Print Friendly, PDF & Email

Que peut-on attendre de l’accord sur le métier qui devrait être conclu le 12 février ? Quel impact sur l’Ecole pourrait avoir la nouvelle politique économique lancée par François Hollande ? Secrétaire général du Se-Unsa, Christian Chevalier analyse la situation curieuse où se trouve l’Ecole un accord professionnel qui redistribue de nouveaux moyens financiers vers les enseignants et l’annonce d’une nouvelle politique de restrictions.

Si l’on en croit Vincent Peillon, un nouvel accord sur le métier d’enseignant au secondaire devrait être conclu mercredi 12 février. Partagez vous cet optimisme ?

Pour le second degré, les grandes organisations du second degré vont porter un regard favorable au projet présenté par le ministère. C’est un texte qui est travaillé depuis fin décembre, précisément depuis que le cas des CPGE a été mis à part. Il y a eu des avancées comme le fait que les professeurs d’EPS et les PLP soient concernés. On aura par exemple plus de transparence dans l’indemnité de CCF. Il y aura sans doute un nouveau formatage du CCF pour qu’il soit moins lourd et sa rémunération qui pose problème aujourd’hui assurera plus de transparence : dès lors que les enseignants en lycée professionnel font plus de 6 heures en terminale ils perçoivent une indemnité. On peut dire que le dialogue social a joué à plein.

Le Snes refuse que l’on revienne sur le principe d’un service défini par des heures d’enseignement, que l’on touche aux heures de laboratoire et que les établissements puissent désigner des mission rémunérées. Dans cette situation qu’est ce qui change vraiment ?

C’est vrai que dans le quotidien des enseignants ça va peu changer les choses. Mais le nouveau dispositif est adapté au métier actuel. Il reconnait les missions annexes. Il clarifie les heures de cabinet, « de vaisselle ». Les heures supplémentaires ne sont plus rémunérées qu’en présence d’élèves . Tout le reste relève de l’indemnitaire alors qu’aujourd’hui on distribue des HSA de façon peu transparente. Ce texte a surtout une portée corporatiste. Mais si on reste dans le cadre des 18 heures, le nouveau texte n’empêche pas les évolutions. Il permet d’avoir des statuts protecteurs qui ne prêteront plus à interprétation. Les décrets rénovés en 2014 reconnaissent que le métier ce n’est pas que la transmission des savoirs. C’est aussi le travail en équipe, la correction etc. A coté il y a des missions confiées à des enseignants : prof principal, coordonnateur, chargé d’informatique, des missions confiées par le recteur. Pour nous c’est une étape obligée pour que tous les syndicats s’y associent tout en mettant le pied dans la porte pour l’avenir. Par exemple, si la réforme du collège dégage du temps pour du transversal, ce sera possible avec le nouvel accord.

Ne faudrait-il pas donner plus de souplesse aux établissements en leur donnant la possibilité de créer des missions ?

La Dgesco, le cabinet le souhaitent. Mais ils avancent à pas feutrés car cela a un coût budgétaire. Or la hausse démographique pèse davantage que prévu et limite les possibilités.

Les avancées portent sur quoi ?

On adapte l’existant et on le rend plus transparent. Il y a des progrès pour les PLP sur le CCF, pour les professeurs d’EPS pour les heures de coordination. Plus de collègues émargeront des nouvelles avancées, plus transparentes. L’heure de première chaire devient une majoration avec un coefficient 1,1. L’heure de laboratoire d’histoire-géo devient indemnitaire. L’heure de vaisselle reste une décharge horaire.

N’y a-t-il pas un paradoxe à négocier avec le ministère sur le métier alors que se met en place le pacte de responsabilité avec ses 50 milliards d’économie ? Ira-t-on jusqu’au bout ?

Ca ira au bout car chaque année il y a une somme prévue pour les mesures catégorielles. Les mesures entrent dans cette enveloppe puisqu’il y a beaucoup de redéploiement de moyens. Il y a quand même un plus à hauteur d’environ 30 millions. Ce sera un millier d’euros pour les CPC, quelques centaines d’euros pour les professeurs du premier degré et les mesures évoquées pour les professeurs du secondaire, en général une heure supplémentaire. Un autre élément important c’est de consolider les statuts avec de nouveaux décrets. En cas d’alternance politique cela devrait bloquer les tentations de toucher au statut.

Le pacte de responsabilité prévoit 50 milliards d’économies. L’Education nationale c’est le premier budget de l’Etat. Peut-elle passer à coté des économies ? Des chiffres circulent. Le coût du lycée beaucoup plus élevé que dans les autres pays. Une contribution de l’éducation au Pacte à hauteur de 10% des 50 milliards. Où trouverait-on une telle somme ?

Je ne sais pas. Depuis deux ans on est protégé par le bouclier présidentiel. Je pense que ce bouclier va être maintenu sauf à se bruler les ailes politiquement pour Hollande. Comment ferait-il machine arrière ? Ensuite il y a peu de moyens de faire des économies dans l’éducation car l’essentiel des dépenses, 90%, ce sont des salaires. Or baisser les salaires des enseignants c’est diminuer ceux de tous les fonctionnaires. Ce serait mettre 5 millions de fonctionnaires dans la rue. On peut diminuer des subventions, des crédits pédagogiques et de fonctionnement, mais quoi de plus ? Ma conviction c’est qu’on va continuer à être privilégié. Aller plus loin, s’attaquer aux horaires des lycées par exemple, me parait également politiquement très dangereux.

Pour vous la nouvelle politique présidentielle n’implique pas la fin de la refondation et le changement du ministre ?

La protection de l’Ecole c’est sur la durée du quinquennat. Si les engagements n’étaient pas tenus il y aurait un revirement des enseignants. Je ne peux pas l’exclure totalement. On pourrait nous dire que l’heure est grave et qu’on arrête le recrutement. Mais ce serait d’autant plus dangereux que les enseignants ont déjà fait beaucoup d’efforts avec le gel du point d’indice depuis 4 ans. La levée de bouclier sur l’éventuel gel de l’avancement en est le résultat : l’avancement c’est la seule façon de compenser le gel du point fonction publique et de gratter un peu de pouvoir d’achat. Un gel de l’avancement ce serait raccourcir la carrière et diminuer les pensions. Les conséquences porteraient sur du long terme. De tels sacrifices ne pourraient être consentis que s’ils étaient justes. Or ce n’est pas le ressenti.

Propos recueillis par François Jarraud