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Comment le numérique nous aide-t-il à mettre en œuvre une pédagogie active, créative, collaborative ? C’est la préoccupation partagée par de nombreux enseignants au Canada comme en France, ce qu’illustrent deux initiatives tentant de stimuler et fédérer les énergies par-delà l’océan : en fin de semaine passée, le colloque Clair s’est tenu dans le Nouveau-Brunswick pour inviter à « voir l’éducation autrement» ; en mars, un événement transatlantique, REFER, tentera de mettre en réseau les acteurs des écoles francophones pour inventer un « humanisme numérique commun ». D’ores et déjà, un défi de twittérature est lancé à toutes les classes francophones, de 5 à 17 ans, ainsi conviés à cheminer ensemble par l’écriture.

Clair 2014 : « du fun » dans les apprentissages

Du 30 janvier au 1er février, dans le Nouveau-Brunswick au Canada, s’est déroulé le 6e colloque Clair sur le thème « Voir l’éducation autrement ». La rencontre permet à chacun de mettre en œuvre ce principe essentiel qu’énonce Jacques Cool dans son intervention augurale : l’enseignant doit rester un apprenant. Parmi les nombreuses conférences, que le réseau Twitter permettait de suivre en direct jusque dans l’« Ancien Monde », on peut revoir en ligne celle, enthousiasmante, de Jean-Yves Fréchette, fondateur de l’Institut comparé de Twittérature. Racontant ses riches expériences d’enseignant, il montre comment mettre la « créativité au service des apprentissages » et « introduire un peu de plaisir dans la rigueur ». « J’ai tout appris de mes étudiants », témoigne-t-il, invitant les enseignants à être à l’écoute de leurs élèves plus que des injonctions officielles, à « prendre le maquis et désobéir », à « hacker l’éducation ».

Fort de la conviction que « le plaisir gouverne tous les apprentissages », qu’il « faut accepter de perdre le contrôle », qu’« écrire, c’est tracer des signes sur une surface », Jean-Yves Fréchette raconte et analyse différents projets insolites, innovants, passionnants, qu’il a menés autour de l’écriture. Par exemple « Agrotexte » : ou comment, avec des charrues, dans un champ, labourer en groupe un texte de 1,6 km ! Ou encore « l’itinéraire du texte » : en 1984, 10 000 élèves ont transcrit leur dernier devoir de français de l’année scolaire sur une bande de papier jaune de 8 cm de largeur ; les sections reliées les unes aux autres ont composé une bande de texte de 160 km de longueur ; monté sur une immense bobine actionnée par un pédalier, le texte fut déroulé, à la plus grande joie des enfants et de leurs parents, de Jackman à Lévis ! Une belle tentative pour sortir le texte de l’école : « la classe s’ouvrait, les jeunes se mettaient à genoux devant un texte : je n’avais jamais vu ça ! » Ou encore le « party textuel » : il s’agissait de produire en réseau, en une semaine avec l’aide d’ordinateurs, à ciel ouvert, 20 livres d’artistes différents, avec des mots venus d’autant de pays. Et enfin, bien entendu, des expériences d’écriture créative et partagée via Twitter, tant la « rhétorique du bref » apparaît comme un beau défi, poétique et pédagogique. Selon Jean-Yves Fréchette, « nous entrons dans une « nouvelle ère de sensibilité, de pratiques scripturales, où l’outil est un vecteur de production et une plateforme de distribution massive. La pédagogie peut et doit aller là : si à l’Ecole, on ne va pas où sont les enfants, on n’ira nulle part. » Il s’agit, dans la classe et hors les murs de la classe, de favoriser « des complicités accrues entre toutes les sphères de compétences développées par les enfants pour être en synergie ».

Refer 2014 : penser et créer à travers l’océan …

Le « Rendez-vous des écoles francophones en réseau » (REFER) se veut un moment de rassemblement, d’échanges et de formation pour tous les acteurs de l’éducation. L’événement se déroulera sur 24 heures les 20 et 21 mars 2014, simultanément au Québec et en France. Il s’agit en particulier de penser les défis pédagogiques lancés par le numérique, de favoriser la mise en réseau d’expertises, toutes disciplines et tous niveaux confondus, ainsi que la création et le partage de contenus en français. Parmi les intervenants annoncés : Britt-Mari Barth, Laurence Bee, Thierry Karsenti, Marcel Lebrun, Ewan McIntosh, François Taddéi … Parmi les lieux envisagés pour ce tour d’horloge, et reliés en visioconférence : Montréal, Neufchâtel, Amiens, Besançon, Nice, Paris, Bombay, Lausanne …

Pour préparer l’événement sous le signe de l’échange et de la créativité, un concours international de twittérature est lancé dès février. Le concours est destiné aux élèves de 5 à 17 ans, que le français soit leur langue d’accueil, leur langue seconde ou leur langue maternelle. La participation peut se faire de façon collective ou individuelle. Le thème imposé, « Toute une invention », invite à jouer avec les mots proposés par l’opération « Dis-moi dix mots … à la folie ! » dans le cadre de la semaine de la Francophonie. Des contraintes spécifiques sont définies selon les catégories d’âge : par exemple pour les 13-17 ans, choisir deux mots parmi ceux proposés (ambiancer, à tire-larigot, charivari, enlivrer (s’), faribole, hurluberlu, ouf, timbré, tohu-bohu, zigzag), les inclure dans le tweet, insérer une figure de style précise (allitération, comparaison, métaphore, antithèse ou gradation), produire un tweet d’exactement 140 caractères (un « Twoosh »), incluant les balises et les espaces…

De quoi effectivement mettre « du fun » dans le maniement maîtrisé de la langue française !

Jean-Michel Le Baut

Cet article est désié à Monique Le Pailleur, consultante en didactique du français et en pédagogie innovante, spécialiste de l’écriture collaborative en ligne, dont nous apprenons avec tristesse la disparition.

Liens :

Les conférences de Clair 2014 en ligne

« L’itinéraire du texte » en vidéo

Le site du REFER

Le concours de twittérature

Monique Le Pailleur dans le Café pédagogique