Print Friendly, PDF & Email

Selon la Commission européenne, « entre 50 et 80 % des élèves des États membres de l’Union européenne n’utilisent jamais de manuels scolaires numériques, de logiciels d’exercices, d’émissions radiodiffusées ou de podcasts, ni de jeux de simulation ou didactiques ». Les enseignants du scolaire éprouvent « pour la plupart » des difficultés face aux outils numériques et ne se sentent pas « capables d’enseigner des compétences numériques de manière efficace ». Pour encourager l’innovation technologique dans les systèmes éducatifs, la Commission européenne a annoncé le 25 septembre 2013 la mise en place d’un nouveau programme, « Ouvrir l’éducation », pour encourager le partage de ressources éducatives libres (source AEF). Si la commission européenne met actuellement en place un nouveau programme autour des ressources éducatives libres, l’OIF (Organisation internationale pour la francophonie) se mobilise également autour des ressources éducatives libres avec l’ouverture d’un CLOM ( Cours en Ligne Ouvert et Massif) sur les ressources éducatives libres. Deux questions : Pourquoi s’intéresser aux REL ( ressources éducatives libres) ? Pourquoi ce CLOM autour des REL ?

1. Place et rôle des ressources éducatives libres

Les ressources pédagogiques se situent au cœur du métier des professionnels de la pédagogie que sont les enseignants et elles impliquent la mobilisation de compétences dans le cadre de l’exercice de leur métier. Pour définir la notion de « ressource », nous pouvons utiliser la définition du dictionnaire Littré qui nous semble la moins ambiguë et la plus large possible : « une ressource est ce qu’on emploie pour se tirer d’un embarras, pour vaincre des difficultés (moyens matériels ou autre) ». Cette définition nous permet de dégager la place des ressources numériques pour les enseignants qui, les employant quotidiennement, peuvent « se tirer d’un embarras » en ayant accès à des contenus qui facilitent l’organisation des apprentissages, leur scénarisation en fonction des élèves et des programmes. Si les ressources sont au cœur du développement des compétences des enseignants, elles prennent leur sens et leur source dans un contexte d’usage, leur permettant de vaincre les difficultés relatives à la scénarisation et à la gestion des apprentissages. Elles sont au cœur du référentiel de compétences attendues des enseignants qui, désormais, deviennent des scénaristes et concepteurs de parcours avec des ressources numériques.

Si la ressource numérique tient désormais une place importante pour le travail quotidien des enseignants, sa ré-utilisation dans un contexte de classe, sa création, son partage et sa mutualisation nous incite à adopter des ressources éducatives libres (OER Open Educational Resources). La réutilisabilité des ressources, que cela soit une simple image est conditionnée par le respect des droits d’auteur.Toute ressource réalisée par un auteur lui appartient. L’auteur peut décider que sa ressource soit réutilisable, en lui attribuant une licence plus ou moins ouverte. Les licences creatives commons le permettent et sont une solution de choix pour le partage des productions éducatives sur Internet. La mise en place de licences libres favorise le partage, les échanges de contenus en ligne. Le concept de ressources libres se développe dans le domaine scientifique et dans le domaine de l’éducatif avec le développement des « OER » (Open Educational Resource) ou « REL » (ressources éducatives libres). Le terme «Ressources éducatives libres» a été adopté la première fois lors du Forum 2002 de l’UNESCO sur l’impact des logiciels de cours libres pour l’enseignement supérieur dans les pays en voie de développement. Pour l’UNESCO, les ressources éducatives libres (REL) sont les matériaux digitalisés offerts librement pour que des éducateurs, des étudiants et des apprenants les réutilisent pour l’enseignement, l’apprentissage et la recherche. Les REL furent discutées lors du deuxième forum mondial sur l’Assurance qualité, l’accréditation et la reconnaissance des qualifications UNESCO en juin 2004. Les REL reposent sur des licences ouvertes facilitant le partage, l’adaptation des ressources en fonction des besoins des usagers. Les REL ont été définies comme des ressources d’apprentissage (logiciels de cours, modules de contenus, objets d’étude, soutien aux étudiant et outils d’évaluation, et comme communautés d’étude en ligne, des ressources de soutien pour les enseignants (outils pour les enseignants et matériels de support pour leur permettre de créer, d’adapter, et d’utiliser les REL), ainsi que comme matériaux de formation et autres outils d’enseignement. David Wiley insiste sur les 4Rs : Reuse, redistribute, revise, remix qui organisent le cycle de vie d’une OER. (1) Susan D’Antoni de l’OCDE dans son rapport met l’accent sur la place des OER dans les institutions qui doivent encourager et soutenir le mouvement OER. « Individuals and institutions interested in creating or adapting and re-using OER need support to help them develop their own capacity to do so. (D’Antoni,2008:17) (2). Stephen Downes souligne les bénéfices autour de modèles intégrant les OER (Downes,2007) (3).

Depuis, la Déclaration de Paris sur les REL 2012 a été officiellement adoptée lors du Congrès mondial des Ressources éducatives libres (REL) qui s’est tenu au siège parisien de l’UNESCO du 20 au 22 juin 2012.

2. Un CLOM ( Cours en Ligne Ouvert et Massif) sur les ressources libres

Le cours en ligne ouvert en massif (CLOM) REL 2014 – Pour une éducation libre est une initiative de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Le cours porte sur les ressources éducatives libres (REL). Il vise à éduquer tous les acteurs qui interviennent dans le cycle de vie d’une REL quant à sa nature, ses conditions de déploiement et les pratiques exemplaires qui l’entourent.Un MOOC ou d’un CLOM ( Cours en Ligne Ouvert et Massif) de l’Organisation internationale de la Francophonie portant sur les ressources éducatives libres (REL). Le cours a débuté le 3 mars 2014 et durera neuf semaines consécutives. Il y a plus de 900 personnes inscrites. Les participants peuvent encore s’inscrire.

L’inscription est à l’URL http://rel2014.mooc.ca/

La communauté Google se trouve ici.

Pour suivre les discussions sur Twitter : #CLOM_REL

http://mooc-francophone.com/mooc-rel-2014-pour-une-education-libre/

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) organisait, en février 2013 à Moncton au Nouveau Brunswick (Canada), un atelier d’experts internationaux des ressources éducatives libres (REL). L’une des recommandations de l’atelier portait sur la création d’un cours en ligne ouvert et massif (CLOM) pour éduquer tous les intervenants aux enjeux entourant les REL. L’objectif ultime est double. Il s’agit dans un premier temps d’augmenter la capacité francophone en matière de ressources libres pouvant être utilisées dans l’enseignement et l’apprentissage. L’objectif final demeure en lien avec le mandat de l’Unesco qui correspond à accroître l’équité, la pertinence et l’accès à une éducation de qualité pour tous. Agissant sur cette recommandation, l’OIF a demandé à M. Stephen Downes, chercheur au Conseil national de recherches Canada (CNRC) et co-auteur de la théorie connectiviste de l’apprentissage comme du concept de CLOMc, de piloter cette initiative libre et ouverte pour enseigner les REL par la prestation d’un CLOM. A l’occasion de la Semaine de l’apprentissage mobile 2014 à l’Unesco, Dan Wagner, pro-fes¬seur d’éducation à l’Université de Pennsylvanie, a mis en avant les avan¬tages des cours en ligne mas¬sifs et ouverts pour la for¬ma¬tion des professeurs. Relativement peu de choses ont encore été faites concer¬nant le déve¬lop¬pe¬ment pro¬fes¬sion¬nel des ensei-gnants et l’usage des MOOCs » : Dan Wagner, titu¬laire de la chaire UNESCO d’apprentissage et d’alphabétisation, affirme que les MOOCs consti¬tue¬raient un meilleur moyen de for¬mer les ensei¬gnants que le sys¬tème actuel. (4). Néanmoins, il faut noter qu’il y a un un énorme fossé entre les réseaux d’apprentissage connectiviste ouvert des cours CMOOC dispensés par des personnes comme George Siemens, Stephen Downes, et le modèle magistral plus traditionnel offert par Coursera (XMOOC).

Le CLOM repose sur un cours ouvert connectiviste qui insiste sur les échanges et les inteactions entre les participants, la production collaborative de contenus. Le concept de ce CLOM REL 2014 est de faire participer les apprenants autour d’un agenda ou un sujet comme l’usage de ressources numériques REL , leur place dans les apprentissages lors de la conception d’un parcours. Néanmoins, le fait d’avoir « un endroit » où les participants peuvent trouver des ressources et l’information ne suffit pas forcément pour apprendre. Ce sont les interactions des participants qui vont faciliter l’apprentissage. L’objectif du cours est de permettre des discussions sur le sujet, d’apprendre les bases de connaissances les uns des autres et de partager avec eux ce que vous avez appris.

3. Vers des pratiques éducatives libres

Dans une analyse des initiatives REL à l’échelle mondiale et financée par les pouvoirs publics et par des fondations, Stacey (2010) montre que les initiatives actuelles les plus connues en matière de REL mettent surtout l’accent sur la création et la publication de ressources éducatives libres. L’utilisation et la réutilisation demeurent encore trop sous-représentées, mais sont néanmoins au cœur de la pratique quotidienne des enseignants.

Le CLOM REL 2014 sera l’occasion de découvrir et comprendre la place importante des ressources éducatives libres (REL) dans la pratique quotidienne des enseignants pour une pédagogie ouverte, active et favorisant le développement des espaces d’apprentissage des élèves. Il est important de dégager la place, le nouveau rôle et les compétences de l’enseignant face aux REL et de prendre en compte les nouveaux modèles en pédagogie, tout particulièrement le connectivisme et la pédagogie inversée. Le concept des « pratiques éducatives libres » est important à l’heure actuelle. La notion de « pratiques éducatives ouvertes » (OEP : open education practices) défendue par l’initiative « OPAL» (5) apparaît désormais dans la communauté scientifique des chercheurs et vise à utiliser des OER en essayant d’améliorer la qualité de l’éducation et de formation en innovant les pratiques éducatives au niveau institutionnel, professionnel et individuel. Selon Conole et Fill, «en dépit de la pléthore de technologies de l’information et de la communication des outils et des ressources disponibles, les praticiens ne savent pas encore faire un usage efficace de l’e-learning pour enrichir l’expérience des étudiants ». (Conole & Fill, 2005:1) (6) La chercheuse Graine Connole de l’Open University UK, nous propose une méthodologie pour la conception de l’apprentissage dans un monde éducatif «ouvert» et insiste sur la nécessité d’une approche plus formelle, plus explicite de la conception de l’apprentissage intégrant les ressources numériques en facilitant la médiatisation de l’enseignement. Il est important de mettre en place des écosystèmes OER dans les systèmes éducatifs comme l’on déjà mis en œuvre certaines académies et d’évaluer les pratiques éducatives libres.

4. Pour une éducation ouverte libre

Le mouvement « Open Education » reposant sur le partage ouvert de la connaissance est de plus en plus présent sur internet et nous ne pouvons pas l’ignorer. Il pose de nouvelles questions sur l’économie de l’éducation. Selon les auteurs du livre Opening Up Education -The Collective Advancement of Education through Open Technology, Open Content, and Open Knowledge, les enjeux d’une éducation « ouverte », libre, accessible pour tous, posent une question essentielle : comment les outils, les ressources libres, les échanges de pratiques peuvent-ils améliorer la qualité de l’éducation ? Comme le précisait Claude Thélot (8), « les pratiques enseignantes, entendues comme l’ensemble des activités par lesquelles les enseignants guident et font travailler les élèves qui leur sont confiés pour leur faire acquérir les savoirs, savoir-faire qui constituent les objectifs de l’école sont actuellement très mal connues. Il faut développer et capitaliser les observations des pratiques des enseignants, les études et les recherches permettant d’en apprécier l’efficacité au regard des progrès et des comportements des élèves. Enfin, il faut organiser la diffusion des résultats des recherches sur l’efficacité des pratiques enseignantes et former et inciter les enseignants à s’en emparer, notamment lors de leur évaluation et de leurs formations initiale et continue, pour améliorer l’efficacité du système éducatif ». (Thélot,2004:10). L’ « Open Education » à travers la production et la diffusion de ressources ne serait-elle pas un passage obligé ?

Michèle Drechsler

Annexes

1) Wiley D.,2000, Connecting learning objects to instructional design theory: A definition, a metaphor, and a taxonomy. 2000. In D. A. Wiley, ed., The Instructional Use of Learning Objects: Online Version. http://reusability.org/read/chapters/wiley.doc Consulté le 01/06/2012

2) D’Antoni, S. 2008 Open Educational Resources. The way forward. geliberationsinternational community of interest. Paris: UNESCO International Institute of Educational Planning. Traduction : « Les personnes et institutions intéressées par la création ou l’adaptation et la réutilisation des REL ont besoin de soutien et d’aide pour développer leur propre capacité de le faire. Une des interactions de la communauté ont porté sur l’élaboration d’une ressource «Do-It-Yourself/Do-It-Together» qui pourrait servir de cette fonction ».

3) Stephen Downes, Models for Sustainable Open Educational Resources, National Research Council Canada -Interdisciplinary Journal of Knowledge and Learning Objects Voulume 3, 2007

http://ijello.org/Volume3/IJKLOv3p029-044Downes.pdf

4) Intervention de Dan Wagner, titu¬laire de la chaire UNESCO d’apprentissage et d’alphabétisation

http://www.vousnousils.fr/2014/02/27/moocs-formation-enseignants-552538

5) Projet OPAL : http://www.oer-quality.org/

6) Conole G and Karen Fill .,2005, A learning design toolkit to create pedagogically

effective learning activities. Journal of Interactive Media in Education (Advances in Learning Design. Special Issue, eds. Colin Tattersall, Rob Koper

7) Intervention Michèle Drechsler – Des ressources numériques pour apprendre : journées nationales pour l’innovation, UNESCO, 28 mars 2013 : http://fr.calameo.com/read/000302261019151a15e8c

Usage, création et partage de ressources éducatives libres Pour quels modèles de pratiques éducatives ? In MORELLI P.,PIGNARD-CHEYNEL N.,BALTAZART D.(coord.). Actes du colloque EUTIC 2012. Publics et pratiques médiatiques, Université de Lorraine, Metz, 17-19 octobre 2012, ISBN 978-2-7466_5447-1, page 365 à 376

8) Thélot A., 2004, le rapport Thélot – http://www.education.gouv.fr/archives/2003/debatnational, Consulté le 01/06/2012