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« Depuis des mois il ne se passe plus rien ». Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden Unsa, le très majoritaire syndicat des personnels de direction, est remonté. Pour son syndicat, la tache des chefs d’établissement est alourdie du fait des carences des autorités aussi bien sur le plan pédagogique que de gestion. Le syndicat souligne à nouveau l’urgence d’agir sur le plan social et communautaire. Il signale aussi la montée des désistements chez les professeurs stagiaires.

« Un millier de jeunes sortis de l’école française et partis faire la guerre en Syrie, ça devrait faire réfléchir. C’est le plus fort contingent européen ». Pour Philippe Tournier, cette situation découle des carences gouvernementales. « Pendant qu’on ne fait rien, il ne se passe pas rien. Le communautarisme se développe », explique-t-il. Philippe Tournier mentionne ce que tout le monde voit mais devant lequel on se bouche les yeux rue de Grenelle. Le système scolaire est inégalitaire et les jeunes s’en rendent compte. Il évoque les lycées professionnels où on ne trouve que des élèves issus de l’immigration, en voie d’ethnicisation. Le Snpden avait présenté à la fin de l’année scolaire précédente un programme pour favoriser la mixité sociale dans les établissements.

Le centre ne répond plus

Ce n’est qu’un signal particulièrement visible des failles dans le management de l’éducation nationale, « un dossier qu’il faut ouvrir », dit-il. Il salue avec N Vallaud-Belkacem la 183ème ministre en 186 ans. Avec un tel rythme de changement « il ne se passe plus rien au ministère ». Résultat le centre délègue au niveau local la résolution des problèmes. Le Snpden ne manque pas d’exemples. Pour lui c’est ce qui explique le ressentiment envers les cadres observé dans différentes études depuis cet été.

Un exemple brûlant est donné par la circulaire sur les machines dangereuses. Pris pour protéger les élèves durant leur stage professionnel, le texte rend impossible l’organisation de l’alternance dans l’enseignement professionnel. « On fait donc prendre des risques aux chefs d’établissement », souligne P Tournier. « Le ministère ne fait pas le nécessaire.

Sur le plan pédagogique, les chefs d’établissement regardent avec ironie les initiatives ministérielles. « La question de l’évaluation bienveillante », la campagne lancée par B. Hamon, « est mal posée. Les enseignants utilisent les outils d’évaluation que le système leur donne et que les examens imposent, la note sur 20. Si le ministère veut que l’évaluation change qu’il commence par prendre ses responsabilités et changer les modes d’évaluation des examens ». P. Tournier n’a pas plus de charité à propos du plan numérique, la dernière annonce gouvernementale. « Les plans numériques sont comme les plans violence il y a 10 ans », dit -il. « On parle et en attendant il n’y a personne pour faire la maintenance ».

Une rentrée pas si facile que cela

La nouveauté de cette année ce sont les enseignants qui se désistent, explique le syndicat. A l’aide d’un sondage auprès de 3000 établissements, le Snpden a pu mettre en évidence que 60% des établissements ont au moins un poste non couvert. Dans 10% des collèges et 17% des lycées plus de 2 postes d’enseignants ne sont pas pourvus à la rentrée. Pour le syndicat ce phénomène prend de l’ampleur et résulte de la façon dont l’Education nationale recrute. Le Snpden estime que les jurys des concours de recrutement sont trop exigeants ce qui conduit à ce que tous les postes ne sont pas couverts. Mais il y aussi un autre phénomène. Des enseignants nommés ne rejoignent pas leur poste. Pour le Snpden un poste vide sur cinq provient de l’absence d’un stagiaire. « Le rapport au métier a changé avec la masterisation », estime P Tournier. De jeunes enseignants s’en vont sans prévenir quand on les déplace d’une région à une autre. Le salaire et la carrière ne sont pas assez attractifs pour que les nouveaux enseignants se cramponnent tous à leur poste.

D’où le leitmotiv du Snpden. Pour ces personnels de direction, il faut un véritable management de l’éducation nationale. Entre le ministère qui n’assume pas son rôle et les jeunes profs qui prennent le métier sous condition, ça ne tourne plus rond. Si la majorité des chefs d’établissement jugent que cette rentrée n’est pas pire que celle de l’an dernier, ils sont peu nombreux à penser qu’elle est meilleure que celle de 2013.

François Jarraud