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On connaît sans doute le « speed dating » : une méthode de rencontres rapides et en série. Au lycée de l’Iroise à Brest, Claire Berest, professeure de lettres, professeure principale en seconde, a adapté le principe pour aider ses élèves à mieux construire leur avenir, en l’occurrence pour que chacun choisisse ultérieurement sa série en toute connaissance de cause. De quoi donner des infos, des idées et des envies, tant le roulement des élèves dans la salle apparaît comme un parcours d’orientation particulièrement formateur et stimulant : un dispositif simple, efficace et assurément transférable.

Les élèves de la classe de seconde ont préalablement mené des recherches sur les différentes filières. Ils ont préparé des questions à poser à leurs aînés. 6 groupes de 6 élèves ont été constitués. La séance de « speed dating » à proprement parler dure une heure. Les groupes rencontrent successivement 3-4 élèves volontaires de premières et terminales ES, L et S. Le roulement d’un ilot à l’autre est précis : toutes les 7 minutes, un sifflet se fait entendre, les échanges s’arrêtent, les groupes de secondes vont rencontrer un nouveau pôle de premières ou de terminales.

La salle polyvalente du lycée, spacieuse, a été aménagée pour l’occasion : il suffit de s’y promener (discrètement, la liberté de parole des adolescents risquerait d’être entravée…) pour mesurer la qualité des questions et des réponses. Quelques bribes : « Ne laissez pas vos parents choisir votre orientation ! Ce n’est pas eux qui iront en cours. On connaît des élèves qui souffrent de leurs choix.», « Quand on va en L, on pense Langues : c’est vrai ? », « En TPE, au début on ne faisait rien, à la fin on s’est retrouvés à travailler tous les mercredis après-midi », « C’est quoi Droits et grands enjeux du monde contemporain ? », « Ah ! si tu veux être ingénieur, alors va en S ! », « La série L, c’est moins la continuité du collège parce qu’on y a plus de débats, on apprend à confronter ses idées, on est créatifs », « J’avais 5 de moyenne en maths en seconde, cette année en ES j’ai 14 ! », « C’est comme pour les TPE, c’est seulement les points au-dessus de la moyenne qui comptent », « C’est important l’économie, mais moi je m’en sors avec les autres matières », « Est-ce qu’il y a des projets ou des sorties ? », « Sciences Po, on peut y aller aussi à partir de la série L », « En S, ce qui fait le plus bosser, c’est les maths et la physique », « Littérature en langue étrangère, c’est super intéressant ! »…

Le dispositif parce que dynamique et interactif s’avère particulièrement efficace. On est frappé par l’attitude des uns et des autres : le sérieux, la spontanéité, l’engagement. Les questions et les réponses paraissent plus pertinentes, car elles sont en situation : elles ont un destinataire auquel elles s’adaptent. Du côté des secondes, on perçoit la faculté de la procédure choisie à bousculer les représentations (culturelles, sociales ou familiales), à dire les « évidences » (c’est-à-dire parfois l’essentiel, ce qui va de soi pour les « professionnels de la profession », mais pas pour les adolescents), à lever les appréhensions (sur le niveau attendu, le poids de telle ou telle matières, les débouchés…), à aider même aux apprentissages (en prodiguant des conseils sur les méthodes ou les attitudes à adopter, en donnant du sens au travail scolaire)… Du côté des premières et terminales volontaires qui y participent, le dispositif est aussi très formateur : il développe des compétences orales, il favorise autonomie, responsabilité, et même estime de soi, tant se trouvent exprimés avec passion le plaisir ou la fierté de suivre telle ou telle série, voire tout simplement le désir d’apprendre. Durant cette séance, le bonheur était communicatif : celui d’être au lycée et d’y construire son chemin.

Jean-Michel Le Baut

Sur le site du lycée