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« Le discours ambitieux de Vincent Peillon avait suscité des espoirs dans la profession. La douche est glacée pour les enseignants qui travaillent dans les quartiers les plus touchés par la crise ». La formule des syndiqués Snes du 94 résume le sentiment d’amertume qui monte dans nombre d’établissements franciliens. Elle se traduira par une journée de grève le 13 février à l’appel des sections académiques franciliennes.

« Il ne devrait pas y avoir d’amertume« , avait répondu V Peillon le 16 janvier, en réponse à une question du Café. « Tout le monde va bénéficier du nouveau système ». Et le plan Peillon annonce le transfert de 350 à 400 millions vers l’éducation prioritaire et une série de mesures importantes qui marquent une rupture par rapport aux années où la droite a laissé pourrir l’éducation prioritaire. Le gouvernement définit 100 Rep+, les réseaux les plus prioritaires, où les enseignants bénéficient d’une décharge pour le travail en équipe et du doublement d la prime annuelle. Pour les autres, le ministre avait promis que « personne n’y perdrait ».

Pourtant l’amertume est bien là.  » Votre projet d’éducation prioritaire propose 100 collèges (REP+) spécifiquement dotés car particulièrement touchés par des difficultés sociales et scolaires », disent les enseignants du lycée Maupassant de Colombes, le lycée des « profs en slip ». « Mais cela ne peut raisonnablement se faire en déshabillant d’autres établissements qui concentrent eux-aussi d’importantes difficultés ». A Maupassant comme à beaucoup d’endroits, les Dasen ont à arbitrer entre des pressions contradictoires avec des moyens limités.

C’est dans l’opulent département des Hauts de Seine que la grogne est apparue en premier. Là le Dasen pour faire face à la croissance du nombre d’élèves dans les établissements favorisés avait prévu de transférer des ressources des collèges ZEP vers les non Zep. Une aberration quelques jours après le discours de Vincent Peillon ! Le mouvement lancé par ces établissements a permis de récupérer des moyens pour ces collèges prioritaires. Mais en puisant dans les réserves départementales ce qui fragilisera les établissements l’année prochaine. Si l’incendie est éteint chez beaucoup de collèges prioritaires il a éclaté vers les non prioritaires qui veulent garder la totalité d eleur offre alors que les effectifs progressent.

« Les collègues des établissements Rep+ bénéficieront d’une pondération de 1,1 pour favoriser le travail en équipe. Dans le même temps les collèges ont découvert leur dotation pour la rentrée prochaine: dans le 77 la dotation est restée la même , dans le 94 elle a baissé. Dans le 93 la dotation est ponctionnée pour financer le Rep+ ». S’il était relativement facile de définir les établissements qui resteraient Rep des non prioritaires, les rectorats ont eu à sélectionner les 100 Rep+ qui vont cumuler les avantages à la rentrée 2014. Même si cette situation est temporaire, puisque il doit y avoir 350 Rep + en 2015, le choix est beaucoup plus difficile entre des établissements qui tous ont une population très défavorisée. Or au lieu de fixer des critères nationaux, qui auraient peut-être écarté certaines académies, le ministère a laissé les recteurs faire le choix.

En sélectionnant les 100 Rep+, les recteurs ont ainsi suscité des attentes et des déceptions. Dans le 93 c’est au lendemain de la désignation des 6 collèges Rep+ que 14 collèges ont commencé à bouger. Eux aussi auraient mérité d’être Rep+. D’ailleurs ils le seront peut-être en 2015. Leur dotation reste stable ou diminue pour pouvoir alimenter les décharges des Rep+. C’est considéré comme inacceptable. Dans un communiqué le Se-Unsa demande que « les rectorats communiquent clairement et expliquent leur choix en matière d’éducation prioritaire. Les personnels ont besoin d’être rassurés, ils doivent comprendre le sens de la démarche, son calendrier de mise en œuvre et leur propre implication dans le dispositif. Plus qu’ailleurs, ces personnels qui subissent des conditions de travail difficiles, doivent être associés aux projets académiques. Il serait pour le moins paradoxal qu’un plan national ambitieux vire localement à la déroute par défaut de concertation et de communication ». Pourtant le plan Peillon pourrait bien avoir suscité ces amertumes. Même si deux ingrédients se sont ajoutés à cette salade amère : la croissance démographique plus forte que prévue et un recrutement d’enseignants qui reste difficile.

Le résultat se verra dans la rue jeudi. Un mois après l’annonce du premier plan ambitieux en faveur de l’éducation prioritaire, des enseignants du second degré des départements populaires manifesteront à Paris. Créer des Rep+ c’est aussi faire sentir qu’il y a des Rep-.

François Jarraud

Prioritaire : Le plan Peillon

Communiqué Se Unsa