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Qui, à la Réunion, n’a jamais rêvé de faire le Grand-Raid ? Et pourtant, cette épreuve également appelée « la diagonale des fous » porte bien son nom, tant la difficulté est grande ! Le Grand Raid c’est plus de 100 kilomètres sur des sentiers escarpés avec un relief très prononcé. Cependant, au collège Deux Canons à Saint Denis, un établissement ECLAIR, deux enseignants d’EPS Camille Dehais et David Reynaud se lancent dans cette aventure incroyable de réaliser la grande traversée de l’île quelques jours avant le départ du vrai Grand-Raid. Leur projet : « A chacun son Grand-Raid. J’ai traversé mon île à pied » témoigne une fois de plus du champ des possibles pour faire réussir les élèves et leur montrer qu’ils sont capables, ou en créole « nou lé capable ».

Pouvez vous nous parler de votre projet Grand raid ?

Nous partons du 12 au 19 Octobre 2014 sur l’ancien parcours du Grand Raid pour réaliser en 8 jours, 128 km et 6900 mètres de dénivelé positif. Au total, nous aurons 16 collégiens, âgés de 11 à 15 ans qui vont se lancer dans ce projet « fou » de traverser l’île à pied. C’est effectivement le nom que l’on donne au Grand-Raid ou « Diagonale des fous ». Cette épreuve qui, il y a une dizaine d’années, se déroulait sur 110 km, se déroule désormais sur 163km et presque 10 000m de dénivelé positif, et traverse l’île en passant par ses « pitons, cirques et remparts», qui sont désormais inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Alors, au moment même où les 2 200 concurrents vont s’élancer sur cette traversée, il nous a semblé intéressant de s’inscrire dans cette épreuve internationale et dans cette culture locale.

Pourquoi ce choix ?

L’idée était au départ de sortir ces élèves du contexte « scolaire » et du lieu « collège » avec lequel ils ont tant de mal ! A travers l’activité randonnée, nous pensions pouvoir leur faire comprendre les valeurs d’entraide, de partage, de goût de l’effort qui est si difficile à faire passer. Même si ces élèves sont plutôt sportifs, la plupart ont souvent de réelles lacunes scolaires.

Nous avons donc commencé par monter l’an dernier l’Association Sportive randonnée avec une sortie par mois sur les sentiers de la Réunion, avec des élèves aux profils très hétérogènes, rarement sortis de leur quartier et avec une méconnaissance quasi totale de leur île et de l’activité randonnée mais également des valeurs qu’elle peut véhiculer.

Au départ nous n’avions pas l’idée de faire un grand raid, mais lorsque nous avons vu le changement de comportement des élèves et de leur engouement pour ces sorties « en dehors des sentiers battus », on s’est dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire pour marquer un tournant « définitif » dans leur façon de penser l’échange, l’effort, etc. Nous avons donc lancé le pari un peu fou de partir avec eux sur l’ancien parcours du grand raid en 8 jours.

Vous pensez que c’est réalisable ?

C’est vrai que notre parcours est difficile et bien long (128km et 6900 D +), il nous parait ambitieux mais pas impossible. Evidemment, vous imaginez bien que nous avons préparé le terrain pendant plus d’un an, à former nos marmailles (terme que nous utilisons régulièrement à La Réunion) aux différents aspects de cette performance ! Tout d’abord, avant même le projet grand raid, l’apprentissage de la randonnée, de l’importance de l’allure, de la respiration, mais aussi la capacité à résister aux situations désagréables de fatigue et évidemment de l’alimentation en conséquence.

Par exemple, nous sommes passés d’élèves qui avaient par le passé l’envie d’abandonner, de s’arrêter, à des élèves qui savent que le corps peut avoir des hauts et des bas et qu’en réduisant légèrement son allure ils pouvaient comme ils disent « se refaire ».

Ensuite, nous avons réalisé un gros travail pour préparer spécifiquement cette randonnée à travers le parcours et les 8 journées de randonnée, la lecture des cartes, la gestion de la météo, jusqu’aux questions relatives à la préparation de son sac. Soulignons surtout que nos élèves ont réellement changé. Ils sont passés d’une logique individualiste à une logique d’entraide. Par exemple, sur la question du sac, les meilleurs portent les affaires des plus lents, les attendent, les encouragent. Rien que sur ce point, c’est vraiment une réussite de les voir agir ainsi. Egalement d’une logique purement « consommatrice » de randonnée et donc désintéressée par le travail en amont, à une logique plus globale (préparation physique, réunion, itinéraire) sans laquelle la réussite de notre projet n’était pas possible. Mais, nous le savons bien, la difficulté sera sûrement la longueur du parcours, l’enchaînement d’efforts et l’éloignement de leur famille.

Le plus dur reste donc à venir ?

Et bien, selon nous, non. La plus grande difficulté est bien dans le montage du projet et dans le travail nécessaire en amont. Nous étions encore en train d’essayer de résoudre des soucis d’équipements des élèves la semaine dernière. Mais nous tenons à souligner, ici, le soutien et l’aide importante de la part de la direction de notre établissement. De plus, nous serons accompagnés sur certaines étapes par des parents d’élèves. Là encore, certains parents que nous avions des difficultés à rencontrer, à voir, sont de plus en plus présents et permettent de tisser des liens qui, sans aucun doute, seront une base importante à la réussite future des élèves. Si nous avons évoqué le rôle de notre direction et des parents d’élèves, il est essentiel de remercier également le travail de l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) par la personne de Geneviève Barthere qui nous a accompagné pour permettre que ce projet se réalise. De plus, soulignons également le partenariat réalisé avec l’organisation du Grand Raid. Ce partenariat sera finalisé par la participation des élèves au grand raid pour accompagner les derniers raideurs sur les 15 derniers kilomètres du parcours et aussi en tant que bénévoles, et nous tenons évidemment à les remercier. D’ailleurs, nos élèves auront également les tee-shirts, casquettes, et médailles du Grand-Raid comme pour le grand ! Là, encore, nous tenons à remercier l’ensemble des acteurs. Notre projet a été retenu par l’APPELS (agence pour l’éducation par le sport) et leur slogan « fais nous rêver » qui correspond exactement à l’idée de notre projet, et nous passerons début décembre devant un jury régional.

Propos recueillis par Antoine Maurice

Un reportage sur le projet

Le site du collège Deux Canons

Le site du Grand Raid