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Le numérique va-t-il révolutionner l’École ? Pas de « tsunami numérique » pour la Revue internationale d’éducation de Sèvres, mais la découverte des usages des TIC dans une dizaine de pays développés ou pas. En utilisant son incroyable réseau de correspondants, la Revue nous emmène en Corée du sud, en Éthiopie, aux États-Unis, en Australie , aux Pays-Bas comme en Argentine, pour ne citer que ces pays, assurant ainsi une vision de tous les continents. Elle dresse ainsi le portrait d’une extraordinaire diversité des usages et des pédagogies mobilisées avec le numérique. Cette diversité même montre que le numérique cherche encore partout sa juste place dans les systèmes éducatifs.

Si le numérique a pris tellement d’importance, partout, dans les systèmes éducatifs c’est que la pression sociale est très forte, remarquent justement Bernard Cornu et Jean-Pierre Véran qui coordonnent ce numéro 67 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Cette pression ne porte pas que sur la maîtrise des outils, remarquent-ils. Il y a aussi la nécessité de former les jeunes au travail coopératif qui se généralise dans les entreprises. Et le numérique semble un bon support pour cela. Du coup, le défi pour l’École n’est pas juste de « digérer » une technologie mais aussi de changer ses pratiques avec elles ce qui semble bien difficile.

Des approches variées du numérique

Ce qui se dégage d’abord des articles sur les différents pays c’est l’extraordinaire variété des situations. C’est là un apport essentiel de la revue. Variété des taux d’équipement entre l’Éthiopie, le Nigeria et les États-Unis par exemple. La révolution numérique n’a pas encore submergé toute la planète.

La variété se retrouve dans l’enseignement de l’informatique. La revue montre que certains pays ont créé une discipline informatique alors que d ‘autres s’en tiennent à une approche transdisciplinaire. Ainsi en Corée du sud, en Australie, par exemple, l’informatique est enseignée avec des objectifs d’ailleurs différents. En Australie les élèves apprennent le coding avec Scratch, par exemple.

Un doute général

Cette variété pédagogique résulte aussi d’un autre apport de la revue : le doute général sur l’amélioration apportée par le numérique aux apprentissages. Seul l’article sur les États-Unis se détache nettement. L’auteur montre un établissement (pas forcément représentatif) où l’objectif principal est le développement de la coopération par le numérique et toute la pédagogie est repensée sous cet angle. Partout ailleurs on affiche des doutes. Aux Pays Bas, où le numérique a pris une position centrale dans le curriculum, où les enseignants semblent avoir accepté ce changement, au final la majorité des cours est restée traditionnelle. Partout « la forme traditionnelle résiste », écrivent les coordinateurs, avec raison.

C’est que la question de la mutation pédagogique se pose aussi partout avec l’arrivée du numérique. Pas possible de faire comme s’il n’existait pas puisqu’il entre dans la classe dans la poche des élèves. Mais l’utiliser suppose de nouvelles pratiques et une nouvelle posture pédagogiques. L’exemple le plus intéressant est peut être celui des États-Unis au sens où le numérique est vécu comme un levier pour réduire les inégalités scolaires. M H Rafalow présente l’opposition entre deux établissements secondaires américains, l’un totalement acquis à la coopération entre élèves par le numérique et l’autre qui pénalise cette coopération. Pour lui le premier permet à tous de réussir alors que le second préfère l’élitisme.

Le dernier apport de la revue c’est justement de montrer que dans le déploiement du numérique l’établissement tient une place stratégique. Même si des plans nationaux existent, comme aux Pays-Bas, c’est l’établissement qui se retrouve à devoir affronter le changement. De cette façon aussi le numérique participe à une évolution considérable des systèmes éducatifs sans même le vouloir.

François Jarraud

Pédagogie et révolution numérique, Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°67. ISBN 978-2-85420-605-0