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Le primaire est-il un terrain d’instrumentalisation moins difficile que le secondaire ? Claude Lelièvre pose la question au regard des initiatives des traditionnalistes lors des élections de parents d’élèves. Il situe les rapports de force au primaire entre associations. et rappelle que l’école a déjà connu des offensives comparables dans le passé.

Le primaire est-il un terrain d’instrumentalisation moins difficile que le secondaire ? C’est sans doute pourquoi l’accent est mis sur les élections de représentants de parents aux conseils d’école par les  »Vigi Gender » (ces parents dits  »vigilants » proches de la  »Manif pour tous ») comme par ceux dans la mouvance de Farida Belghoul qui s’est autoproclamée présidente d’une « Fédération nationale de parents engagés » (FAPEC). La co-fondatrice de la  »Manif pour tous », Béatrice Bourges a invité sur Twitter tous ses followers à adhérer à la  »FAPEC ». Et l’association  »Vigi Gender » appelle à se présenter à ces élections, non pas en créant des listes étiquetées  »Vigi Gender » , mais en existant sur des listes  »indépendantes » ( 600 parents d’élèves l’auraient déjà contacté pour cela).

Les fédérations nationales de parents d’élèves (dûment étiquetées) ont en effet des positions beaucoup plus solides dans le secondaire que dans le primaire si l’on en juge par la répartition des sièges attribués aux élections des 12 et 13 octobre de l’année dernière. La FCPE a obtenu 47% des sièges dans le secondaire contre seulement 15,5% dans le primaire ; et la PEEP 10% contre 2,5%. Soit, à elle deux, 57% dans le secondaire contre seulement 18% dans le primaire. La part des sièges attribués aux « associations locales non affiliées » est sensiblement de même ampleur dans le primaire et dans le secondaire ( 15% et 16,5%). En revanche, et c’est toute la différence, les « listes de parents non constitués en associations » ( dites de  »parents indépendants ») se taillent la part du lion dans le primaire (60% des sièges attribués) contre 18 % dans le secondaire. Et c’est bien elles qui sont ciblées ; et donc avant tout dans le primaire.

Il existe bien une troisième fédération nationale de parents d’élèves, l’UNAAPE (Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves). Elle a été créée en 1968, en réaction . Elle s’est distinguée dès 1973 par une campagne très active « contre la sexualité et la pornographie qui, après la politisation, s’implantent dans les lycées », comme par exemple lors de « l’affaire de Sceaux » qui a défrayé un temps la chronique. Un professeur d’un établissement public de Sceaux fait étudier à ses élèves de troisième « L’Arrache-Coeur » de Boris Vian. Les « associations autonomes de parents d’élèves » locales adressent à plusieurs centaines de parents une motion à signer où elles accusent nommément le professeur d’ « une tentative ouverte de perversion morale envers des enfants âgés de 12 à 15 ans, car  »L’Arrache-Coeur » est une caricature absurde de notre société, dont les valeurs morales sont tournées en ridicule et où les instincts les plus bas sont excités, le tout dans un langage ordurier avec de fréquentes descriptions pornographiques ».

C’était -déjà – des accusations dans le même type de domaine que pour les  »anti gender ». Mais c’était au niveau du lycée ; et sous une bannière étiquetée. Décidément,  »on n’arrête pas le progrès ». En tout cas, cette fédération nationale de parents d’élèves existe toujours, mais dans les  »marges » ( elle a obtenu 1,6 des sièges attribués aux élections de l’année dernière dans le primaire, et 2% dans le secondaire).

Claude Lelievre