Print Friendly, PDF & Email

 » Il ne suffit pas de filmer un enseignant pour faire un Mooc « . Pierre Dillenbourg, enseignant à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, a été un des conférenciers majeurs invités par l’IFLA le 20 aout. Cela a été l’occasion pour lui de présenter le compte rendu de ce que les MOOCs ont fait son établissement et ce que celui-ci en a fait. Avec habileté, humour, presque à la manière des conférences TED (c), le professeur Dillenbourg a emmené son auditoire dans une analyse sans complaisance, réaliste et distancée de ce phénomène médiatique.

Nous avons préféré, pour ce compte rendu, proposer une vision kaléidoscopique de cette présentation. Quelques réflexions et propositions captées au cours de son propos ont retenu notre attention, en voici la liste sous forme d’aphorisme ou affirmation :

  • « On peut changer la vitesse du prof » :
  • L’évaluation par les pairs (critériée et pondérée) est identique à l’évaluation par l’enseignant, et ça économise du travail.
  • Les Moocs sont davantage au service de la formation continue ou personnelle que de la formation initiale.
  • La durée d’assimilation des connaissances dans les Moocs varie… selon les utilisateurs, et la qualité des Moocs.
  • Les Moocs d’une université pourraient bien servir aux autres universités, il faudrait Moocifier Bologne…
  • Les Moocs ne sont pas une révolution pédagogique.
  • Seulement 10% des étudiants vont au bout et pas forcément ceux que l’on pense.
  • Beaucoup d’étudiants des Moocs sont surdiplômés par rapport au niveau visé par les Moocs.
  • Quand un Mooc marche bien, les enseignants vendent davantage les livres qu’ils ont écrit.
  • Quand, enseignants, je suis en cours une bonne partie des étudiants prennent du temps pour vérifier ce que je dis, pendant que d’autres sont sur leurs messagerie…
  • Les étudiants sont de moins en moins fidèles à leurs enseignants, ils veulent choisir ceux avec lesquels ils apprennent mieux.
  • La peur des étudiants était au départ de perdre le contact avec leurs enseignants, c’est l’inverse qui se produit, ils peuvent davantage questionner.
  • Les étudiants ont développé beaucoup d’attitudes collaboratives, allant jusqu’à suivre les Moocs en groupe, même dans l’établissement.
  • Certains enseignants ont préféré que les Moocs soient privés, du coup ce sont des Spocs, ainsi on ne les voit que de l’intérieur de l’établissement.
  • Le temps en groupe avec l’enseignant est ciblé sur les difficultés principales de compréhension (analysées auparavant dans les évaluations en ligne).
  • Il est important de protéger l’identité des étudiants (seul un numéro est accessible du dehors de l’établissement).
  • Il n’y a pas de généralisation des Moocs (pas à l’EPFL), mais peut-être faut-il aller vers des mutualisations entre universités.
  • Certains enseignants recommandent à leurs étudiants locaux de suivre des Moocs d’autres universités pour ensuite mieux travailler avec eux.
  • L’EPFL s’engage sur la mise en place de sous titrage en deux langues pour tous les Moocs (Français et Anglais).
  • L’EPFL développe de nombreux partenariats avec l’Afrique et elle adapte ses cours aux formes d’accès locales (problème de liaison Internet)
  • Même à l’EPFL il y a de bons Moocs et de mauvais Moocs…

Cet inventaire, presque chronologique des éléments signifiants de la conférence de Pierre Dillenbourg, est particulièrement intéressant car il montre que loin des agitations médiatiques, il y a de vraies questions qui se posent. Il ne suffit pas de filmer un enseignant pour faire un Mooc, il y a une ingénierie particulière à mettre en place qui articule plusieurs modalités (vidéo, textes, forums, auto-évaluation ect…). Si l’on croit qu’il s’agit d’une révolution, on se trompe nous rappelle P Dillenbourg. Il s’agit simplement d’amélioration de certaines formes de l’enseignement qui doivent aider les étudiants à aller vers la meilleure qualité d’apprentissage.

Le processus d’analyse scientifique de ce qui se passe à l’EPFL montre l’importance qu’il y a à mener de telles observations. L’enjeu de fond, c’est la qualité et non pas l’image de marque. L’autre enjeu de fond, c’est d’utiliser au mieux certaines formes actuelles d’accès à l’information pour développer l’enseignement. La vidéo en est une parmi d’autres, mais il ne faut pas faire cela n’importe comment.Comme il le rappelait, avec un livre aussi on peut faire des Moocs…

Bruno Devauchelle

Le programme de l’IFLA

Sur le colloque IFLA