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La nomination de Najat Vallaud-Belkacem a pu surprendre : on pariait sur des figures plus classiques de la gauche. Ministre du Droit des Femmes et porte-parole du gouvernement Ayrault, confirmée dans son Ministère par Manuel Valls, elle a manifesté sa détermination politique, s’imposant sans insolence dans des dossiers aussi controversés que les ABCD de l’égalité. Ferme sous les critiques, elle a manifesté son attachement aux valeurs républicaines dont l’Éducation a plus que jamais besoin. Mais devant les difficultés qui l’attendent, Najat Vallaud-Belkacem (NVB) devra faire preuve d’une autre efficacité : réforme des rythmes, refondation de l’École engagée par Vincent Peillon et laissée en l’état par son successeur, malaise des enseignants désabusés, défiance et colère des parents, autant de défis qu’il faudra relever sans erreur. Baptême du feu qui peut valoir à NVB une nouvelle envergure politique ou un cuisant échec.

Lutter contre le défaitisme

Diplômée de l’IEP de Paris, licenciée en droit public, Najat Vallaud-Belkacem, née au Maroc en 1977, mène sa carrière comme autrefois ses études sans s’émouvoir d’une appartenance minoritaire qui pourrait lui faire obstacle ou lui servir d’étendard. Dans l’interview qu’elle a accordé au Café en novembre 2013, elle affirme n’avoir jamais subi le poids des discriminations et s’agace de toute assimilation de son cas personnel à des problèmes de minorités. Sa position, sur ce point, est claire : la politique n’est pas une affaire de sentiments personnels. Quant à sa nomination à l’Éducation, faut-il y voir un parachutage de conjoncture ? En novembre dernier, alors ministre des Droits des Femmes, Najat Vallaud-Belkacem exprimait des idées assez tranchées : former les enseignants, lutter chez eux contre les stéréotypes qui entérinent les discriminations, sortir du présupposé de neutralité de l’école pour pointer les dysfonctionnements réels, mais aussi exiger beaucoup des enseignants qui, disait-elle « ont de l’or entre les mains ». Une attitude plutôt volontaire, en recherche de solutions concrètes et pragmatiques, qui va désormais devoir se traduire par des décisions effectives.

Débarquement dans un champ de mines ?

Reste à découvrir comment le style déterminé de la ministre trouvera sa place dans le monceau de dossiers épineux qu’elle trouvera rue de Grenelle. La réforme des rythmes scolaires fait encore l’objet d’oppositions fortes dans certaines communes, le projet Peillon de refondation de l’école, dont on a pu se demander un temps s’il n’était pas suspendu sine die, devra être repris et conduit à terme. Les attentes de la communauté enseignante ne pourront pas être déçues sans conséquences, sur ce terrain. Les JRE (Journée de Retrait de l’École) ont laissé des traces dans les esprits et l’image de la Ministre est fortement liée aux ABCD de l’égalité, dont la suppression n’a guère été appréciée par les acteurs de l’école, qui y ont vu un gage accordé aux contestataires de la laïcité. L’incertitude pèse lourdement, quant aux missions et aux fonctions de l’école : le débat sur l’enseignement laïque de la morale a abouti à un projet sans grand éclat, les inquiétudes liées aux résultats PISA n’ont pas trouvé de traductions concrètes, les attentes croissent à l’égard de l’école en proportion inverse de son discrédit dans l’opinion, le manque de reconnaissance des enseignants plombe les débats, l’institution balance entre décisions réformatrices et paralysie liée au contexte économique et social. La ministre, dans ce contexte de crise, n’aura aucun délai pour faire la preuve de sa capacité à relever la situation.

A quoi faut-il s’attendre ?

Lors de l’entretien accordée au Café en novembre dernier, Najat Vallaud- Belkacem se révélait très prudente dans ses discours, mais aussi très déterminée dans ses objectifs, préférant l’analyse technique et les plans concertés plutôt que les effets d’opinion. Son intérêt pour l’école pouvait déjà laisser penser qu’elle envisageait le poste alors occupé par Vincent Peillon. Ses valeurs de prédilection, égalité, mixité, laïcité, réussite pour tous, sont parfaitement conformes aux objectifs de l’école. Reste à proposer une stratégie efficace qui remette la machine éducative en route sans trop en bousculer les acteurs déjà éprouvés par les changements successifs. Face à la crise, on attendra de la ministre une réelle orientation d’avenir, dont il n’est pas certain qu’elle ait pu mûrir le projet. Le choix de nommer Najat Vallaud-Belkacem à la tête de l’Éducation nationale traduit le souci d’assurer un statu quo équilibré dans les politiques éducatives. Mais la Ministre devra rapidement s’extraire des positions calibrées et des propos cadrés qui caractérisent son style, si elle veut réussir à redresser la machine fatiguée qu’on lui confie, sans susciter la fronde.

Jeanne-Claire Fumet

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