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Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) ouvre le 27 janvier, avec l’IFé, une conférence de consensus sur le redoublement. Durant deux jours, spécialistes et praticiens témoignent du redoublement, de ses effets et des remèdes qu’on peut lui apporter devant un jury tiré au sort présidé par André Tricot. Alors que le ministère vient de publier un décret qui supprime quasiment le redoublement, le Cnesco cherche une réelle évolution des pratiques capable de répondre à une question « oubliée » rue de Grenelle : Une fois le redoublement supprimé que fait-on des élèves qui auraient redoublé ?

Durant deux journées, les 27 et 28 janvier, les meilleurs spécialistes du redoublement vont se succéder devant le jury tiré au sort par le Cnesco parmi plus de 500 candidatures. Les travaux des chercheurs, les expériences des praticiens et les avis des décideurs seront partagés afin d’aboutir à des conclusions scientifiques qui seront largement diffusées dans la communauté éducative grâce à des partenariats multiples (Café Pédagogique, Canopé, ESENESR). Ces conférences permettront à la fois d’aider les parents dans leur rôle d’éducateur, et d’éclairer, dans leurs pratiques, les acteurs de terrain. Près de 200 établissements partenaires de la conférence organisée par le Cnesco et l’Ifé , ont préparé les questions de la conférence. Le jury remettra en février se conclusions.

Une pratique massive en France

Même si le redoublement a fortement reculé ces dernières années sous la pression de l’institution scolaire, la France lui reste largement fidèle. Selon Pisa, nous serions le 5ème pays de l’Ocde pour le nombre de redoublants. 28% des jeunes de 15 ans ont redoublé au moins une fois. « Cette contre-performance cache de plus fortes disparités entre les voies (chiffres de la DEPP) : 82% d’élèves en retard en CAP, 57% en 2nde professionnelle et 20% en 2nde générale et technologique », précise le Cnesco. Le taux de redoublement est particulièrement élevé dans les classes d’orientation. C’est en 2de qu’il est le plus fort ce qui pou rle Cnesco montre bien que « le redoublement joue un rôle stratégique et reflète un décalage entre ambition des familles et recommandation des équipes pédagogiques. »

Le redoublement ne touche pas tous les jeunes de façon égale. Il concerne beaucoup plus les garçons que les filles. Le niveau d’éducation des parents est fortement lié à la probabilité d’avoir redoublé. Plus les parents sont éduqués, plus les chances d’avoir redoublé à 15 ans sont faibles. Ainsi, en 2012, avoir une mère diplômée du supérieur divise la probabilité d’avoir redoublé par presque 3 par rapport au fait d’avoir une mère ayant au plus un niveau collège. Les conditions économiques, appréhendées par le statut d’emploi des parents (temps plein, temps partiel, chômage), impactent fortement le redoublement en 2012. Ainsi, un élève dont le père est au chômage ou travaille à temps partiel a deux fois plus de chance d’avoir redoublé qu’un élève dont le père travaille à temps plein. Enfin le redoublement a à voir avec l’appartenance ethnique. En 2003, un élève dont la langue des parents n’était pas le français avait une probabilité de redoubler 79 % plus élevé qu’un élève dont les parents parlent le français.

Le redoublement est-il efficace ?

De nombreuses études ont travaillé sur cette question. De nombreuses études, à commencer par celles de T. Troncin ou D. Meuret, ont pourtant souligné l’inefficacité pédagogique du redoublement. Pour D. Meuret, « en règle générale, à l’école et au collège, le redoublement s’avère peu équitable et inefficace du point de vue des progrès individuels des élèves. Il affecte négativement la motivation, le sentiment de performance et les comportements d’apprentissage de ceux-ci et les stigmatise : à niveau égal en fin de troisième, les élèves « en retard » obtiennent de moins bonnes notes que les élèves « à l’heure », sont moins ambitieux que ceux-ci et sont plus souvent orientés en filière professionnelle. En outre, les comparaisons internationales montrent que le redoublement est inefficace du point de vue des résultats d’ensemble des systèmes éducatifs ».

Ce qui est nouveau, selon le Cnesco, c’est que l’on connait de façon plus fine les effets du redoublement. « Dans la majorité des études », écrit le Cnesco, « le redoublement n’a pas d’effet sur les performances scolaires à long terme. Quelques études obtiennent des effets positifs à court terme dans des contextes très particuliers (notamment lorsque le redoublement est accompagné d’autres dispositifs de remédiation comme des écoles d’été). Le redoublement a par contre toujours un effet négatif sur les trajectoires scolaires et demeure le meilleur déterminant du décrochage. Il semble également impacter négativement le revenu futur du jeune adulte en agissant comme un signal de faible performance du salarié pour les entreprises ».

Comment faire pour s’en passer ?

Dans de nombreux pays le redoublement a disparu et les établissements ont développé des alternatives. Selon le Cnesco, « la quasi-totalité des pays européens offrent aux élèves la possibilité de passer des épreuves supplémentaires (écrites et/ou orales selon le pays) en fin d’année scolaire pour rattraper les cours pour lesquels les notes ont été jugées trop faibles par l’équipe enseignante. Ce type d’organisation limite l’incidence d’un « accident de parcours » et corrige le caractère aléatoire de certaines évaluations. » D’autres pays , comme l’Allemagne ou l’Espagne, pratiquent la promotion conditionnelle. L’élève passe en classe supérieure mais doit suivre un programme de rattrapage dans la matière où ses résultats sont insuffisants. En Italie, on a créé des écoles d’été pour les élèves ayant de mauvais résultats. Si l’on sort des états européens, le colloque sur l’Asie organisé par le CIEP et la Revue d’éducation de Sèvres, a souligné le cas du Japon. Au Japon tous les jeunes suivent ensemble l’école obligatoire. Chaque classe est divisée en 6 groupes hétérogènes qui réalisent ensemble des travaux variés. Les classes sont délibérément hétérogènes puisque l’école doit représenter le peuple. Le présente, la tradition scolaire est marquée par des curricula inclusifs et favorisant les apprentissages transdisciplinaires. Ils intègrent le tokkatsu : des « activités spéciales  » qui sont transdisciplinaires et visent à développer l’enfant dans sa globalité. telle que Ryoko Tsuneyoshi le présente, la tradition scolaire est marquée par des curricula inclusifs et favorisant les apprentissages transdisciplinaires. Ils intègrent le tokkatsu : des « activités spéciales  » qui sont transdisciplinaires et visent à développer l’enfant dans sa globalité.

Des classes moins chargées…

Dans les bonnes pratiques qui permettent d’éviter l’échec et le redoublement , le Cnesco n’hésite pas à citer les classes à effectifs réduits. « Les classes à effectifs réduits peuvent permettre aux enseignants de modifier leur pédagogie en consacrant davantage de temps, d’attention à chaque élève », écrit le Cnesco. « La probabilité d’avoir des élèves perturbateurs dans une classe est également plus faible lorsque le nombre d’élèves est réduit. Jusqu’aux années 2000, la littérature était peu concluante sur l’effet de la taille des classes. Mais de nouvelles méthodes statistiques plus robustes aboutissent aujourd’hui à des résultats unanimes. La diminution de la taille des classes améliore, au moins à court terme, les performances des élèves en moyenne ; les effets sont beaucoup plus forts chez les élèves présentant des difficultés scolaires, chez les élèves issus de minorités ethniques ou de milieux sociaux défavorisés ; les bénéfices de classes à effectif réduit sont particulièrement élevés en primaire, voire en maternelle, et beaucoup plus modeste plus tard dans la scolarité ». Cet effort pourrait être déterminant pour les établissements prioritaires.

Le Cnesco cible aussi d’autres outils pour faire baiser le redoublement. Par exemple le looping : garder le même enseignant plusieurs années facilite l’intégration de tous les élèves et améliore la gestion de la différence dans la classe. L’organisation des programmes en cycles, et non sur une base annuelle, fait également reculer le redoublement.

Et en France ?

Peu d’établissements français ont vraiment développer des politiques de lutte contre le redoublement. Fin août 2014 nous avions rencontré Mme Mengin, principale du collège Louise Michel à Paris. Selon elle, le taux de redoublement du collège est passé de 7 à 1% en fin de 3ème en travaillant sur les difficultés des élèves. Une aide individualisée financée sur fonds européen (FSE) permet un suivi efficace et individuel des élèves en difficulté sur la base d’un diagnostic posé par les enseignants. Ces élèves sont aussi suivis par des dispositifs locaux en dehors du collège. Mais pour faire reculer le redoublement « on communique énormément avec les parents », confie Marie-Christine Mengin.

Au lycée Monnet de Crépy-en-Valois,  » les chefs d’établissement des 4 collèges et du lycée général et technologique développent ensemble une démarche d’information intense, précoce et ciblée vers les élèves autant que vers leurs familles, ainsi que vers les personnels », explique le Cnesco. « Chaque collège repère lors des conseils de classe du premier trimestre les collégiens qui soit surestiment leurs capacités à réussir au LGT, soit les sous-estiment. Le dialogue se poursuit avec les familles et les élèves et ceux qui sont volontaires sont accueillis une demi-journée au lycée général et technologique, en complément parfois d’un « mini-stage » au lycée professionnel, accompagnés par des élèves volontaires de 2nd générale et technologique. Ils sont ensuite invités à revenir, avec leur famille, pour les journées portes ouvertes. En classe de 2GT, lorsque les résultats ou la motivation ne permettent pas d’envisager un passage en 1ère générale ou technologie, des stages « passerelle » vers la voie professionnelle en lycée professionnel ou en entreprise est proposé. » Résultat : le taux de redoublement en seconde est passé de 16% en 2009 à 8% en 2014.

François Jarraud

Au Japon