore. Il y aurait donc peu de changements ? Sans doute par rapport aux évolutions qu’ont connu d’autres pays. Mais peut-être amorce-t-on une réelle rupture.

Du coté du premier degré

Quand on lit les fiches ministérielles on voit bien que l’essentiel est déjà acté. Le gouvernement a lâché une prime, l’ISAE dont le premier versement arrive sur les comptes en banque. Il a relevé le taux d’accès à la hors classe avec l’objectif de l’amener au même taux que dans le secondaire. Finalement les discussions des groupes de travail portent sur la récupération des heures faites au-delà des 24 hebdomadaires par les professeurs sur plusieurs écoles et sur les priorités dans les mutations. Certaines fonctions donnent droit au GRAF, une nouvelle hors classe, comme directeur ou conseiller pédagogique.

Et du secondaire

Pour les professeurs du second degré, les documents ministériels distinguent les temps d’enseignement, qui restent inchangés (18 heures pour un certifié par exemple), les missions liées à l’enseignement (corriger, préparer par exemple), les missions dans l’établissement (coordonnateur, référent) ou dans l’académie. Les missions liées à l’enseignement sont listées et reconnues mais ne donnent pas droit à rémunération. Les missions dans l’établissement peuvent donner droit à des indemnités (comme les heures de laboratoire de SVT) ou à des allègements (comme coordonnateur de niveau ou référent). Les missions académiques également. Enfin le texte ministériel prévoit des pondérations horaires en première et terminale (1,1h pour une heure faite, maximum 1h), en STS (1,25) et en CPGE (1,5) et aussi 1,1h par heure en éducation prioritaire. Une heure d’enseignement est payée une heure quelque soit le nombre d’élèves. On met donc fin au système de majoration / minoration. Les missions en établissement ou académie devraient donner accès au GRAF.

Qui gagne quoi ?

Concrètement la réforme devrait améliorer le sort des enseignants du secondaire en éducation prioritaire : ils devraient bénéficier en moyenne de 2 heures de décharge. un avantage sans doute insuffisant mais qui est réputé faciliter al stabilité des équipes dans ces établissements. Les enseignants en lycée qui n’avaient pas droit à la première chaire pourront en bénéficier même partiellement. Par contre le ministère demande aux enseignants de CPGE les plus favorisés de travailler davantage en gagnant moins. C’est actuellement le point le plus conflictuel.

Douce en apparence, la réforme est quand même plus profonde qu’il n’y parait à première vue. En effet elle joue avec les activités étendues d’enseignement et les missions locales.

Augmenter et annualiser le temps de présence dans les établissements ?

La réforme proposée reconnait les temps de préparation, correction, rencontre avec les parents ou l’équipe dans le temps de service des enseignants. « C’est intéressant », nous a dit Roland Hubert, co-secrétaire général du Snes. « Cela ne les rend pas obligatoires. Peut-être seront -elles indemnisées plus tard. Au moins ça coupe court aux propos sur les enseignants toujours en vacances ». Interrogé aussi par le Café, Albert Ritzenthaler, du Sgen, souligne le fait que la seule référence horaire c’est les 18 ou 15h d’enseignement qui restent inchangées. Pour Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, la référence aux 1607 h annuelles dans les documents ministériels aurait pu ouvrir le chemin à l’annualisation des services. Elle a été écartée. Avec ce retrait, c’est la question du temps de présence en établissement qui est mise à l’écart. Finalement le ministère ne se hasarde pas à augmenter et chiffrer ce temps. Mais il gardera la référence à ce temps travaillé mais non indemnisé. L’idée d’augmenter le temps de présence des enseignants dans les établissements pour pouvoir mieux encadrer et éduquer les élèves restera dans les objectifs non atteints mais perceptibles. La plupart des pays voisins délimitent un tel temps de présence.

Une nouvelle gouvernance d’établissement ?

Sur un autre point, la négociation avance vite : c’est le cas des référents , coordonnateurs de niveau et autres missions d’établissement. Aujourd’hui elles sont souvent rémunérées de façon locale et boiteuse avec des différences entre les établissements. « On va mettre de la transparence et des bornages nationaux », nous a dit C Chevalier. « La Dgesco nous a promis de revoir les textes sur le conseil pédagogique », qui attribue ces missions, nous a dit A Ritzenthaler. Ces missions seront payées avec l’argent des anciennes décharges réglementaires attribuées à des disciplines. Ainsi glisse-t-on de droits anonymes liés à une discipline à des missions attribuées indirectement par le chef d’établissement dont la place dans l’établissement est reconnue et institutionnalisée. « Il y aura plus de transparence et d’équité », nous a dit C Chevalier.

Tout est affaire de perspective. Si la réforme ne modifie qu’à la marge les conditions de travail des enseignants, elle inscrit dans le paysage deux questions clés pour l’avenir du système éducatif. La première c’est la prise en compte de la totalité du métier dans la vie de l’établissement. La seconde c’est la hiérarchisation du corps enseignant sur le modèle des autres métiers avec un chef d’établissement doté d’une certaine autonomie. Au final son autorité dans e secondaire sortira renforcée. Tout comme les discussions sur les directeurs d’école appuient aussi leur rôle de pilotes pédagogiques de l’équipe enseignante. La réforme ne va pas loin. Mais elle oriente.

François Jarraud

Groupes directeurs et rased

Groupes profs du primaire et du secondaire