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Ce sera sa signature à l’Education nationale. Najat Vallaud-Belkacem veut améliorer les relations entre les parents et l’Ecole. Mais que sait-on de l’état de ces relations ? Et des voies pour les améliorer ? Le ministère est-il à même de modifier les mentalités ?

Deux travaux permettent de faire le point sur cette question. Le grand fossé entre l’Ecole et les parents a parfaitement été illustré par les travaux de Georges Fotinos. Il a révélé par exemple que 32% des personnels de direction et 23% des directeurs d’école avaient été insultés au moins une fois par des parents dans l’année 2013. 76% des personnels de direction et 56% des directeurs ont eu des différents avec des parents. En même temps deux chefs d’établissement sur trois et 40% des directeurs d’école déniaient toute représentativité aux élus des parents d’élèves.

Le rapport de la Mission d’information sur les relations entre l’Ecole et les parents, publié le 10 juillet, a fait le point sur la situation. La Mission aligne aussi des chiffres plus positifs. 67% des parents font confiance en l’Ecole, 79% jugent positivement l’école maternelle et 68% l’école élémentaire. Il n’empêche la défiance est installée, juge la rapport, entre les deux parties. Et le rapport liste les « irritants », les facteurs qui alimentent cette défiance : les problèmes de carte scolaire (un tiers des réclamations des parents chez la médiatrice), l’accueil des jeunes handicapés, les devoirs à la maison, les sanctions et al discipline, les pratiques pédagogiques.

La distance est particulièrement grande avec les familles les plus populaires. « Le rapport avec l’école des parents issus des milieux populaires ou vivant dans la grande pauvreté peut être empreint de méfiance, apprise ou « héritée », voire de rejet. Cette attitude explique « l’absentéisme » de ces adultes dans la vie des établissements », notent les rapporteurs Xavier Breton et Valérie Corre. « On ne peut donc parler, dans ces différents cas de figure, comme on l’entend parfois, de parents « démissionnaires », mais, comme l’a fait M. Jean- Louis Auduc, de « parents désemparés », voire « désespérés » ». Jean-Yves Rochex montre aussi la dimension pédagogique de cette défiance. « La pédagogie mise en oeuvre à l’école repose, depuis plusieurs années, sur le questionnement, l’argumentation et une certaine forme d’autoapprentissage : « L’acquisition des savoirs importe moins que l’appropriation par les élèves, dans un contexte d’apprentissage autonome, des moyens de construire le savoir ». Les méthodes en vigueur présupposent donc que l’enfant qui débute sa scolarité est d’ores et déjà « préparé » à cet environnement pour reprendre l’analyse de M. Jean-Yves Rochex. Tel est le cas des enfants des classes moyennes, qui ont appris, grâce à leur éducation, à soutenir leur propre point de vue et à construire leur propre raisonnement. Les enfants issus des milieux populaires, en revanche, ne disposent pas toujours d’un tel « outillage » et se retrouvent, par la suite, souvent « confrontés » à des enseignants qui, faute d’avoir reçu une formation adéquate, n’ont pas toujours conscience de ces différences ».

La Mission a fait des préconisations qui associent des éléments organisationnels et pédagogiques. Une mesure a déjà été mise en application : la création d’une « semaine des élections » qui donne davantage de publicité aux élections des parents délégués. Le rapport souhaite une explicitation plus grande des attendus de l’Ecole. Il demande que les rencontres avec les parents soient pris en compte dans un aménagement des services des enseignants et dans leur formation. Enfin il souhaite la généralisation et l’extension aux classes charnières, de la « mallette des parents ».

Georges Fotinos avait fait d’autres propositions. Pour lui , la première étape serait de créer un statut du parent délégué d’élèves. En mars 2012, François Hollande s’y était presque engagé devant la Fcpe. La seconde proposition de G Fotinos s’inspire de trois expérimentations. Dans trois communes franciliennes, des instances locales partenariales et consultatives réunissant parents et enseignants ont été instituées dans trois collèges. Elles étaient chargées de suivre les problèmes de vie scolaire, de faire de l’éducation à l’orientation , d’imaginer des situations de co-éducation. Selon G Fotinos, ces « écoles ouvertes » aux parents ont été un grand succès. « J’ai été surpris par leur réussite », a-t-il confié au Café pédagogique. « A Champigny, parents et enseignants ont constitué une association qui s’est installée au milieu du collège. Elle a fait de la médiation avec les familles. Elle a organisé des moments d’éducation en commun enfants , parents et enseignants ». En un an, les conseils de discipline ont disparu. « Grâce à l’ouverture sur le quartier, on a vu venir au collège des familles éloignées de l’Ecole. Le dispositif n’a pas été monopolisé par certaines catégories sociales » nous a dit G Fotinos.

Mais c’est toute la culture de l’Ecole, depuis Jules Ferry, qui tourne le dos aux parents. Pour le moment, accepter la diversité de la cité dans le sanctuaire scolaire reste encore un défi. Peut-on décréter une révolution culturelle ? La question se pose déjà pour la réforme de l’évaluation…

François Jarraud

Le grand fossé

La mission