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Il vaut mieux s’appeler Pierre Dubois que Mohamed Benchargui quand on veut inscrire son fils dans un établissement privé sous contrat. C’est ce qu’établit une étude réalisée par trois chercheurs du CNRS auprès de 4 269 établissements privés répartis sur le territoire métropolitain. Ce travail met en évidence un comportement discriminatoire alors que la loi Debré impose aux établissements sous contrat d’accueillir tous les élèves sans distinction d’origine religieuse.

 » Nos résultats mettent en évidence l’existence d’une discrimination ». Loïc Du Parquet, Thomas Brodaty, Pascale Petit, trois chercheurs du CNRS, publient le 12 janvier une étude menée auprès d’un nombre représentatif d’établissements privés sous contrat.  » Entre mars et juin 2011, nous avons examiné la discrimination liée à l’origine supposée des parents, à l’entrée de 4 269 établissements privés répartis sur l’ensemble du territoire. Nous avons construit de toutes pièces les identités de deux pères fictifs, l’un portant un prénom et un nom à consonance française, l’autre à consonance maghrébine. A quelques jours d’intervalle, ces deux pères fictifs ont adressé un court message à chacun de ces établissements pour obtenir plus d’informations en vue d’y inscrire leur enfant à la rentrée suivante. Nous avons ensuite comparé les suites données à ces messages par ces établissements ».

Or selon les auteurs, il n’y a aucune ambiguïté dans les réponses apportées à ces demandes. « Nos résultats mettent en évidence l’existence d’une discrimination. Premièrement, la discrimination se manifeste par l’absence même de réponse de l’établissement au message des parents. Si les deux pères fictifs sont concernés par cette situation dans une forte proportion, le père issu de l’immigration l’est plus fréquemment. Deuxièmement, les établissements qui répondent au message de sollicitation, envoient un peu plus fréquemment une réponse négative au père issu de l’immigration. Enfin, les établissements qui répondent au message et n’adressent pas de réponse négative envoient moins souvent une réponse positive ferme au père issu de l’immigration, celui-ci sera plus souvent concerné par la proposition d’un rendez-vous que le père d’origine française ».

L’enseignement privé est déjà sous le feu critique de sociologues de l’éducation. Ainsi Pierre Merle, dans une étude publiée en 2013, a mis en évidence une ségrégation sociale forte dans les établissements catholiques. Ainsi la part de collégiens défavorisés est de 24% dans les collèges public parisiens mais de 4% dans le privé. A Nantes, on trouve 33 et 15%. A Lille, 52 et 21%. Autrement dit l’écart est du simple au double. A l’intérieur de chaque agglomération les établissements privés peuvent avoir des politiques de recrutement différentes. Mais globalement les établissements où l’indice de dissimilarité augmente sont les collèges privés à recrutement très favorisé et les collèges publics à recrutement très populaire. « On a bien une polarisation sociale des collèges », explique Pierre Merle. « On tend vers deux systèmes différents ».

L’étude du CNRS tombe mal pour l’enseignement catholique. Son nouveau secrétaire général, Pascal Balmand porte un nouveau discours et affiche une fibre sociale. En octobre 2013, il nous disait : « la construction d’un monde plus juste a toujours constitué un objectif pour l’enseignement catholique… Nous avons la volonté d’épouser les populations les moins favorisées.. On veut approfondir l’ouverture de nos établissements à tous ». Mias pas à Mohamed ?

François Jarraud

L’étude

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