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L’éducation dans le monde est-elle en train de se privatiser ? C’est le scénario que décrit le numéro d’avril 2014 de la Revue internationale d’Education de Sèvres. Alors que l’impératif budgétaire s’impose comme jamais en France, elle vient scruter les modes de financement de l’Ecole dans le monde. Elle trouve de la diversité (le Burkina Faso ce n’est pas la Norvège) mais surtout des points communs. Partout l’Etat recule devant une privatisation montante de la dépense d’éducation. Partout les frontières entre le privé et le public s’estompent. Serait ce la mise en place d’un marché éducatif ?

« Plutôt qu’à l’effacement de l’Etat on assiste à une redéfinition de ses rôles et de ses moyens d’action ». Thierry Chevallier (IREDU) a accepté la direction de ce numéro 65 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Il a convié une douzaine d’auteurs pour décliner des observations tirées d’une dizaine de pays, de la France au Viet Nam et de la Norvège au Pakistan. Seule la revue du CIEP peut ainsi mobiliser autant d’auteurs de pays différents sur de sujets aussi pointus. De l’étude de ces différents pays, T. Chevallier tire quelques évolutions que l’on retrouve d’un pays à l’autre, au moins dans les pays développés.

Partout le financement de l’éducation tend à se privatiser. Cela peut prendre des formes très directes comme dans le développement de partenariats privé public pour réaliser des équipements. Mais les besoins de financement concernent aussi les familles amenées de plus en plus fréquemment à emprunter pour payer les études des enfants. C’est vrai dans les pays développés pour le supérieur. Dans de nombreux pays développés, le Viet Nam évoqué dans la revue par exemple, la croissance de la demande éducative oblige les autorités locales à prélever des frais d’écolage quand ce ne sont pas les familles qui construisent et gèrent l’école.

La privatisation passe aussi par les modes de gestion. Le New Public Management est en soi une réaction à la routine gestionnaire des administrations publiques. Il importe dans la gestion publique les démarches et les outils de la gestion privée. Les usagers sont traités comme des clients. Les établissements ont des obligations de résultats souvent inscrits dans des contrats impératifs. Cela peut aller, comme en Angleterre, jusqu’à une véritable privatisation de la gestion et une mise en concurrence généralisée des établissements. Depuis 2010 on a vu dans ce pays se multiplier les Academies , des écoles dont la gestion est confiée à des entreprises mais qui fonctionnent sur fonds publics. On a maintenant les Free schools cette fois confiées à des associations. Chacune de ces écoles a à la fois un contrat impératif avec l’Etat, c’est à dire des obligations de résultats, et une autonomie complète pour les atteindre.

On mesure alors que la France est encore une fois l’Empire du juste milieu. On avance vers ce modèle avec des contrats tripartites pour les établissements mais l’autonomie est peu développée et les contrats entretiennent les liens avec l’Etat. T Chevallier peut conclure en disant sur la redéfinition des rôles de l’Etat.

François Jarraud

Revue internationale d’éducation de Sèvres, n+65, ISBN 978-2-85420-603-6

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Voir aussi, l’Ecole face aux marchés scolaires