Print Friendly, PDF & Email

Le dernier des conseils prévus par la loi d’orientation n’était pas le plus simple à mettre en place. En installant le Cnesco le 28 janvier, Vincent Peillon pose une clé de voute qui dépassera l’alternance politique. Si le système éducatif dispose déjà d’évaluateurs indépendants parce qu’extérieurs, le Cnesco propose une formule jamais tentée en France : celle d’une évaluation autonome en communication avec les acteurs du système. En ce sens le nouveau Conseil national d’évaluation du système scolaire pourrait être un véritable aiguillon pour une Ecole amorphe face aux évaluations externes.

« Le Conseil national d’évaluation du système scolaire, placé auprès du ministre chargé de l’éducation nationale, est chargé d’évaluer en toute indépendance l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire », nous dit la loi d’orientation. Elle prévoit qu’il réalise des évaluations  » à la demande du ministre chargé de l’éducation nationale, du ministre chargé de l’enseignement agricole, d’autres ministres disposant de compétences en matière d’éducation, du ministre chargé de la ville ou des commissions permanentes compétentes en matière d’éducation de l’Assemblée nationale et du Sénat »; qu’il se prononce sur la qualité des évaluations internes du ministère et « qu’il formule toute recommandation utile » sur l’évaluation de l’Ecole. Il publie chaque année un rapport qui est obligatoirement rendu public.

L’évaluation du système éducatif a souvent fait débat. On se souvient du rapport du HCE jetant le doute sur les résultats des évaluations mises en place par la Dgesco, ou encore de la censure vigilante établie par Luc Chatel sur les publications de la Division des études du ministère (Depp) du ministère. Cette situation avait ouvert les perspectives d’un renouvellement de l’évaluation du système éducatif, des voix s’élevant pour la confier à un organisme extérieur au ministère. Finalement, V Peillon a supprimé les évaluations controversées et décidé de créer un conseil national de l’évaluation du système scolaire indépendant.

L’éducation nationale ne manque pas d’évaluations internes. Outre la Depp, déjà citée, elle dispose de l’Inspection générale qui publie chaque année des rapports sur les politiques en cours et se propose de conseiller le ministre.  » Les arguments en faveur d’un tel modèle, énoncés le plus souvent par les évaluateurs eux-mêmes, sont multiples », nous expliquait Xavier Pons en 2009. « Seul ce type d’évaluation serait légitime aux yeux des destinataires de l’évaluation (notamment des enseignants), seul ce type d’évaluation permettrait une collecte fiable des données, il faudrait « forcément » un regard averti et expérimenté sur l’école française ». Les incidents survenus sous Luc Chatel semblent avoir définitivement jeté le discrédit sur une évaluation de l’Ecole par elle-même.

Contrairement à ce qu’on lit souvent, l’éducation nationale ne manque pas d’évaluation externe. On s’en rappellera prochainement quand la Cour des comptes, composée de magistrats indépendants, publiera son analyse du fonctionnement du CNDP. L’OCDE, une organisation internationale d’expertise, avec PISA par exemple, mène également des évaluations du système éducatif qui sont devenues des repères. Récemment le Haut Conseil de l’Education a joué aussi un rôle important en montrant publiquement les dysfonctionnements du système. Ces évaluations externes fournissent des repères précieux à l’opinion publique et au ministre. Mais privées de relais dans l’institution scolaire, elles ne traduisent pas leurs évaluations en recommandations concrètes directement lisibles par le système.

Le Cnesco propose un modèle nouveau davantage tourné vers l’action. Composé d’universitaires, le Cnesco affirme son indépendance. Il tente une évaluation participative, associant des acteurs du système éducatif à ses conclusions. C’est faire le pari d’un système intelligent capable d’aller plus loin que les déclarations politiques qui suivent les publications de rapports. Il s’agit de tirer des conclusions effectives des rapports qui sont adressés à l’Ecole. Ce que tente le Cnesco c’est développer une véritable culture de l’évaluation dans un système éducatif qui ne l’a jamais eue. C’est un pari pour le Cnesco qui aura à surmonter les aléas du politique. C’est aussi une chance pour l’Ecole.

François Jarraud