Print Friendly, PDF & Email

« La laïcité aujourd’hui c’est la peur de l’Autre ! » Alors que la consultation sur le nouvel enseignement de la morale laïque et civique va commencer, la laïcité semble faire l’unanimité dans le monde éducatif. Valeur fondatrice de l’école publique elle semble une vérité indéboulonnable. Pourtant pour Béatrice Mabilon-Bonfils, sociologue Université de Cergy-Pontoise, et Geneviève Zoïa, anthropologue Université de Montpellier, la laïcité est devenue un écran qui empêche de voir les élèves, lire le monde et penser l’avenir. Dans un ouvrage extrêmement percutant, les deux auteures dénoncent l’hypocrisie du discours officiel de l’Ecole qui parle de laïcité mais s’accommode très bien de la ségrégation ethnique dans ses établissements. Pour elles la laïcité mis en pratique dans le système éducatif est devenue un obstacle à l’intégration.  » L’élève abstrait sans appartenance n’existe pas et l’injonction de laisser ses identités au portemanteau est irrecevable » explique Béatrice Mabilon-Bonfils. L’ouvrage fera polémique. Il veut nous mettre en garde et nous inviter à penser la nécessaire cohabitation des cultures.

Ce mois ci les enseignants vont être consultés sur le s projets d’enseignement de la morale laique et civique. Pour vous ce bruit entretenu autour de la morale laïque empêche de voir la ségrégation à l’oeuvre dans l’école, ce que Felouzis appelle « l’apartheid scolaire » ?

En tant que lieu cardinal de la citoyenneté, l’École de la République a historiquement travaillé à la construction unitaire de la citoyenneté française, conçue comme déni des allégeances particulières et comme topos fondateur de neutralisation des lieux et des milieux. Dans sa tradition jacobine, l’exception française commande l’allégeance des citoyens à la Cité et subordonne cette soumission au culte de la Raison universelle. Seul le citoyen est sujet de droit : citoyen abstrait dans l’unité abstraite qu’incarne la République. Unifiée et centralisée plutôt que la plupart des autres États européens, la France fut plus radicalement sécularisée et laïcisée ; elle développa par ailleurs des concepts novateurs comme les Droits de l’homme et du citoyen paradoxalement liés à l’équation État = Nation = Peuple faisant de la Loi un paradigme universel. Le citoyen y est l’homme d’un seul État, d’une seule foi : le républicanisme laïc et égalitaire. Le citoyen abstrait n’a ni âge, ni sexe, ni origine sociale, ni origine ethnique alors que la Révolution est à la fois française et bourgeoise. La conception française de la citoyenneté conduit non seulement à une sous-estimation de la vitalité des appartenances périphériques, qu’elles soient singulières ou collectives, mais aussi à la construction d’un habitus nationaliste républicain tendant à mettre hors-jeu tout autre mode d’identification. L’Ecole est au coeur de ce processus politique.

Elle est aujourd’hui confrontée à des demandes croissantes de pluralité culturelles et cultuelles et les valeurs centrales de cohésion – certes hégémoniques – qui construisaient hier le contrat-citoyen moderne sur une culture intériorisée et inclusive, conforme en cela à la raison des Lumières, sont aujourd’hui invalidées dans une Ecole qui non seulement ne parvient pas à fabriquer du Commun mais altérise ! Ce contrat reposait sur l’inculcation par l’Ecole, institution moderne par excellence, d’une république moniste, d’une citoyenneté abstraite moderne, dans un schéma porté par la laïcité et la méritocratie comme mythes fondateur.

Il s’agit d’éclairer les tensions entre la société multi-ethnique et multi-confessionnelle qu’est devenue la France , et les principes unitaires, supposés transcender les particularismes nommés « communautaires ». La « morale laïque » incarne la version maximale d’un État éducateur, contribuant à transformer l’école en un lieu central de défense, ou de résistance, devant les dérives d’une société malade. Au-delà de l’introduction de la morale laïque dans les curricula c’est la question du modèle français de lien social qui est soulevée. Lors de la campagne présidentielle de 2012, la laïcité fut revendiquée aussi bien par l’extrême droite que par la gauche socialiste, qui a souhaité l’inscrire dans la Constitution. En 2012, Vincent Peillon déclarait que « si la République ne dit pas quelle est sa vision des vertus et des vices, d’autres le feront à sa place » et que « la morale laïque, c’est comprendre ce qui est juste, distinguer le bien du mal », c’est permettre à « chaque élève de s’émanciper », de « s’arracher à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ».Plus d’un siècle après les lois d’obligation de l’instruction, ces déclarations se situent dans la pure ligne des pères fondateurs de l’école, dont Ferdinand Buisson. Que souhaitons-nous garder, transmettre, à travers les changements sociaux et culturels qui affectent la société ? Que signifie aujourd’hui adhérer à une morale laïque, quel sens prend en 2013 l’affichage, sur les murs des écoles, d’une charte laïque vécue dans des contextes sociaux sensibles comme une véritable provocation et comme un signe supplémentaire de l’écart entre idéaux républicains si facilement affichés et réalités des ghettos sociaux et scolaires ? Quels écarts entre les affirmations d’en haut et les expériences sur le terrain scolaire ?

Alors que le ministre de l’Éducation nationale introduit solennellement en 2013 la charte de la laïcité, le règlement intérieur d’un lycée de province (et probablement de beaucoup d’autres) comporte l’injonction suivante : « Les élèves doivent se présenter tête nue dès l’entrée de l’établissement». Une telle focalisation sur les couvre-chefs des élèves serait risible si elle n’était le témoignage d’une forme d’échec du projet politique de l’école républicaine : réduire les inégalités sociales grâce à un égal accès de tous à l’école. Un échec masqué par l’accroissement annuel du nombre de bacheliers, mais un échec réel : l’origine sociale pèse toujours autant sur les chances de réussite des élèves, PISA le rappelle régulièrement.

Dans ce contexte, l’apparition d’une charte de la laïcité libère une parole à l’encontre des groupes minoritaires en général, des musulmans en particulier. « À l’école de la République, on ne reçoit pas des petits musulmans, des petits juifs, des petits protestants, des petits agnostiques, on reçoit les élèves de la République sans considération de leurs appartenances », explique le ministre à BFM/RMC, omettant les catholiques, majoritaires. Prétendant « préserver les enfants des querelles d’adultes », il relance un débat que la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école, très majoritairement respectée par les jeunes filles voilées qui ôtent leur voile avant d’entrer dans les établissements scolaires, aurait pu clore.

Vous la présentez aussi comme un mensonge distribué d’en haut aux jeunes ? Et peut-être aux enseignants ?

En effet, les conditions de la mise en place du projet émancipateur républicain ont radicalement changé : alors que l’éducation civique ou morale de Jules Ferry se déclare à la fin du xixe siècle au service d’un projet de société accompagnant la construction de la nation, en appui sur des individus libres et exerçant leur pouvoir démocratique, aujourd’hui la promotion de cette « morale » se manifeste au contraire comme un remède, une défense crispée face à des « problèmes » : d’insécurité, d’incivilité, d’autorité, de « communautarisme »… Aujourd’hui, dans les espaces défavorisés et habités majoritairement par des publics descendants de migrants musulmans, en appeler sans cesse à la laïcité, à droite comme à gauche, au nom de la neutralité universelle républicaine, ne peut qu’entraîner de lourds sentiments d’injustice : c’est non seulement affirmer une conception particulière et majoritaire du bien, mais c’est surtout se mentir face aux échecs des politiques scolaires d’égalité depuis des décennies. Le projet républicain socialisateur et émancipateur est en crise : faut-il rappeler tous les indicateurs, régulièrement publiés sur les inégalités scolaires et sociales, qui témoignent de l’existence de discriminations devant le savoir, l’emploi, la participation sociale.

La charte de la laïcité introduite solennellement par le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon en 2013 et affichée depuis lors dans tous les établissements scolaires français proclame dans son article 12 : « Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. » Prenons au mot cet article et questionnons …la laïcité telle qu’elle s’est mise en place en France en repérant par exemple dans cet article que la défiance a priori s’adresse à l’élève inculpé a priori alors que le Conseil d’État a rappelé que les usagers du service public et les tiers à ce service ne sont pas soumis en tant que tels à l’exigence de neutralité, alors que les enseignants le sont en tant que fonctionnaires.

Les conditions de la mise en place du projet émancipateur républicain ont radicalement changé. Les cultures particulières acquièrent une légitimité nouvelle et le modèle durkheimien/comtien national s’essouffle trop pour s’imposer avec « la même bonne foi conquérante » selon le mot de Dubet. L’ancienne fonction d’intégration nationale ne suffit plus à fonder la légitimité de l’école : alors que l’éducation civique ou morale de Jules Ferry se déclare au service d’un projet de société, politique et culturel, la morale laïque d’aujourd’hui apparaît comme un raidissement devant des problèmes divers d’insécurité, d’autorité, de communautarisme, notamment envers la minorité arabo-musulmane. L’Ecole est supposée être un vecteur privilégié de cette construction commune. Or, L’idéal de la laïcité fondateur de la république française est aujourd’hui devenu prétexte à oblitérer toute prise en compte de la dimension politique de l’institution scolaire et dans l’imaginaire collectif français, la question ethnique refoulée fait aujourd’hui effraction. L’ « indifférence subjective » se nourrit d’une « différenciation objective » porteuse de discriminations ethniques et d’altérisation scolaire notamment portée par le traitement de l’Islam dans les manuels scolaires, qui peut être pensé comme violences sociale scolaire et symbolique à l’encontre des enfants arabo-musulmans.

Les professionnels du monde éducatif et scolaire sont alors invités d’un côté à déployer des efforts pour aller vers des parents que tout éloignerait de l’école (scolarité, capital culturel, quartier) et de l’autre à être les gardiens d’une neutralité que menacerait le « communautarisme musulman ». Au fond, parents et professionnels savent que les institutions, au premier chef l’école, n’appliquent pas les idéaux proclamés de laïcité, de neutralité et d’égalité et que l’école s’est construite dans le projet « d’arracher les enfants « aux influences délétères des familles en construisant un Savoir pour Une nation. Mais ce savoir ne fiat plus (pas) sens.

Or, dans l’ouvrage co-écrit avec ma collègue anthropologue, Geneviève Zoai, nous faisons l’hypothèse que raisonner en termes de droit, apporter des réponses légales ou institutionnelles face à la diversité culturelle et aux demandes qui en émanent, traduit une représentation crispée, achevée et défensive du bien public et nous considérons donc la laïcité comme caisse de résonance d’une difficulté structurelle du modèle français à intégrer le pluralisme. La promotion permanente du modèle républicain ne peut constituer une réponse pertinente aux évolutions sociales. Il serait temps de décrypter l’empreinte mentale, sociale et institutionnelle de l’élitisme républicain qui dessine la société comme une échelle à grimper. Dès lors, la question de la neutralité religieuse et politique de l’État républicain doit être posée publiquement, tant les dérogations à la laïcité sont nombreuses. La laïcité ce n’est ni la neutralité politique ni la neutralité religieuse comme nous le montrons dans notre ouvrage par toute une série d’illustrations concrètes.

Est-elle pour vous un frein à l’intégration ?

Notre hypothèse est que le principe de laïcité, si volontiers opposé en France, à droite comme à gauche, à l’ethnicité ou au communautarisme, loin d’être seulement procédural et relevant du droit, refoule en réalité aujourd’hui une dimension identitaire systématiquement déniée. Au-delà d’une logique anti-islamique qui anime réellement des interprétations de la laïcité, une sorte de panique morale, il faut rappeler qu’un combat contre les attachements inférieurs à la Raison, c’est-à-dire familiaux, communautaires, culturels (et pas seulement cultuels), inspire les valeurs républicaines laïques des débuts. Souvenons-nous des propos d’Alain :« La famille instruit mal et même élève mal. La communauté du sang y développe des affections inimitables, mais mal réglées. C’est que l’on s’y fie ; ainsi chacun tyrannise de tout son coeur. Cela sent le sauvage »

Le programme institutionnel laïque et républicain visait la liquidation d’un ordre de reproduction injuste, religieux, mais ce faisant, il s’est heurté à des obstacles nouveaux. L’idéologie laïque française est partie prenante de cette mécanique sociale Il est même possible d’aller plus loin et de se demande si la fonction latente du système n’est pas d’exclure …car pour qu’il y ait des inclus il faut bien qu’il y ait des exclus ! La réalisation de ce programme a libéré des exigences démocratiques, qui font apparaître de nouvelles inégalités. C’est dans ce cadre que les remises en cause de la laïcité nous semblent les plus violentes : le mensonge d’une neutralité, qui devrait protéger les individus des conséquences publiques de leurs affiliations respectives privées, qu’elles soient culturelles, cultuelles, sociales.

L’échec scolaire massif en France est d’abord un problème ethnique ou social ?

Quel que soit le niveau d’enseignement, et quel que soit l’indicateur choisi (taux de réussite à un examen, différences de compétences acquises, régulièrement saisies par les enquêtes nationales et internationales), les inégalités sociales et culturelles face à l’Ecole restent fortes. Ainsi, les résultats de la dernière enquête PISA indiquent que la France est l’un des pays où le milieu social exerce la plus grande influence sur le niveau scolaire des élèves, et où ceux qui sont issus de l’immigration sont au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves en difficulté. Ces derniers présentent, même à milieu socio-économique comparable, des scores inférieurs à ceux des élèves autochtones . Les deux types d’inégalités se conjuguent.

Certains n’hésitent pas à qualifier le phénomène de « ségrégation ethnique » . L’école ne se contente pas de subir la ségrégation urbaine et son évolution. Elle reproduit et fabrique elle-même de la ségrégation. Or, La composition sociale du public scolaire influence les attitudes et les comportements des élèves et des enseignants. Toutes les recherches empiriques confirment notamment que la quantité et la qualité de l’enseignement dispensé en classe sont modulées par la composition sociale du public. Le traitement formellement identique d’élèves d’origines culturelles et sociales plurielles produit des inégalités face à l’école, d’autant que l’uniformisation de la scolarité, initiée au collège par la réforme Haby du collège unique et l’ancienne carte scolaire, n’est qu’apparente ou au moins relative. Les classes de niveau , sont souvent reconstruites par le biais d’options ou de classes à projet et deviennent parfois des classes « ethniques » De plus, non seulement la carte scolaire reposait sur un découpage de quartiers eux-mêmes socialement ségrégués, mais les dérogations accordées par l’Education nationale aux familles étaient socialement discriminantes et renforçaient l’homogénéisation sociale des établissements, aidée en cela par la stratégie des parents bien informés. Il faut ajouter à cela la croyance relative aux origines ethniques de la violence scolaire et les effets de cette croyance sur les pratiques des enseignants et de l’administration, comme des parents d’élèves.

Que devrait faire l’Ecole pour construire une société où chacun aurait sa juste place ?

Changer la grammaire sociale de l’Ecole ! Aussi ambitieuses soient-elles dans les discours, on ne touche jamais à la « grammaire scolaire » de base : des classes constituées d’élèves répartis par groupes d’âge; un prof devant une classe qui agit en pleine autonomie une fois que la porte est fermée; des emplois du temps clos ; peu de collaboration entre pairs. Travailler autrement sur les programmes scolaires, repenser des valeurs collectives qui tiennent compte de la pluralité des appartenances et fassent place aux minorités, une ouverture à l’histoire globale , au projet, à la pluridisciplinarité, aux pédagogies alternatives, de vraies pratiques numériques , une autre architecture scolaire… Tout est lié . La forme scolaire contemporaine a fort peu changé depuis son émergence moderne.

Il faut d’abord poser les questions autrement ! Si l’école est en souffrance, c’est que les enseignants mais aussi les élèves y souffrent. Un autre projet s’impose pour l’Ecole de demain…. en pariant sur l’éducabilité de tous les enfants et sur un nouveau fonctionnement collectif de l’enseignement. Renversons les questions et doxas faciles répétées à l’envi, à droite comme à gauche et médiatiquement entretenues. Ne nous demandons pas pourquoi la violence scolaire augmente mais bien plutôt comment la définir et comment il se fait qu’une école en pression sous l’affermissement des modes d’emprise n’implose pas littéralement et, bon an mal an, continue de fonctionner… Ne nous demandons pas comme faire respecter la laïcité mise à mal par quelques jeune filles voilées trop visibles, mais bien plutôt comment intégrer non pas des élèves-abstraits sans appartenance ni culture, mais des sujets nés dans une société pluriculturelle. Ne nous demandons pas pourquoi les parents démissionnent face aux contraintes éducatives, mais bien comment les associer vraiment à une école ouverte. Ne nous demandons pas pourquoi la souffrance professionnelle des enseignants va croissant, mais bien plutôt comment, dans un équilibre de la peur, la souffrance des uns répond à celle des autres. Ne nous demandons pas s’il faut plus de sanction à l’Ecole mais bien plutôt d’où vient le malaise à vivre l’Ecole. Ne nous demandons pas si le niveau scolaire baisse mais en quoi les accès inédits à la culture et aux savoirs qu’offre le monde d’aujourd’hui peuvent être utilisés plutôt que niés. Ne nous demandons pas s’il faut former à la citoyenneté à l’Ecole mais bien plutôt en quoi l’Ecole est un espace de non-droits… Remettons nous à voir, puis à penser, c’est-à-dire à construire, une Ecole différente.

L’intégration passe par la reconnaissance des communautés ?

Elles existent de fait. Le statut et la place minorés des cultures différentes, qu’elles soient populaires, ouvrières, paysannes ou qu’elles représentent un type d’altérité pensée comme plus exotique, illustrent la suprématie du modèle supérieur de surplomb à l’aide duquel l’identité nationale s’est construite. Or, les apprentissages se tissent avec les mémoires, les identités, les cultures, c’est même somme toute banal que nos appartenances nous construisent, sauf qu’il ne faut pas saisir l’identité en termes essentialistes et figées mais bien comme une construction mouvante. En particulier, le débat en France renforce sans cesse la représentation d’un clivage profond entre une identité musulmane réifiée et objectivée en culture, et une laïcité tout en principes et en proclamation. L’élève abstrait sans appartenance n’existe pas et l’injonction de laisser ses identités au portemanteau est irrecevable.

Ainsi, ce sont moins les représentations des familles, ou les différences naturelles de sexe, ou encore le communautarisme, qui menacent aujourd’hui la République, mais la nostalgie et la peur de la différence dans une société de la « cyndinisation », comme dit U Beck.. La laïcité aujourd’hui c’est la peur de l’Autre !

Faut-il en finir avec la laïcité ?

La laïcité contribue selon nous à racialiser les rapports sociaux, alors même qu’elle est saisie dans tous les discours au nom du contraire. Face à cela, les parents et les élèves adoptent quelquefois une solution, mais elle est coûteuse : retourner le stigmate et rejeter l’institution en affirmant leur différence.

Ainsi, cette école française qui promeut une laïcité d’affichage est une machine à produire de la différence Alors qu’elle était, dans sa genèse, un outil politique au service d’un projet – même dominateur, ou, pour le dire mieux, intégrateur parce que dominateur –, il faut bien admettre que la laïcité se transforme en instrument d’agression des minorités, principalement aujourd’hui vis-à-vis de la minorité musulmane qui concentre à elle seule l’idée d’une crise du modèle d’intégration française. Il est grand temps d’oser penser collectivement la laïcité qui se met en place comme un nouvel hygiénisme. Et d’envisager des « accommodements raisonnables »

Propos recueillis par François Jarraud

Béatrice Mabilon-Bonfils, Geneviève Zoïa, La laïcité au risque de l’Autre, Ed. de l’Aube , La Tour-d’Aigue (Vaucluse), collection Monde en cours , ISBN 978-2-8159-1079-8