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« Le consensus existe déjà ». La conférence sur l’évaluation était à peine commencée le 11 décembre au matin qu’un membre du jury de cette « conférence de consensus sur l’évaluation » annonçait publiquement la couleur. La conférence ministérielle ne cherche pas à comprendre mais à convaincre. La volonté de changer l’évaluation s’y affiche et les mesures sont clairement annoncées. La conférence sur l’évaluation n’a rien d’une conférence de consensus.

L’Ecole a déjà connu une « conférence de consensus » sur l’évaluation. Organisée en 2011 par les IUFM franciliens, elle a réuni une journée entière des spécialistes qui se sont affrontés sur des questions. Ils se sont affrontés sur le processus de construction de l’évaluation, sur la part de subjectivité dans l’évaluation, sur les valeurs sous jacentes dans l’évaluation. Ils se sont aussi opposés sur les questions du pilotage institutionnel et de l’accompagnement dans l’évaluation en montrant que la directivité peut avoir des effets positifs ou très négatifs. Marc Bru, président du jury disait que « la conférence a insisté sur la notion de processus conçue sous différents aspects (référentialisation, évaluation-reconnaissance, évaluation comme levier de professionnalisation, certification…). L’évaluation s’inscrit dans un temps, un contexte et est traversée par des enjeux parfois en tension. L’analyse de ce que l’on peut entendre par apprentissage et évaluation par compétences, montre bien que le consensus n’est pas général au sein du système éducatif et que les incantations, y compris les plus officielles, ne dispensent pas d’un travail de mise en confrontation par un dialogue ouvert qui peut trouver un de ses lieux d’existence dans la formation des enseignants ».

A l’évidence, ce dialogue ouvert est totalement absent de la « conférence de consensus » organisée par le ministère le 11 décembre. Certes il y a des experts. Certes il y a un jury. Mais il manque à la conférence l’essentiel : des questions et un débat.

Les interventions sont parfois très intéressantes, comme celle d’Antoine Prost. Mais toutes défendent la même thèse. A. Prost juge les modes d’évaluation actuels très pauvres et décourageants. A. Florin estime que l’évaluation actuelle fait des dégâts. Les praticiens de terrain invités ont tous abandonné l’évaluation traditionnelle pour s’inscrire dans le schéma de l’évaluation fixée par l’institution. Car, cerise sur le gâteau, l’institution a déjà établi dans la circulaire de rentrée ce que doit être la nouvelle évaluation. Entièrement composé par le ministère, le jury de la conférence est instruit à sens unique ce qui ne laisse aucun doute sur ses conclusions. Comme l’a si bien dit un membre du jury dès le 11 décembre au matin : « Le consensus existe déjà ! ».

Changer l’évaluation est nécessaire pour construire le socle. On n’imagine pas un socle accordé par une moyenne de moyennes. Il faut donc bien déconstruire l’idée de la moyenne. Changer l’évaluation peut-être une grande chance pour l’Ecole. Ce qu’a expliqué Agnès Florin, par exemple, quand elle montre les dégâts de l’évaluation actuelle, mérite d’être connu et compris. Les exemples d’actions sur le terrain montrent que la réflexion sur l’évaluation peut porter le changement. En acceptant de réfléchir à leurs modes d’évaluation, les enseignants se mettent en mouvement, construisent du collectif, une culture et une action commune. Et c’est cette dynamique là qui ouvre des perspectives à l’Ecole. Bien davantage que le changement d’évaluation stricto sensu.

Alors, si changer l’évaluation c’est changer l’école, peut-on réellement changer sans se questionner ? La conférence peut-elle vraiment totalement éviter le débat sur les valeurs qui portent l’évaluation ? Peut-elle espérer changer quelque chose sans se demander comment on change l’évaluation ? Réduite à un monologue, avec de bons moments de langue de bois, la « conférence de consensus » n’a semble-t-il pour objectif que de légitimer des instructions déjà écrites. L’expérience et la recherche montrent pourtant que ce pilotage par le haut de l’évaluation peut être le meilleur moyen de ne rien changer.

François Jarraud

La conférence de consensus de 2011

Les interventions lors de la conférence de 2011

Intervention le 4 juin

Hamon le 24 juin