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Le Collège – Lycée Expérimental Freinet (CLEF (1)) de La Ciotat est la seule filière de pédagogie Freinet implantée dans un établissement secondaire public en France (2) . Après cinq ans de fonctionnement, dont trois ans avec des classes de troisième et terminale dont les résultats aux examens soutiennent la comparaison avec ceux des classes traditionnelles, cette expérience montre comment une pédagogie coopérative peut être mise en œuvre dans le cadre institutionnel d’un établissement secondaire et dans l’accomplissement des missions de l’Education Nationale (3) .Sans être un modèle à reproduire tel quel, c’est un exemple de l’apport des pédagogies coopératives face aux difficultés et défis que connaît l’enseignement secondaire aujourd’hui.

Un collège lycée comme les autres ?

Le CLEF a été créé en application de l’article 34 de la loi d’Orientation et de Programme pour l’Avenir de l’École du 23 avril 2005 (4) , qui encadre les expérimentations réalisées au niveau des établissements : inscription au projet d’établissement, autorisation académique préalable, évaluation annuelle. La conception du projet a commencé en 2006, la première rentrée a eu lieu en 2008. Les professeurs sont des volontaires, ayant reçu au préalable une formation en pédagogie Freinet. S’ils ne sont pas titulaires au Collège ou au Lycée de La Ciotat, ils y sont détachés par le Rectorat. Il y a une classe Freinet à chaque niveau, de même effectif que les classes ordinaires (une trentaine). Mais pour les travaux autonomes, soit 8 heures par semaine, les élèves sont organisés en groupes plus petits, pluri-classes : dans chaque groupe sont mélangés des élèves de la 6ème à la 3ème, ou de la seconde à la terminale.

Comme dans les autres établissements le programme (ainsi que les sections) est celui défini par l’Education Nationale. Simplement la progression année par année n’est pas imposée : le programme du collège doit être fait sur les 4 ans, celui du lycée sur les 3 ans, c’est impératif, mais le cheminement de la classe et de chaque élève est défini par les enseignants, à partir, fondamentalement, des choix d’apprentissage faits par les élèves. Comme nous le verrons le CLEF a adopté des dispositifs permettant de « raccorder » cette pédagogie du libre cheminement aux exigences des examens et des candidatures à la poursuite d’études : couverture de l’ensemble du programme, entraînement aux épreuves de l’examen notamment par des devoirs en temps limité, notes chiffrées de synthèse en fin de parcours pour les livrets d’examen et les dossiers de poursuite d’études.

En première et terminale les élèves des différentes sections L, ES et S sont dans une même classe, mais avec des horaires obligatoires différents. Cela n’est pas voulu a priori, c’est une conséquence du fait que l’expérience est limitée à une seule classe. (Nous n’entrons pas ici dans la discussion sur les inconvénients et les avantages du mélange d’élèves de sections différentes dans la même classe. Cela se pratique parfois dans les autres lycées, mais la gestion de cette hétérogénéité ne pose pas les mêmes problèmes dans le cadre d’une classe Freinet car l’emploi du temps laisse plus de place au travail individuel et à l’interdisciplinarité).

Chaque classe a sa propre salle (sauf nécessité par exemple pour les heures de technologie et de sciences expérimentales). Les programmes sont affichés dans la salle, les élèves voient où ils en sont dans leur progression. La classe reste, institutionnellement, le premier groupe d’appartenance de l’élève. L’organisation du travail dans la classe est cogérée par les élèves en « réunion de coopérative » en classe entière. Les parents interviennent collectivement par le biais de l’Association de Soutien au CLEF. Cette association a un rôle consultatif dans le dispositif officiel de suivi de l’expérience.

La pédagogie au CLEF : construction autonome du savoir ; individualité et citoyenneté

L’idée directrice est que les élèves ne sont pas « acteurs » de leurs apprentissages mais « auteurs ». Voyons cela par quelques exemples : en français, anglais et mathématiques.

En français, le départ, c’est le texte libre : la première consigne est que chaque élève doit produire un texte sur le sujet qu’il veut et sous la forme qu’il veut, puis corriger ce texte, l’améliorer, jusqu’à lui donner une forme définitive. On privilégie un travail visant à réaliser quelque chose, plutôt qu’un travail ayant essentiellement une fonction d’exercice comme dans la pédagogie académique. L’enseignant intervient à partir du travail des élèves en les aidant à se corriger et en leur montrant des parallèles (ou des contrastes) entre ce qu’ils ont fait et des œuvres littéraires connues. C’est un exemple de ce que les pédagogues Freinet appellent « la part du maître expert ». C’est en se corrigeant que les élèves perfectionnent leur maîtrise des procédés et règles de la langue (vocabulaire, grammaire, stylistique) ; à partir de leurs besoins d’écriture ils font des fiches, ou l’enseignant leur en propose, qui deviennent le manuel de la classe. Les corrigés détaillés faits par l’enseignant en accompagnement du travail de l’élève peuvent aussi constituer des fiches à conserver par les élèves. De même c ‘est à partir de la diversité des travaux des élèves, et des auteurs qu’ils explorent, que la classe construit une culture littéraire (et générale) commune. C’est comme un puzzle, dont une grande partie recouvre les contenus du programme officiel. Quand il le juge utile l’enseignant intervient pour fournir des éléments du programme qui ne se trouvent pas encore dans ce puzzle. De temps en temps la classe fait le point sur son avancée dans le programme. Parfois le travail d’écriture s’intègre dans une démarche collective, par exemple dans une correspondance entre classes, ou dans la publication d’un journal. Toutefois, au CLEF de La Ciotat, on ne parvient pas vraiment à assurer la parution régulière d’un journal.

En anglais il en va de même, mutatis mutandis. On part de l’envie de l’élève de s’exprimer (ce qui n’est pas exclusivement Freinet). Au départ on mise sur le mimétisme à l’oral, mais aussi d’emblée sur l’entraide entre les élèves, qui se proposent mutuellement des expressions et des correctifs. Et on fait écrire aux élèves les mots dont ils ont besoin pour s’exprimer. Les besoins qui apparaissent pour l’expression déterminent l’ordre des acquisitions. Par exemple dès que les élèves entreprennent de raconter quelque chose, on les initie d’emblée aux temps du passé. Comme en français on part des productions écrites de l’élève et on l’amène à les améliorer avec l’aide de ses camarades, à faire des fiches, etc. L’interdisciplinarité s’introduit selon les projets, par exemple s’il faut utiliser en technologie des documents rédigés en anglais, ou si on veut réaliser en arts plastiques des œuvres illustrant des textes anglais. Enfin grâce à l’individualisation on peut plus facilement s’appuyer sur les pratiques culturelles des élèves : BD, chansons puis séries télé, conversations avec des étrangers.

En mathématiques, au départ on demande aux élèves de se donner des problèmes, ceux qu’ils veulent, et d’inventer des solutions. Ils peuvent partir de problèmes de réalisations pratiques. Exemples : fabriquer un tremplin de skate ; calculer des dépenses… Dans les ateliers les maths sont fortement liées à la technologie. Ils peuvent aussi partir de lacunes qu’ils sentent dans leur formation mathématique. Et l’enseignant leur fournit (ou les aide à trouver) des connaissances mathématiques nécessaires pour traiter leurs problèmes. Important : les élèves doivent rédiger pour clairement formuler les problèmes et rendre compte de la démarche suivie pour les résoudre. Ce qui évite que les mathématiques virent vers un apprentissage de formules et de recettes. Les enseignants sont incités, plus que dans le système traditionnel, à se former à la psychologie de la recherche mathématique et pas seulement à la didactique des démonstrations. Comme en français les élèves construisent le manuel de la classe à partir de leurs fiches, ce manuel suit la classe d’année en année, et l’enseignant complète le puzzle pour que tout le programme soit vu. Il résulte de tout cela une approche du programme qui n’est pas un empilement académique de connaissances, mais l’intégration vivante de ces connaissances dans une capacité de l’élève à formuler et résoudre des problèmes mathématiques.

A toutes les étapes et dans toutes les disciplines il y a une réflexion de l’élève sur les démarches de sa pensée. Le professeur de philosophie intervient de la sixième à la terminale. La philosophie s’intègre à l’expérience vécue des jeunes, avant de s’ajouter en terminale comme une discipline spécialisée de plus.

C’est une pédagogie par l’agir. Les élèves font œuvre : leurs projets (d’écriture, de recherche, mais aussi de fabrication) doivent aboutir à une réalisation. Et on leur en donne le temps au niveau des plages horaires. Plusieurs fois dans l’année sont organisées des présentations de travaux d’élèves, soit pour leurs pairs, soit pour le public extérieur et leurs parents (5) . Par l’accent mis sur l’oeuvre, la pédagogie Freinet contraste avec le régime traditionnel où dans les faits l’objectif décisif pour l’élève est d’améliorer sa note chiffrée, ou du moins « d’avoir la moyenne ». Au CLEF l’apprentissage est donc une exploration créative très ouverte, avec de temps en temps des compléments pour que les élèves ne pas perdre de vue les objectifs des programmes officiels. Cette pédagogie est donc loin d’ignorer l’organisation académique des savoirs. Les élèves retiennent mieux ce qu’ils apprennent car ils l’ont construit eux-mêmes. Ils apprennent à aller chercher eux-mêmes les connaissances et à croiser les diverses sources (livres, Internet, encyclopédies, questionnement aux professeurs ou à d’autres personnes-ressources) plutôt qu’à recevoir un cours professé devant eux. La professeure-documentaliste est d’emblée reconnue comme une enseignante à part entière, elle donne des cours de sciences de l’information. Bien sûr les enseignants transmettent du savoir : sur presque toutes les questions il y a des « chemins obligés » déjà tracés par des prédécesseurs illustres ou obscurs. Pour aider un élève à s’approprier ces connaissances il vaut mieux être soi-même un connaisseur dans le domaine en question. Mais cela se fait en rapport avec le cheminement des élèves.

Un peu incrédule, j’ai demandé aux enseignants quelle était la part de directivité dans leurs interventions. Même si les élèves sont censés se donner des projets à partir de leurs désirs, les adultes ne doivent-ils pas proposer des activités, des buts, des règles ? Des contraintes bien comprises ne sont-elles pas des défis qui stimulent la créativité ? Par exemple les consignes formelles dans les arts plastiques, en poésie, et dans toute production d’écrit. Par ailleurs il y a des sujets auxquels la plupart des élèves ne s’intéresseront pas, et auxquels les adultes doivent les éveiller. Il est vrai qu’on peut s’appuyer sur la dynamique des interactions entre élèves dans la classe, mais n’est-on pas toujours amené à manipuler un peu cette dynamique ? A ces questions la réponse des enseignants du CLEF a une allure de « révolution copernicienne » : pour l’essentiel, disent-ils, ce sont les élèves, dans la dynamique de leur propre recherche, qui induisent des questionnements nouveaux, voire déconcertants, qui sont des défis pour eux et entre eux, ainsi que pour les enseignants qui les accompagnent ! Donc le pari sur le désir peut souvent remplacer la directivité, et n’est pas une complaisance pour la facilité.

La vision de l’éducation appliquée ici est celle de la « méthode naturelle » de Célestin Freinet. Selon les militants de l’ICEM (6) , cette formule ne doit pas être prise au pied de la lettre : ce n’est pas « une méthode » et ce n’est pas « naturel ». C’est une démarche générale : l’élève ne suit pas une méthode, mais il se pose des problèmes et il trouve ou invente des méthodes pour y répondre, y compris en empruntant des méthodes existantes (sur lesquelles l’enseignant doit avoir une formation assez large). L’élève part de problèmes qui sont réels en deux sens : ils se posent dans la réalité, et l’élève ressent réellement l’envie de les résoudre. Et il part pour cela de ses propres capacités. C’est tout cela (si j’ai bien compris) qui se résume dans l’idée d’un développement naturel . Mais les savoir-faire qui se construisent ainsi ne sont pas « naturels », par exemple il y a une grande exigence d’écriture, or l’écriture est un savoir-faire artificiel qu’on acquiert par entraînement et auto-correction. La finalité politique de cette pédagogie est l’autoformation de citoyens capables à la fois de développer leur créativité personnelle et collective, et de se situer dans les institutions sociales existantes … et donc, les deux à la fois, d’agir de façon créative pour transformer les institutions. Bref, des citoyens capables d’intervention démocratique dans la vie de la cité.

De fait, grâce à la sociabilité et aux compétences démocratiques qu’ils développent dans leur formation, les élèves du CLEF sont très enclins à participer activement à la vie de l’établissement (Conseil de la Vie Lycéenne, clubs, Conseil d’Administration), ainsi que de la cité (Conseil Municipal des jeunes).

Il y a quatre types d’heure dans l’emploi du temps

… Dit comme cela, c’est un peu schématique, mais cela permet de voir, en comparaison avec l’organisation traditionnelle du secondaire, ce qui en est modifié, mais aussi ce qui en est maintenu.

1. Les cours par discipline, en classe entière comme dans le système traditionnel. Ils sont de préférence le matin.

2. Les « travaux individualisés » (TI) : 5 heures hebdomadaires, réparties sur 3 après-midi. Là les élèves sont en groupe tutoré : chaque groupe, de 18 élèves au collège, 15 au lycée, est constitué à l’année (comme les classes) et a un enseignant tuteur. Dans le groupe sont mélangés des élèves des quatre classes du collège, ou des trois classes du lycée. En première approximation on pourrait désigner ces heures de TI par le terme d’ « études tutorées », « études » au sens d’heures où les élèves font des devoirs. Mais il ne s’agit pas de simples « devoirs » : il s’agit, comme on va le voir, d’un plan de travail individuel de l’élève par lequel il construit son apprentissage.

3. Les « ateliers » consacrés aux projets que l’élève se donne personnellement : un bloc de 3 heures le lundi après-midi. Les ateliers peuvent être comparés à des séances de TPE (7) de grande dimension. Pour chaque lundi l’élève a choisi à l’avance un atelier en fonction de ses besoins dans l’avancée de son projet : si par exemple il a un projet centré sur la physique pour lequel il a besoin d’un approfondissement en mathématique à un moment donné, il ira le lundi qui vient à l’atelier d’un professeur de mathématique. Chaque atelier rassemble environ 18-19 élèves, sa composition varie chaque semaine selon les demandes. Mais ce n’est pas « à la carte », car comme nous le verrons les demandes des élèves doivent être justifiées et discutées démocratiquement, puis la répartition entre les ateliers est optimisée pour qu’aucun élève ne soit lésé et que les compétences de tous les enseignants soient utilisées de façon équilibrée.

4. Last but not least, la « réunion de coopérative » en classe entière : réunion d’auto-organisation du travail, 1 heure par semaine, fixe dans l’emploi du temps, avec présence du professeur principal (et d’éventuels invités).

Avant d’entrer plus dans les détails je demande aux lecteurs de ne pas se laisser rebuter par la complexité à première vue de cette organisation, en comprenant qu’elle est au service d’un but (8) : amener les élèves à prendre en main leurs apprentissages, avec plaisir, individuellement et coopérativement … tout en satisfaisant aux exigences de réussite scolaire traditionnelle. Peut-être pourrait-on réaliser le même but avec des formes d’organisation plus simple. Ou peut-être pas. C’est à cela qu’il faut réfléchir et le fonctionnement du CLEF n’est qu’un exemple de ce qu’on peut mettre en place.

Les travaux individualisés (TI) en groupe tutoré pluri-classes

L’élève arrive en TI avec un « contrat minimum » sur deux semaines défini par ses professeurs de chaque discipline (exemples : en mathématiques, une recherche et deux séries d’exercices ; en français étudier deux textes et réaliser une fiche de grammaire). Le tuteur est la première personne-ressource généraliste pour les élèves de son groupe, il accompagne la réalisation du « contrat », il conseille l’élève, ou si besoin l’envoie consulter le professeur de la discipline, ce qui est possible car tous les groupes étant en TI pendant les mêmes plages horaires, tous les enseignants sont présents à leur poste de tuteur de groupe. Les enseignants doivent donc se maintenir mentalement disponibles pour répondre aux besoins qui apparaissent dans le travail des élèves. Le « contrat » en TI est un minimum : l’élève qui s’en est acquitté utilise le temps qui lui reste à des travaux complémentaires qu’il peut choisir. Les travaux peuvent parfois être faits à plusieurs, ou être pluridisciplinaires, mais de toute façon sera évalué le travail de chaque élève dans chaque discipline. Les élèves sont encouragés à s’entraider : on teste ses connaissances en les utilisant avec autrui, on les consolide en les expliquant, y compris bien sûr entre élèves de classes et d’âges différents ; selon les compétences de chacun il arrive qu’un élève de seconde aide un élève de terminale.

Les écrits de l’élève sont repris par le tuteur dans le but d’aboutir à une réalisation de bonne qualité. Au final il sont corrigés et évalués par les professeurs de discipline, puis rendus aux élèves par le tuteur avec explication de la correction. Enfin le tuteur fait une évaluation de synthèse. Tout ce processus, incluant la relation aux parents comme nous le verrons, utilise des communications informatiques avec des règles de gestion strictes. Tous les enseignants sont tuteur d’un groupe. Cette fonction demande une vigilance et des rituels différents de ce que font les enseignants dans le cursus traditionnel rythmé par les cours, les exercices et les devoirs.

Les ateliers pour projet choisi par l’élève

Dans les ateliers, l’élève construit ses propres projets de recherche ou/et de réalisation, souvent en approfondissement des travaux individualisés, mais à plus long terme ; et si possible le projet est transdisciplinaire.

Chaque enseignant anime un atelier en mettant en œuvre essentiellement sa compétence dans sa discipline. Il est pour les élèves une personne-ressource, une aide, un superviseur. Il y a un planning sur l’année permettant que tous les enseignants, du lycée et du collège confondus, soient accessibles à tous les élèves.

Le mardi l’élève choisit à quel atelier il demande à participer le lundi suivant, selon ses besoins dans son projet. Par exemple un élève qui ferait une recherche sur les médicaments choisirait d’abord, pour mettre au point sa problématique, un atelier tenu par un professeur de SVT ; mais le lundi suivant, pour bien comprendre la documentation, il irait à un atelier tenu par un professeur d’anglais, toutefois il ne passerait pas les trois heures à lire les documents en anglais, il avancerait aussi sur d’autres aspects de son projet ; et ainsi de suite. L’une des fonctions de la « réunion de coopérative » en classe entière le mardi est de rassembler les vœux des élèves, de discuter de leur bien-fondé au regard de leur projet, et de les modifier en posant des priorités pour que chaque élève aille dans l’atelier où se trouve l’enseignant, et pourquoi pas les camarades, dont il a le plus besoin. Ensuite les Professeurs Principaux (qui assistent obligatoirement à la réunion de coopérative de leur classe) transcrivent le résultat sur un tableau de type Doodle permettant au final de constituer pour chaque atelier du lundi suivant un groupe d’environ 18-19 élèves. Les insatisfactions sont compensées les lundis d’après. On pourrait craindre que les élèves ne laissent de côté certains enseignants mais ce n’est pas le cas. Ils comprennent, au fur et à mesure des problèmes qu’ils se posent, que les enseignants des différentes disciplines sont tous des personnes-ressources qu’ils ont intérêt à solliciter. Il y faut, j’imagine, un peu de bonne volonté, mais l’ambiance coopérative s’y prête.

En atelier, plus encore qu’en TI, l’élève est amené à rebondir sur les recherches personnelles de camarades d’autres classes. Il serait intéressant d’étudier de plus près la synergie entre expression personnelle et coopération, entre formation de soi et création collective, par exemple dans la production en équipe d’écrits, d’événements ou d’objets.

A la fin de chaque séance d’atelier, l’élève fait avec l’enseignant le bilan de son avancée. Nous voyons ici une fois de plus qu’un encadrement très serré mais bienveillant n’est pas antagonique avec le développement de l’autonomie de l’élève, au contraire (9) . Ensuite, la continuité du suivi repose, comme en TI, sur le tuteur, qui supervise les états successifs du travail de l’élève jusqu’à l’accomplissement de son projet.

Au total (TI + ateliers) un nombre d’heures important est consacré au travail autonome tutoré. C’est plus que le saupoudrage de travail autonome qu’on peut réaliser dans l’enseignement traditionnel. Davantage, c’est une inversion du rapport entre le travail autonome et les cours. En effet les cours en classe entière se construisent en grande partie comme une reprise par l’enseignant et une mise en commun dans la classe entière de ce que les élèves ont déjà élaboré en autonomie dans les séances de TI et d’atelier.

Ce que deviennent les cours en classe entière

Dans les emplois du temps des élèves on a au CLEF une préférence pour les séances de deux ou trois heures, plutôt que d’une heure. Les séances longues donnent le temps de voir la complexité d’un domaine de connaissance, d’organiser le travail en commun, d’approfondir les questions. Mais dans le système traditionnel les élèves ont souvent des difficultés à maintenir leur attention, et s’ils ne sont pas motivés par le sujet les séances longues les assomment. Au CLEF cette difficulté apparaît moins car le cours part des objectifs de connaissances que se sont donnés les élèves, et de la mobilisation qu’ils ont enclenchée personnellement dans leurs recherches. Certes d’autres facteurs interviennent (niveau de l’élève, style de l’enseignant, nature de la discipline …) et il y a des connaissances qui s’acquièrent mieux si on en « remet une couche », même mince, plusieurs fois dans la semaine. Or au CLEF cela peut être fait en partie, et de façon plus souple, pendant les heures de travail autonome.

Le cadre réglementaire des cours est le même qu’ailleurs : une classe, un programme, un enseignant avec sa liberté pédagogique (il est libre du choix de ses méthodes, dont évidemment l’exposé magistral n’est pas absent). Néanmoins certaines pratiques sont typiques de la pédagogie Freinet. La « réunion de coopérative » hebdomadaire incite la classe à analyser et optimiser les cheminements de l’apprentissage collectif. Autre exemple, au début de la séance, des (ou un) élèves présentent une information de leur choix en rapport avec la discipline et elle est discutée par la classe pendant quelques minutes. Ce rituel est un entraînement à l’expression de l’individu face à ses pairs, un peu comme le « Quoi de neuf » en primaire, mais ici en rapport obligatoire avec les apprentissages disciplinaires. Il y a également une présentation par les élèves des travaux qu’ils ont menés à bien. On fait aussi le point sur les travaux en cours. Donc le cours rebondit sur les TI. Le cours au sens étroit du terme intervient comme « la part du maître », en explicitation et en complément des recherches autonomes des élèves. Le cours profite donc de l’implication, de la convivialité et du savoir que les élèves ont construits en autonomie et dans plusieurs groupes.

Cela dit, l’enseignant rappelle aux élèves de ne pas perdre de vue le programme, et comble par des cours les trous qui apparaissent dans le puzzle spontané des connaissances de la classe.

J’ajouterais qu’on peut imaginer des complémentarités très diverses entre le travail autonome tutoré et les cours : les élèves ayant besoin d’apports très individualisés peuvent les recevoir dans le cadre des TI. On peut aussi inverser l’ordre traditionnel entre cours et exercice, c’est la « classe à l’envers » : pendant une séance de TI les élèves peuvent travailler sur des documents papier ou Internet pour acquérir les connaissances de base sur un chapitre, et au cours suivant l’enseignant de la discipline apporte des explications complémentaires et fait faire des exercices d’application.

Démocratie participative et efficacité : la « réunion de coopérative »

Comparée aux « heures de vie de classe » pratiquées dans les autres établissements, cette instance est régulière, plus participative, plus méthodique. Outre le traitement des questions de timing, ambiance collective, conflits éventuels, elle orchestre la participation de chaque élève au travail de la classe. Par exemple comme on l’a vu elle est la première instance de discussion de la répartition entre les « ateliers » ; elle décide de la disposition des tables : par petits groupes, ou en U, etc. ; elle peut donner des responsabilités précises à des élèves, qui seront affichées dans la salle… C’est donc une instance d’autogestion et d’auto-pédagogie qui a de réels pouvoirs. Ainsi la classe est la cellule de base de la démocratie participative. Il y a là un pari sur l’efficacité par la démocratie. Toutefois le PP reste le garant des règles et aucune décision ne peut être prise sans son accord. Grâce au fonctionnement de cette instance les élèves sont bien formés à la conduite de réunion (prise de parole, règles démocratiques de répartition de la parole et de prise de décision, etc.) et savent prendre du recul face aux problèmes qui surgissent.

Tutorat, relation aux parents, évaluation, notation

Le tuteur et l’élève rédigent dans le cahier de TI un bilan de fin de quinzaine, sur lequel les parents émettent un avis par écrit. Cet échange est la base de leur coopération avec les enseignants par des mails et par des rencontres, toujours avec plusieurs enseignants à la fois. En général la méfiance ou la distance entre les parents des classes populaires et l’Ecole est une cause importante d’échec scolaire. Au CLEF c’est différent. A cet égard, même si les écrits sont une référence fondamentale, la qualité des échanges par la parole entre enseignants et parents est décisive, surtout pour les parents les plus éloignés de la culture écrite ; il serait intéressant d’étudier de plus près ce qu’il en est au CLEF.

En plus de ces travaux, les élèves du CLEF sont soumis comme ceux des autres classes à des devoirs sur table par discipline en temps limité, nécessaires pour l’entraînement en vue de l’examen. Une fois corrigés par l’enseignant ces devoirs sont retravaillés à la maison par l’élève. Là encore l’incitation au travail et à l’auto-perfectionnement est forte, et adaptée à chaque élève.

L’évaluation est constante, plus formative que normative. Il n’y a pas de notes. Les notes ne sont pas légalement obligatoires dans l’Education Nationale. Pour chaque travail d’un élève, les versions successives de l’oeuvre, puis le produit fini, donnent lieu à une appréciation écrite du professeur, qui donne des repères à l’élève pour la poursuite de ses apprentissages. Et chaque quinzaine les parents reçoivent un bilan. Le bulletin semestriel est plus étoffé que l’unique page en usage dans le système traditionnel : il comporte pour chaque matière une mention des travaux réalisés, validés ou pas, le bilan de chaque professeur de discipline, le bilan fait par l’élève lui-même, celui fait par le tuteur, enfin la synthèse faite par le PP de la classe. Les enseignants ont un rôle important de conseil à l’orientation, dans la continuité de leur relation avec les familles.

Pour le contrôle continu dans le cadre du brevet des collèges, pour les livrets de baccalauréat et pour les dossiers de poursuite d’études après le bac, les enseignants traduisent les appréciations de l’année dans chaque matière en une note sur 20 pour que les jurys puissent comparer le dossier avec les autres. Ces appréciations sont discutées avec les élèves ; ils acceptent en général la note chiffrée.

Une réponse à la phase critique du collège ?

Dans les faits, une partie des heures des élèves du CLEF sont des cours non-Freinet, avec des enseignants non-Freinet (c’est le cas pour les LV2), pour des raisons de répartition des services, ou parce qu’il n’y a pas assez de professeurs volontaires. La proportion est variable selon les classes, de l’ordre de 30% dans l’ensemble. Cela montre qu’une classe Freinet peut fonctionner dans le secondaire même si tous les professeurs ne sont pas Freinet. Pourrait-on imaginer aussi l’implantation de la pédagogie Freinet en position très minoritaire dans un établissement ordinaire, par exemple à raison de 30% dans une classe, ou trois demi-journées par semaine ? Pourquoi pas, mais il faudrait une bonne coopération avec les autres enseignants de sorte que l’implication des élèves dans le travail en Freinet ne soit pas relativisée ni distordue par les exigences de l’autre système.

Entre le CLEF et les autres enseignants du Collège et du Lycée de La Ciotat il ne semble pas y avoir beaucoup d’échanges pédagogiques, ce qui serait pourtant souhaitable. Comme le savent tous les enseignants du secondaire qui se sont posés la question, il est plus difficile de se mettre à la pédagogie Freinet dans le secondaire que dans le primaire (10) . Dans le secondaire, du simple fait du fractionnement en disciplines avec un enseignant par discipline (et le plus souvent pas d’enseignant jouant un rôle pivot, sauf peut-être dans les sections technologiques et professionnelles où une discipline est nettement prépondérante), un enseignant n’a de loin pas la même vision globale ni la même prise que dans le primaire sur la progression de chaque élève dans l’ensemble des matières, ni sur son vécu scolaire pris comme un tout, et encore moins sur la dynamique du groupe classe ; le contraste est fort avec le Professeur des Ecoles, qui suit les élèves d’une classe pour l’ensemble de leurs apprentissages (même si des collègues en assurent une partie), organise la vie quotidienne de la classe comme un tout, aménage l’espace de la salle, et peut observer l’ensemble des interactions entre les enfants en classe et en récréation. Dans le primaire un enseignant est suffisamment maître de sa classe pour pouvoir mettre en œuvre la pédagogie Freinet de façon cohérente, même s’il est le seul dans son école. (C’est toutefois devenu plus difficile avec la pression au formatage des élèves en vue des tests d’évaluation standardisés introduits sous la présidence Sarkozy). Dans le secondaire c’est impossible. Si quelqu’un connaît un exemple du contraire, tant mieux. Qu’il le dise.

Or au CLEF ce pilotage généraliste cohérent est assuré par le fonctionnement en équipe des enseignants de la classe, et plus encore par les tuteurs dans leur fonction de référent pédagogique principal et généraliste pour l’élève et sa famille. Et tous les enseignants sont tuteurs d’un groupe. Par le tutorat, corollaire du rôle fondamental du travail autonome en groupe, le CLEF comble le manque d’encadrement généraliste pédagogique des élèves dans le secondaire français, facteur de crise au niveau du collège. En France l’élève qui arrive en 6ème, après avoir été suivi chaque année par un référent central, le PE, est soudain confronté à une pluralité d’intervenants dont aucun n’a une responsabilité de suivi généraliste … ce alors qu’il s’engage dans des apprentissages plus difficiles qu’en primaire … et dans les orages de la préadolescence. Pour beaucoup, surtout si la famille n’a pas les ressources culturelles pour les encadrer, c’est le sauve-qui-peut, et le casse-pipe pour les plus fragiles. Au CLEF en revanche, quand l’élève arrive au collège le suivi personnalisé ne s’interrompt pas, il peut même s’améliorer car les défauts et qualités du tuteur sont contrebalancés par ceux des professeurs de la classe. On peut tirer de cette expérience une leçon générale (même sans adopter l’ensemble de la démarche Freinet) : la formule du groupe réduit avec un enseignant tuteur à l’année, pour des travaux individualisés prescrits par les enseignants des disciplines, sur des plages horaires assez importantes (obtenues par transfert d’une partie des horaires obligatoires des disciplines), est à l’évidence une bonne prévention de l’échec scolaire.

Autre obstacle à la pratique de la pédagogie Freinet dans le secondaire, les exigences du baccalauréat sont un horizon contraignant en termes de programmes, de types d’exercice, d’objectifs de réussite (les notes chiffrées, le calcul de la moyenne). Les élèves sont formatés à cela et il est difficile pour un enseignant isolé de vaincre leur résistance. Toutefois l’expérience montre qu’on peut satisfaire aux exigences de l’examen par la pédagogie Freinet moyennant quelques adaptations. Dans une expérimentation collective comme le CLEF cela est grandement facilité.

L’attitude générale des élèves

L’absentéisme est faible. Ici le collège ou le lycée n’est pas le lieu de l’ennui. Les élèves n’ont pas à attendre la récréation pour vivre la convivialité avec leurs copains ; au contraire la pédagogie coopérative utilise le désir de convivialité comme moteur dans les apprentissages. Les élèves ont envie de travailler. Leur estime de soi est en jeu dans la réussite de leurs projets. Les enseignants leur font confiance et en retour ils sont motivés par le souci de ne pas les décevoir. Dans le système traditionnel il est fréquent qu’un élève recopie au dernier moment le devoir d’un camarade. Dans le système Freinet, centré sur le travail personnel et l’auto-perfectionnement, cette pratique n’a pas lieu d’être. Dans le travail de groupe il n’y a pas beaucoup de tire-au-flanc. Dans un lycée ordinaire l’une des premières préoccupations dans la journée d’un élève est de savoir si un enseignant est absent, nouvelle souvent accueillie par une explosion de joie. Au CLEF quand les élèves apprennent qu’un enseignant est absent, il est fréquent qu’ils restent en classe d’eux-mêmes pour avancer dans les travaux qu’ils ont commencés. De même il n’y a pas de gros problèmes d’indiscipline ou d’incivilité. La règle d’extinction des téléphones portables est appliquée sans conflit. Les éventuelles sanctions disciplinaires sont semble-t-il pensées dans un esprit de réparation et d’intégration. Mais contrairement à d’autres expériences en Freinet ou en pédagogie institutionnelle, il ne semble pas qu’il y ait au CLEF une réflexion systématique sur un règlement disciplinaire ; vu le climat général ce problème ne se pose pas de façon pressante.

Le recrutement des élèves

Le CLEF recrute autant que possible le même public qu’un établissement secondaire ordinaire de secteur (… mis à part le fait qu’il ne propose pas de section technologique ni professionnelle, pour des raisons pratiques dues au fait qu’il n’y a qu’une seule classe. Cela ne veut pas dire qu’une expérience semblable serait impossible en lycée technologique ou professionnel). La Ciotat est une petite ville à la fois touristique et traditionnellement industrielle (chantiers navals). D’où une population diverse : classes supérieures et moyennes, ouvriers, travailleurs précaires. La ségrégation sociale en général et la relégation des pauvres dans des quartiers de type banlieue ne sont pas aussi graves que dans les grandes agglomérations. Le public scolaire est donc divers, et on sent moins la concentration d’élèves en difficulté que dans les quartiers nord de Marseille. Le recrutement au CLEF se fait sur lettre de motivation. Les enseignants s’efforcent de ne pas avoir trop d’élèves ayant déjà de bons résultats, ou à l’inverse étant en situation déjà difficile. Contrairement à certains autres établissement alternatifs, le CLEF n’est pas un havre pour élèves ne pouvant pas survivre ailleurs, ni une filière protégée pour enfants des classes moyennes intellectuelles, mais vaut comme une expérience en milieu ordinaire.

Toutefois, étant donné que c’est souvent une situation de difficulté scolaire vécue par leur enfant qui motive les parents à l’inscrire au CLEF, les classes comportent souvent dix à douze élèves présentant diverses formes de dyslexies, alors que selon les spécialistes le nombre d’élèves dyslexiques (détectés ou pas) est de l’ordre de deux par classe dans l’ensemble du système scolaire. Le CLEF porte une attention particulière (mais que l’on trouve aussi dans certains établissements non-Freinet) à la détection des dyslexies et à leur remédiation. Le fait que les chiffres de réussite aux examens soient comparables à ceux des autres classes témoigne probablement d’une efficacité spécifique face aux dyslexies. On peut se demander s’il en est de même face aux inégalités d’origine socio-culturelle, mais les enseignants ne signalent pas de différences notables sur ce point, et le nombre d’élèves passés par le CLEF dans les quelques années de son existence est peut-être insuffisant pour qu’on puisse déjà tirer des conclusions statistiques significatives des résultats aux examens. Encore moins sur les poursuites d’études et l’entrée des anciens élèves du CLEF dans la vie active.

Le métier d’enseignant au CLEF

En comparaison avec le système standard, les enseignants ont moins d’heure de cours stricto sensu en classe entière, et plus d’heures d’encadrement des élèves en travail personnel en groupe réduit. Au total ils doivent tous 21 heures par semaine, soit 3 heures de plus que le maximum de service statutaire pour un certifié, et 6 heures de plus pour un agrégé. Initialement cela a suscité beaucoup de réticences du côté syndical. Le suivi de l’expérimentation est intéressant, mais chronophage. Ajoutons que, vu la spécificité des horaires, l’équipe enseignante du CLEF doit en fait construire elle-même ses emplois du temps, ce qui demande du travail notamment pour faire les emplois du temps des collègues qui sont à cheval sur les deux systèmes.

Au niveau du travail enseignant proprement dit, la charge de travail en dehors de l’établissement est moindre pour la préparation de cours magistraux, mais plus exigeante pour le suivi de la progression des apprentissages. Il faut savoir intégrer les suggestions des élèves et répondre à leurs besoins sans perdre de vue le programme. Psychologiquement et professionnellement la relation de proximité avec les élèves et les parents donne du sens au travail mais est souvent déstabilisante ; il faut savoir la gérer. Mais l’enseignant du CLEF n’est pas seul face à ses classes, il y a une coopération concrète dans le suivi des élèves et beaucoup de concertation.

Au niveau didactique, alors que l’ICEM a élaboré beaucoup d’outils pour le primaire il en existe encore relativement peu pour le secondaire, les enseignants doivent donc les fabriquer eux-mêmes. De même ils ont dû élaborer des référentiels de compétences pour l’évaluation. La recherche documentaire sur Internet est importante. Donc le travail au CLEF est intellectuellement stimulant et professionnellement formateur, mais demande beaucoup d’investissement personnel. Le fonctionnement actuel de l’expérience comporte des facteurs de fatigue, qui mériteraient des aménagements : peut-être un allègement des procédures administratives, et sans doute une augmentation du nombre d’enseignants permettant une réduction du nombre d’élèves par groupe et une réduction du temps de travail.

D’un autre côté comme il n’y a pas beaucoup de problèmes de discipline, l’énergie des enseignants n’est pas accaparée par l’obsession de « tenir la classe ». Contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d’autres classes, le dynamisme des élèves fait que les enseignants sont moins souvent confrontés à des situations d’échec où l’on se sent démuni. Ils ont donc plus l’impression de faire un travail utile, scolairement et humainement. De même, l’ambiance de coopération et d’estime mutuelle entre élèves et enseignants est gratifiante. Même avec une charge de travail plutôt prenante, la forme d’organisation en CLEF est un facteur de bonheur professionnel. Ce succès peut servir d’exemple, sur des aspects fondamentaux du malaise actuel des enseignants du secondaire.

Un projet de film documentaire

Si des « CLEFs » étaient mis en place dans plusieurs académies (11) ils pourraient donner des idées pour une rénovation d’ensemble du secondaire, et tester des dispositifs plus divers que ce que peut faire une expérience isolée. Mais cela ne s’improvise pas. Il faut donc faire connaître l’expérience du CLEF et ouvrir la discussion sur les ressorts de sa réussite et les conditions de sa pérennisation.

Une réalisatrice (12), elle-même parent d’élève du CLEF, a mis au point le projet d’un documentaire. Projet pour lequel elle est à la recherche d’un producteur. Aucun doute, ce film répondrait à un besoin.

Joël Martine

Voir aussi :

Etre professeure documentaliste au CLEF

Le site du CLEF

L’actualité des classes

Notes :

1 Voir http://eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche7829.pdf ,

https://sites.google.com/site/cleflaciotat/ ,

et http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/documentation/Pages/2012/129_CDI_Rencontre.aspx : interview de Cathy Rigal par Julie Anne.

2 A la rentrée 2013 une filière Freinet a démarré en 6ème dans un collège public de Mons-en-Barœul.

3 J’ai recueilli les informations auprès d’enseignants du CLEF lors d’une présentation organisée par le groupe départemental 13 de l’ICEM en octobre 2013 à Aix-en-Provence, et lors d’entrevues avec Cathy Rigal, professeure documentaliste, et d’autres collègues, puis avec une mère d’élève, cinéaste, auteure d’un projet de documentaire sur cette expérience pionnière (voir ici, dernier paragraphe).

4 http://www.education.gouv.fr/bo/2005/18/MENX0400282L.htm

5 Voir vidéos http://www.actulaciotat-toutvisuel.fr/freinet.html .

6 Institut Coopératif de l’Ecole Moderne : c’est le mouvement Freinet.

7 TPE : travaux personnels encadrés, présents dans l’emploi du temps des classes de première des lycées ordinaires.

8 Il en va de même quand vous lisez les statuts d’une association (ou la description détaillée des institutions d’une société par un ethnologue) : ils apparaissent comme un ensemble de règles complexe voire sophistiqué qui semble difficile à suivre, alors que dans la vie, si l’association marche bien, ces règles servent tout simplement à organiser l’action de façon fonctionnelle, et sont souvent vécues comme des habitudes routinières, le plus important étant la réalisation des buts de l’association ; et il peut exister des associations sœurs ayant les mêmes buts mais des statuts différents.

9 C’est ce que montre aussi à grande échelle le bilan du système scolaire finlandais. Voir Paul Robert, La Finlande, un modèle éducatif pour la France ? éd. ESF.

10 voir http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/17272 .

11 Des projets de CLEF se sont fait connaître à Nantes : Www.projetcelestin.fr , et à Rennes : http://www.terristoires.info/societe/a-rennes-la-pedagogie-freinet-veut-se-faire-une-place-au-college-1536.html .

12 Chloé Ouvrard, déjà réalisatrice avec Pierre Barougier du film Désir d’école de France3 Méditerranée sur la classe Freinet implantée dans une école primaire publique de Ceyreste (à côté de La Ciotat) : http://www.amisdefreinet.org/cinema/desirdecole/index.htm et

http://www.film-documentaire.fr/D%C3%A9sir_%C3%A9cole.html,film,14487