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Est-ce un autre aspect du grand fossé entre les parents et l’Ecole ? Après des enquêtes mettant en évidence les violences, symbolique sou pas, entre l’Ecole et parents, un sondage réalisé auprès d’un millier de parents pour l’APEL, association des parents de l’enseignement privé, montre le poids des jugements scolaires pour les parents. Pour l’APEL, qui présentait cette étude le 13 mai, il faut renforcer les liens entre Ecole et familles. Y compris les liens numériques…

C’est une double dépendance envers l’Ecole que met en évidence l’enquête réalisée par l’Apel, association des parents de l’enseignement privé. Selon ce sondage, les résultats scolaires affecteraient directement l’image que les parents se font de leur enfant pour près de 9 parents sur 10. L’Ecole « pèserait lourd » sur la vie familiale, près de 6 parents sur 10 déclarant que les résultats scolaires les amènent à être pus sévères qu’ils ne le souhaiteraient. Pour un tiers des parents de collégiens, ils sont sources de disputes à la maison. On notera que les parents des ZEP, parfois décrits comme laxistes, tiennent encore plus compte des notes que les parents plus privilégiés du privé.

Second versant de cette dépendance, 58% des parents déclarent qu’ils ne sont pas consultés par l’Ecole comme ils le voudraient et la moitié qu’ils ne sont carrément pas assez écoutés par les enseignants. Un pourcentage équivalent s’estime mal préparé à devenir parent d’élève. « Chacun, parents et école, joue son rôle dans son coin et ça dessert les enfants », déclare Caroline Saliou, la présidente de l’APEL. « Pour l’enfant, il faut que le lien famille – école fonctionne mieux ».

A la veille d’un congrès où elle va demander sa réélection, Caroline Saliou est venue avec des propositions pour « accompagner le métier de parent d’élève« . Elle souhaite que soit formalisée par « un contrat éducatif de confiance » les engagements de l’élève, des ses parents et de ses enseignants. En même temps, elle affirme que « dans l’enseignement catholique, les parents sont écoutés. Notre voix est réellement prise en compte. Nous participons réellement à la vie des établissements ». Il est vrai que le nouveau statut de l’enseignement catholique prend en compte les parents, ce qui n’était pas le cas du précédent. Mais les parents de l’enseignement privé ne semblent pas partager la même opinion : selon le sondage de l’APEL, ils sont un peu plus nombreux à ne pas se sentir écoutés par les enseignants…

Autre proposition de l’APEL, « développer les environnements numériques de travail« . C Saliou en attend un meilleur accompagnement des élèves, particulièrement ceux en difficulté, et un dialogue plus facile entre l’Ecole et les parents. Les ENT sont développés de façon très variable selon les régions dans le privé. Dans le public, ils n’ont généralement pas réussi à créer de véritables réseaux sociaux associant enseignants et parents.

Est-ce pour renforcer la dimension numérique de ces propositions ? Marc Prensky, l’auteur américain de la formule « digitale natives », est l’invité de l’APEL dans cette présentation et lors du congrès national. C’est une autre dimension de l’enquête qu’il souligne. Interrogés sur ce qui est important pour que leur enfant réussisse sa vie, les parents mettent en premier « l’apprentissage de la vie en société » et en dernier « la créativité » et la « capacité à travailler en collaboration ». Pour Marc Prensky, les parents ont tout faux. Ce sont précisément ces deux dernières qualités qui peuvent faire réussir un enfant. Le congrès de l’Apel sera animé…

A sa façon, le sondage publié par l’APEL éclaire d’autres enquêtes qui établissent les relations difficiles entre l’Ecole et les parents. En 2013, deux enquêtes réalisées par Georges Fotinos ont mis en évidence des tensions qui pourraient s’expliquer par les attentes des parents. La première enquête a touché 3 300 directeurs d’école grâce au relais des trois syndicats du primaire. 1 885 personnels de direction ont participé à la seconde par l’intermédiaire du Snpden, syndicat ultra majoritaire des chefs d’établissement. Les deux enquêtes révèlent une violence symbolique, ou pas, importante entre les responsables des établissements scolaires et les parents d’élèves. Ainsi 32% des personnels de direction et 23% des directeurs d’école ont été insultés en 2013 par des parents. 46% des chefs d’établissement et 40% des directeurs se disent harcelés par des parents, respectivement 36% et 27% ont reçu des menaces. Au total 73% des personnels de direction et 56% des directeurs ont eu des différents avec des parents. Mais la violence, symbolique, est aussi dans l’autre sens : 65% des chefs d’établissement du secondaire et 40% des directeurs d’école nient toute représentativité aux élus des parents d’élèves. L’APEL a sans doute raison d’essayer de construire la confiance. Le public pourrait y réfléchir.

François Jarraud

Le sondage

Le grand fossé entre l’Ecole et les parents