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Environ 300 personnes ont assisté le 11 décembre à la première journée de la conférence nationale sur l’évaluation. Tout au long de la journée se sont succédés spécialistes et équipes pédagogiques devant le jury de 30 personnes réuni par le ministère. Toutes les interventions vont dans le même sens : démontrer la nécessité d’appliquer une nouvelle évaluation tenant compte des compétences et bienveillante.

La note tue l’apprentissage

« La note est liée à l’idée du classement dans un système scolaire construit par en haut pour créer une élite ». L’historien Antoine Prost a ouvert la journée en remettant la réflexion de la conférence dans l’histoire de l’évaluation dans l’Ecole française. Dans le secondaire, il explique que la note a été inventée à Polytechnique début 19ème siècle pour assurer e classement des élèves. Elle est ensuite passée par les clases prépas et les classes supérieures du lycée pour arriver ensuite dans les classes du début du secondaire. En 1890 un arrêté impose la note sur 20 pour les compositions dans tout le secondaire. Dans l’enseignement primaire elle n’existe jusqu’aux années 1950 qu’au seul certificat car l’école primaire n’a pas à sélectionner. Pour A Prost, actuellement on « secondarise le primaire alors qu’il faudrait primariser le secondaire ». A Prost juge « immorale » l’évaluation de l’apprentissage. « La note tue l’apprentissage », affirme-t-il. Il invite à bien distinguer apprentissage et évaluation finale.

67% des élèves ont peur des notes

Agnès Florin rend compte de ses travaux sur le rapport entre évaluation, estime de soi et réussite scolaire. Dès la maternelle, en moyenne section, explique-t-elle, les enfants sont capables de classer les élèves en fonction de leur réussite scolaire. Des évaluations négatives affectent le rapport à l’enseignement. Ca décourage. Au final l’enfant anticipe son échec et ça conduit au décrochage. Mais l’évaluation affecte la personnalité entière et le rapport à la vie.

La question de confiance

André Antibi, inventeur de l’évaluation par contrat de confiance (EPCC) était le principal invité de l’après-midi. Mais finalement son temps de parole a été très encadré par des intervenants invités par les organisateurs. Un IEN a ainsi expliqué que « toute sa circonscription a développé une culture commune de l’évaluation » grâce à l’EPCC « généralisée » grâce à lui. Les résultats seraient excellents. « Quand le contrat est explicite mécaniquement les élèves travaillent plus. L’élève qui ne réussit pas c’est qu’il ne travaille pas ». Une affirmation que André Antibi a relevé en expliquant que l’EPCC « ne fait pas de miracle » et qu’il reste 10% d’échec.

Pour C. Massicot, conseillère pédagogique, la mise en place de l’EPCC a mis l’évaluation au coeur des pratiques pédagogiques et a posé la question de la confiance entre professeurs et élèves ainsi qu’entre l’école et les familles. Les élèves apprennent grâce à l’EPCC a réfléchir sur ce qui les fait réussir. L’inspectrice générale B. Bajou souligne la responsabilité de l’institution. « La liberté pédagogique ne suppose pas ne pas respecter les consignes », affirme-t-elle. A Antibi souligne la perte de confiance entre enseignants et parents mais aussi entre enseignants et décideurs.

Vers la réforme du bac

Pour Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, « il y a un vrai besoin de modifier les pratiques d’évaluation ». Interrogé par le Café pédagogique, il estime qu’il y a « un moment historique et propice qui pourrait nous permettre d’avoir un système d’évaluation plus performant et qui serve la réussite des élèves. On ne peut pas réfléchir au socle commun sans penser l’évaluation ». Le CSP a fait des propositions pour le brevet. « On continuera à le faire en tenant compte de cette conférence », prévient-il. « C’est dans la fonction du CSP de s’intéresser au bac. Le CSP peut s’auto saisir. On a l’intention d ‘aborder le lycée et le bac dès l’année prochaine. On le fera en conformité avec le socle commun ».

Vers une nouvelle évaluation

« Quelque chose doit changer dans l’évaluation des élèves pour être à la hauteur des enjeux de l’Ecole ». En ouvrant la conférence , F. Robine, directrice de l’enseignement scolaire, a rappelé les exigences de la loi de 2013. La loi d’orientation impose une évaluation plus positive et encourageante pour les élèves. « Les moyennes de moyennes doivent être interrogées » mais « il faut éviter les usines à gaz dont les équipes ne peuvent s’emparer », allusion feutrée au livret personnel de compétences. Ainsi profile-t-elle une réforme de l’évaluation qu’elle annonce « courant 2015 ». La seconde journée de la conférence d’évaluation devrait continuer à appuyer ce projet.

François Jarraud