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Par François Jarraud



Une lecture, une relecture, une mise en relief, un soulagement puis les doutes, les questions… Bien sûr, nous réagissons tous de façon épidermique aux changements. Néanmoins, la mise en place d’un curriculum relatif à l’éducation à l’information et aux médias dans les propositions de nouveaux programmes pour le cycle 4 est un pas notoire dans la reconnaissance des savoirs transdisciplinaires liés aux compétences info documentaires.

Chacun dans son coin, à coups de petits projets, innovations pédagogiques, expérimentations, inventivité, les enseignants documentalistes se sont toujours inscrits en creux par rapport aux programmes et en avance par rapport aux chantiers pédagogiques (La documentation n’a jamais évalué autrement que par compétences, le travail en projet et en partenariat est notre travail au quotidien)

Je pense donc que ma réaction à la lecture des nouveaux programmes en cycle 4 pour l’Education aux Medias et à l’Information est un sentiment de petite victoire. Oui, les compétences info-documentaires transdisciplinaires et transposables sont importantes dans la formation de nos élèves. Vont-elles l’être à leur juste valeur et reconnues au sein des curriculums ?

La définition des trois axes fondamentaux autour desquels orienter nos formations est un bon résumé des pratiques mises en place dans les centres de documentation. Depuis la formation à la recherche documentaire mise en place en sixieme jusqu’au Parcours de Formation à la Culture de l’Information (Pacifi (1)), les objectifs pédagogiques de la diffusion des compétences info-documentaires se sont définis, centralisés et regroupés autour de ces grands axes

1. une connaissance critique de l’environnement informationnel et documentaire du XXIe

siècle

2. une maîtrise progressive de sa démarche d’information, de documentation

3. un accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion

On se rapproche d’un curriculum technique qui correspond au besoin de l’école du XXI eme siècle.

Le rôle du professeur documentaliste

Nuance subtile, il est très peu mentionné le rôle du professeur documentaliste dans ces nouvelles directives. Va-t-il se poser en chef des outils documentaires et disséminer son savoir aux collègues des autres disciplines? Où va-t-il avoir des heures obligatoires attribuées sur les EPI ? Le risque de faire de l’Education aux Medias une « matière  » à part entière sous la responsabilité des professeurs documentalistes se profile à l’horizon.

Autre cas de figure: une lutte documentaliste/ enseignants de science/ de langues/ de latin et de grec pour les heures d’EPI si chacun est convaincu de l’importance prédominante de sa matière dans la formation des élèves, ce qui est une bonne chose, mais risque de mettre les nerfs des équipes enseignantes à rude épreuve. Les EPI (Enseignements Pluridisciplinaires) courent le risque de n’être que des heures déguisées de pédagogie par projet Le mot n’est jamais écrit dans les programmes, mais sous-entend l’ensemble du dispositif et s’expose au risque comme les IDD, TPE et autres projets du passe de ne reposer que sur la motivation des enseignants ou de n’être utilise que pour pallier aux écueils des enseignements disciplinaires (dédoublement en langues, enseignement des langues anciennes…)

Les compétences info-documentaires qui étaient disséminées dans le socle commun de 2009 entre les 7 piliers et qui pouvaient quasiment se rapporter à chacun des projets mis en place dans les CDI sont directement explicitées dans ces nouvelles propositions. Cette esquive de la mention du rôle du documentaliste est-elle une protection? Nous ne serions pas seuls responsables de cette Education à l’Information ou cela nous cantonnera-t-il à un rôle de joker quand les autres disciplines auront remplies leurs exigences, on nous sollicitera pour combler les vides ?

EMI : Compétences et culture

L’officialisation de l’Education aux Medias et à l’Information fait osciller sa définition entre la réduction à un savoir disciplinaire sur le même plan que les matières officielles et les possibilités démultipliées de laboratoire pédagogique Allons-nous coincer l’EMI entre le Français et la SVT dans l’emploi du temps des élèves ? C’est une possibilité qui apparait dans certains établissements ou la documentaliste a des heures réservées sur l’ensemble des niveaux, ce qui permet une formation équitable de l’ensemble des élèves, un suivi et la possibilité de réactivation des compétences déjà abordées dans les classes précédentes. La FADBEN (Fédération des Enseignants Documentalistes de l’éducation nationale) a d’ailleurs mené un travail remarquable sur la mise en place d’un curriculum info-documentaires ainsi qu’une enquête sur la place des heures d’enseignement dans le service d’un enseignant-documentaliste (2).

Néanmoins la possibilité de continuer à travailler en relation avec les autres enseignants (en partenariat interdisciplinaire) et en s’appuyant sur les contenus disciplinaires pour mettre en place une pédagogie de projet voire des expériences pédagogiques innovantes me parait de façon équivalente une superbe opportunité de transmettre les valeurs, l’ensemble des savoirs faire et savoir être, des habiletés documentaires qui me semblent fondamentales pour la formation des élèves, étudiants et futurs citoyens de ce monde. La possibilité d’envisager l’EMI dans les programmes comme des compétences permettant de relier les approches disciplinaires entre elles parait donner encore plus de profondeur et de valeur à l’ensemble des différents savoirs.

Quelle place donc pour la formation à l’EMI ? Plutôt que de s’inscrire dans l’interdisciplinaire, il me semble que l’EMI revendique son statut de transdiscipline, une convergence de compétences nécessaires a la formation des élèves et qui pourraient être réinvesties dans les autres matières. Il me semble également que c’est le ‘titre’ que les enseignants- documentalistes revendiquent au sein des CDI. Nous formons par compétences, nous travaillons sur les aspects culturels et bien entendu, les connaissances qui découlent de ses savoirs en action s’inscrivent dans la formation générale de l’élève.

Se pose alors en filigrane la question de l’évaluation de l’EMI : notes intégrées aux disciplines, compétences du socle validées par l’enseignant documentaliste ou par une équipe d’enseignants…Je me situe actuellement au croisement de l’ensemble de ses possibilités et travaille sur la validation des compétences info-documentaires en relation avec les travaux de Jean-Michel Zakhartchouk (3)

Un cadre à mettre en place

La mutualisation et le travail en équipe aura un grand rôle à jouer dans la mise en place de l’Education à l’Information et aux Médias. Je suis prête à relever le défi en espérant que mon profil de documentaliste résiste à ses nouvelles demandes: oui je veux enseigner les compétences info-documentaires, mais je souhaite aussi faire vivre mon CDI, organiser des activités de lecture et culturelles, animer le CDI pour les élèves et participer à la formation citoyenne de mes étudiants. J’ai choisi le métier de professeur documentaliste pour cette fameuse liberté pédagogique dont j’adore faire usage: je peux cumuler des projets de science, d’histoire et une étude de la bande dessinée sur une même semaine. Je souhaite continuer à faire ce travail dans des conditions optimales. (4)

Il va en effet nous falloir bien réfléchir à des cadres de mise en place pour tirer le maximum de ces opportunités qui se profilent à l’horizon. Un nouveau défi à relever, sans doute…Une reconnaissance se profile, en espérant que le prix à payer ne sera pas au détriment de nos autres missions.

Marjorie Decriem

Documentaliste au Lycée International de Los Angeles

Notes

1 Ministère de l’Education Nationale. Repères pour la mise en œuvre du Parcours de formation à la culture de l’information. Eduscol. Octobre 2010

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Pacifi/85/4/Reperes_Pacifi_157854.pdf

2 Fadben . Quel service d’enseignement pour les professeurs documentalistes ? Enquête FADBEN : résultats et analyse. 12 octobre 2014

http://fadben.asso.fr/Quel-service-d-enseignement-pour.html

3 Zarkatchouk, Jean-Michel. De l’information au savoir : l’affaire de tous ! Compte rendu journée professionnelle de l’ADBEN Picardie CRDP d’Amiens 29 mai 2013.

http://blogs.ac-amiens.fr/docu_blogfadbenpicardie/public/Fichiers/CR_JP2013.pdf

4 Decriem, Marjorie. Le classeur de la doc. Blog professionnel 2013

http://csidoc.e-monsite.com/



Savoirs CDI. Ce site du CNDP regroupe un large éventail de ressources professionnelles pour les savoirsCDI enseignants documentalistes : textes de référence à caractère réglementaire, des ressources professionnelles, technologiques et pédagogiques.

On apprécie la structure de la page d’accueil, organisée en rubriques sur des thématiques ciblées autour des grands axes du métier : rubrique sur le métier de professeur documentaliste, rubrique sur le CDI en tant que centre de ressources, rubrique « communication-diffusion » de l’information, rubrique « CDI outil pédagogique », et enfin un espace « société de l’information ».

Des dossiers mensuels, des entretiens, un coin des juristes, et un espace de veille documentaire viennent compléter ce site, très riche.

Le site :

http://www.cndp.fr/savoirscdi/

Portail éduscol : le numérique en Documentation et CDI.

Cette section disciplinaire du portail national éduscol présente une veille sur l’actualité du numérique à destination des professeurs documentalistes. Il est possible de s’abonner aux flux RSS et à la lettre TIC’édu Documentation. Un lien vers les édu’bases vous permettra de rechercher des pistes de séances pédagogiques, liées à l’usage des TICE, proposées par différentes académies.

Le site :

http://eduscol.education.fr/cdi

Docs pour docs.

DocsPourDocs Ce site, administré par une équipe de professeurs documentalistes, présente une double vocation : offrir un espace de mutualisation aux enseignants documentalistes (par la mise à disposition de séquences pédagogiques, dépouillements de périodiques, bibliographies, brèves) ; proposer des articles liés à la culture numérique, à la pédagogie de la culture de l’information, à l’éducation aux médias et aux TICE.

Les articles postés régulièrement, permettent d’assurer un veille rigoureuse sur les problématiques liées à la pratique du métier de professeur documentaliste.

Le site :

http://docpourdocs.fr/

Les sites d’associations, d’écoles, de bibliothèques

La BNF

BnF Portail de la Bibliothèque Nationale de France. Un site très riche, qui propose de nombreuses fonctionnalités et ressources utiles pour les documentalistes, dans leurs tâches de recherche et de gestion de l’information. La BnF propose Gallica, une des plus importantes bibliothèques numériques accessibles gratuitement sur Internet. Il est aussi possible de télécharger des notices et de vérifier les descriptions bibliographiques. La Bnf met à disposition des expositions virtuelles, des dossiers pédagogiques, des portails thématiques (portail développement durable, portail Europe, guide des publications officielles françaises…). Les signets de la BnF proposent une sélection commentée de sites internet, choisies par les bibliothécaires de la BnF, dans des domaines variés (actualité de l’Art, Éducation, Littérature générale, photographie, cinéma, sport, histoire…)

Le site :

http://www.bnf.fr/fr/acc/x.accueil.html

La FADBEN : Fédération des enseignants documentalistes de l’éducation nationale

La FADBEN est une association professionnelle (loi 1901) qui réunit les professeurs documentalistes exerçant dans les établissements publics (collèges, lycées) et l’enseignement supérieur. C’est aussi une instance de réflexion sur les évolutions du métiers. Outre des pistes de réflexion sur le métier de professeur documentaliste, le site propose une rubrique intitulée « outils pour enseigner », qui regroupe des contenus relatifs à la mission pédagogique des enseignants documentalistes : définition des savoirs scolaires en information-documentation, didactique info-documentaire, et concept de culture de l’information.

Le site :

http://www.fadben.asso.fr/

Les sites de réflexion sur la société de l’information

Les Infostratèges

Ce site d’informations consacré aux questions de veille, de droit de l’information et d’e-réputation a pour directeur de publication Didier Frochot (juriste et spécialiste des formations à la recherche documentaire) et Fabrice Molinaro (diplômé de sciences politiques). Les concept des Infostratèges ne se réduit pas au seul secteur de l’information-documentation. Il balaye plus largement le champ du secteur de l’information, ce qui permet au lecteur de retrouver des dossiers spéciaux sur la veille, par exemple, ou sur le Web 2.0. Sur la page d’accueil, sont publiées régulièrement des actualités et des réflexions inspirées de l’actualité, sous forme de brèves. Les professeurs documentalistes en fonction ou en formation pourront actualiser leurs connaissances en consultant plus spécialement les rubriques « droit de l’info » ; « veille » ; et « Internet ».

Le site :

http://www.les-infostrateges.com/

EcriTech’6 : «  Apprendre et produire dans la société numérique »

Parmi les rencontres sur le numérique éducatif qui comptent en ce moment, Ecritech est une de celles qui restent gravées dans les mémoires des participants (plus de 300 chaque jour). La sixième édition de cet évènement a été à la hauteur des ambitions de ses organisateurs, malgré les aléas qui finalement ont peu altéré la qualité des débats. Il est à souhaiter que ceux qui n’ont pas eu la chance d’y participer prendront le temps d’aller sur le site dans les prochaines semaines dès que les enregistrements, accompagnés des interviews vidéo des intervenant seront en ligne.

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2015/2015_EcriTech6.aspx

Le plan numérique

Annoncé alors que la réforme du collège est soumise à de vives critiques, le plan numérique introduit un élément nouveau dans le débat.

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2015/2015_plan_num_Hollande.aspx

Réinventer l’école avec le numérique ?

Le numérique va-t-il régler tous les problèmes de l’École ? Certainement pas. Mais il peut aider à mieux enseigner en mettant l’élève dans de situations de communication, de simulation, de jeu ou tout simplement d’exercice qui l’aident à maîtriser les savoirs et à le formaliser. Au moment où le gouvernement s’apprête à annoncer un grand plan numérique, le Café propose ici un panorama d’expériences et de réflexions qui permettent de prendre la mesure des bouleversements en cours pour inventer, ensemble, de nouvelles façons d’apprendre.

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2014/2014_Numerique.aspx

Aide à la recherche d’information

CERISE : tutoriel

L’Urfist (Unité Régionale de Formation à l’information Scientifique et Technique) de Paris est à l’origine de ce tutoriel intitulé CERISE (Conseils aux Étudiants en Recherche d’informations Efficace). Cet outil pédagogique en ligne est organisé autour de 3 rubriques qui correspondent aux différentes phases de la recherche d’informations: « débuter une recherche » ; « rechercher sur Internet » ; « exploiter les documents ». Dans chaque rubrique figurent des fiches méthodologiques sur différentes notions, illustrées par des vidéos, des schémas ou des commentaires audio. On trouvera, à titre d’exemple , des fiches sur la définition d’une problématique, l’exploitation de périodiques ou la recherche sur Internet à partir de mots clés.

Ces fiches peuvent être adaptées par les enseignants documentalistes, et servir de support dans le cadre de préparation de séances d’initiation à la recherche d’informations en établissement scolaire.

Le site :

http://urfist.enc.sorbonne.fr/cerise/

Chercher pour trouver

Ce site est hébergé par l’EBSI (École de bibliothéconomie et des sciences de l’information), Université de Montréal. Il est destiné aux élèves du secondaire et à toute personne qui y trouve intérêt. Il propose des fiches de méthodes concernant la recherche d’information.

On y détaille, entre autres, les 6 grandes étapes de la recherche d’information. On y trouve des explications méthodologiques pour la préparation d’un travail écrit ou la présentation d’un exposé oral. Ce site, très complet présente à la fois des conseils pour des recherches sur support papier ou sur Internet.

Le site :

http://www.ebsi.umontreal.ca/jetrouve/

Géraldine Sala et François Jarraud



Lancer un projet avec les élèves qui repose sur l’utilisation de Twitter, c’est pour la professeure documentaliste poser de bonnes questions à l’Ecole. Citons en deux. La première c’est déjà celle du filtrage puisque Twitter est souvent bloqué. La seconde c’est une question encore plus générale : quelle place faisons nous aux outils numériques des élèves ? Oriane Marcandella et Laurence Henry, professeures documentalistes, ont relevé ces défis au lycée de Briey (54) en apprenant aux élèves à utiliser Twitter pour la recherche documentaire nécessaire à leurs TPE.

Laurence Henry et Oriane Marcandella sont à la tête du CDI du lycée général et technologique Louis Bertrand de Briey, un établissement d’environ 1000 élèves. Outre les séries générales, le lycée prépare aux bacs technologiques tertiaires (Stmg et St2s). « Nos élèves sont gentils. Mais Briey est loin de tout et l’isolement culturel est un problème », me disent-elles d’emblée. Les élèves utilisent les réseaux sociaux, ont des smartphones, mais les usages sont totalement déconnectés de la scolarité. Les deux professeures documentalistes ne vont pas tarder à découvrir que les deux tiers des lycées de 1ère ont déjà un compte Twitter.

Twitter pour trouver

« Twitter est un bon outil pour faire de la veille », me confie Oriane. Le CDI a d’ailleurs son compte (@cdilouisb) qui est utilisé pour de la veille documentaire et pour faire connaitre les travaux du Conseil de la Vie Lycéenne. Pour les documentalistes, twitter faciliterait les recherches documentaires des lycéens dans le cadre des TPE (travaux personnels encadrés réalisés en 1ère), à condition d’arriver à les convaincre et à les former. L’opportunité ce sont les heures d’accompagnement personnalisé. Par chance, à Briey, les professeures documentalistes y participent fréquemment et les classes sont dédoublées. O Marcandella et L Henry proposent aux lycéens un cycle de 4 séquences de 2 heures pour une formation à Twitter en lien avec leurs sujets de TPE. Une quinzaine de volontaires, venus de ES et L, choisissent cette formation. Pour trouver le courage de se lancer, les deux enseignantes se sont inspirées de ce que fait Laurence Juin avec ses élèves, une professeure de lettres histoire géo, bien connue des usagers de Twitter, qui l’utilise de façon courante et créative dans ses cours.

« On leur a appris à faire des recherches sur Twitter. Ils ont découvert que les médias utilisent cet outil et qu’il est facile de trouver des informations d’actualité et des interlocuteurs », explique Laurence. Les élèves ont suivi une formation sur 4 séances de 2 heures incluant aussi la protection de son compte Twitter et une initiation à Netvibes. « Nos élèves suivent peu l’actualité. Avec Twitter ils sont entrés en contact avec les grands médias pour alimenter leurs TPE comme celui sur Obama », dit Oriane. « Ils l’ont aussi utilisé pour décrypter le marketing d’une grande marque de soda ». Pour un groupe qui travaillait sur le Front Populaire, Twitter a été un appui important car il a permis aux élèves d’échanger avec un professeur d’histoire-géo d’un autre lycée. « Ca a énormément enrichi leur recherche », explique Laurence.

Sortez vos téléphones !

Mais comment utiliser Twitter en classe dans un lycée français ? Certes, les deux enseignantes ont fait débloquer l’accès à Twitter au CDI. Mais très vite le recours aux smartphones s’est imposé comme la solution la plus pratique mais pas la pus réglementaire. Dans un lycée français on n’est pas sensé utiliser des téléphones en cours ! Laurence et Oriane posent de fait la question de la place du numérique personnel dans l’établissement d’enseignement. Pour le moment, l’institution scolaire règle cette question avec la seule interdiction quitte à se sevrer totalement des ressources du numérique. C’est finalement la détermination éducative des enseignantes qui l’a emporté. « Là on était dans un cadre pédagogique », explique Oriane. « Ils ont tous un smartphones. Notre rôle d’enseignantes c’est de leur apprendre à l’utiliser intelligemment, à en tirer le plus de profit ».

L’expérience a gagné le lycée technologique où les élèves de St2S qui ont eux-aussi un gros dossier professionnel et interdisciplinaire à produire ont découvert les apports de Twitter. Twitter leur a permis de récupérer des informations d’actualité des médias et institutions médicales et d’entrer en contact avec des écoles d’infirmières.

Les bonnes questions de Briey

La limite de cette belle expérience, c’est Netvibes. Pour les professeures documentalistes l’outil permettrait de mettre en valeur le travail de recherche des élèves devant le jury et aussi de rendre plus visible le travail collaboratif, Netvibes pouvant être alimenté par plusieurs personnes. On est bien là au coeur de ce que sont les TPE. C’est à dire peut être trop loin des usages scolaires. Les élèves ne s’y sont pas aventurés.

Retenons la réussite. Au lycée Louis Bertrand, les professeures documentalistes ont osé lier les usages scolaires aux pratiques, aux acteurs et aux outils de la vraie vie. Ce n’est pas rien.

François Jarraud



La société Madmagz permet de créer en ligne des présentations soignées de type magazine. On choisit sa maquette où intégrer à sa guise textes et images. On peut y faire travailler plusieurs rédacteurs tout en gardant le contrôle sur l’édition finale. L’outil, simple d’utilisation, gratuit dans sa version de base, a séduit des élèves et des enseignants, pour réaliser journaux scolaires, productions TPE, comptes rendus de voyages ou de sorties, brochures et créations diverses. Du 1er au 31 mars 2015, à l’occasion de la Semaine de la presse, Madmagz rend accessible gratuitement son « Offre Education » payante, une version qui élargit le choix des maquettes, permet d’ajouter des liens, des vidéos, des sons, autorise l’export en pdf. De quoi donner envie de tester, comme en témoignent ici 3 enseignants qui ont mené avec Madmagz des projets originaux : Delphine Morand en Littérature et société, Claire Ridel en français, Malo Durand en Langues et Cultures de l’Antiquité. Ils nous montrent comment avec le numérique transformer joliment, et collaborativement, l’information en connaissance et l’expérience en réflexion.

Delphine Morand : Une communauté de lecteurs et de rédacteurs

Delphine Morand est professeure de lettres au lycée Bertrand d’Argentré à Vitré dans l’académie de Rennes. Ses élèves de seconde, dans le cadre de l’enseignement d’exploration, « Littérature et société », ont utilisé Madmagz pour réaliser un remarquable travail sur le roman « Eldorado » de Laurent Gaudé. Emouvant, le livre raconte et éclaire l’immigration clandestine dans le bassin méditerranéen. Passionnant, le magazine que les élèves lui ont consacré propose portrait de l’auteur, critiques littéraires, interviews de personnages, enquêtes sur le mythe de l’Eldorado ou sur l’actualité de l’immigration, rencontres de membres d’association … Le format du magazine permet ici, pédagogiquement, de faire résonner la littérature dans le monde et le monde dans la littérature.

Quels vous semblent les intérêts de Madmagz pour un enseignant ?

J’ai découvert assez récemment l’application web Madmagz qui présente un certain nombre d’atouts. Il s’agit en effet d’un support de publication particulièrement simple d’utilisation qui facilite le travail collaboratif entre les élèves, la mutualisation au sein d’une classe voire d’un établissement et la mise en forme esthétique des productions par la sélection de maquettes d’articles prédéfinies par Madmagz. Grâce à cet outil, les élèves écrivent pour être lus, pour échanger et partager avec d’autres, parfois extérieurs à leur classe, ce qui donne une nouvelle dimension à leurs travaux et impose un degré d’exigence, une démarche d’écriture, de réécriture qu’ils acceptent et se fixent d’ailleurs plus naturellement.

Comment crée-t-on un magazine numérique de classe ?

Après avoir ouvert un compte chez « Madmagz » et sélectionné la maquette gratuite du magazine, j’« invite » les groupes à transmettre leurs contributions en me rendant sur « l’icône-silhouette » illustrant une équipe de rédaction : j’entre à cette étape les adresses électroniques des élèves contributeurs qui recevront un mail de Madmagz leur demandant de créer un compte, puis de transmettre leurs textes et visuels qui constitueront autant de pages s’agrégeant au magazine de classe visible sur « leur espace » personnel. Le professeur qui a créé ce magazine de classe en reste le responsable éditorial : il est le seul à pouvoir intervenir sur la structure d’ensemble (validation des pages, classement, demande de correction…).

En début d’activité, il faut bien rappeler aux élèves qu’ils doivent alimenter le magazine de classe et se connecter sur cette plateforme collaborative : pour faciliter la démonstration, on peut prendre appui sur une interface d’élève pour marquer la différence entre le magazine de groupe (l’élève ne dispose alors que de la fonction « envoyer »), et un magazine éventuellement personnel (qu’il pourra alimenter et publier). Si l’élève se trompe de « support », il ne pourra plus « envoyer » sa contribution au magazine de classe…

Quelles vous semblent les exploitations possibles de Madmagz en Lettres ?

J’utilise très régulièrement Madmagz dans le cadre de projets d’écriture en lien avec l’étude ou la simple lecture d’œuvres littéraires, et de nombreuses pistes sont encore à expérimenter… En classe de 2nde et enseignement d’exploration « Littérature et société », nous avons par exemple choisi avec ma collègue d’Histoire-Géographie de créer un magazine numérique qui réunirait toutes les activités d’écriture nourries de la lecture du roman de Laurent Gaudé, Eldorado. Dans ce cadre, les élèves répartis en équipes de rédaction se sont inscrits sur une liste de sujets d’écriture à dimension plutôt littéraire (comme la rédaction d’un portrait de personnage, la construction d’une interview fictive de l’auteur, d’une interview de personnage, la rédaction d’un texte à partir d’une photographie représentative d’un thème fort du roman de Gaudé…). De son côté, le professeur d’Histoire-géographie leur a proposé d’effectuer des recherches sur des problématiques sociétales (l’immigration clandestine, la réflexion sur les frontières, le rôle des associations…) et de rédiger des articles, enquêtes, reportages, interviewes rendant compte de leurs lectures. Tous les textes ont été rédigés à plusieurs mains, reflets de l’exigence d’un travail collaboratif que l’on peut reconnaître dans la réécriture d’un passage, la répartition des tâches (comme le choix d’un visuel, la sélection d’une maquette d’article sur Madmagz…). Après validation des textes par l’ensemble de l’équipe, un membre était chargé de transférer, en classe, la production du groupe sur Madmagz, en se connectant sur le magazine de classe.

Ce numéro de magazine numérique a permis de mettre en résonnance des textes reposant sur des mélanges d’intentions (informer, décrire, convaincre…) et de genres (articles, reportages, interviewes, critiques…), de regrouper des productions complémentaires affichant une sensibilité, des interprétations, un style. Ce support a renforcé la cohésion de la classe animée par la même volonté : participer à la rédaction d’un numéro qui créerait des passerelles entre le roman et le monde dans lequel on vit.

Avec des élèves de 1ère, j’ai également retenu l’outil Madmagz dans le cadre d’une séquence consacrée à l’étude des Bonnes de Jean Genet et de sa mise en scène par Jacques Vincey. Dans cette publication, j’ai choisi de mettre en avant des articles argumentés offrant des interprétations de la pièce ; ces textes, rédigés par des groupes de 4 élèves le plus souvent, ont constitué autant de pistes de lecture à interroger, à discuter en classe lors de la projection du numéro finalisé. J’ai également intégré plusieurs critiques du spectacle de Vincey que nous avons vu en classe, des textes produits individuellement cette fois en lien avec un sujet d’invention. Actuellement, nous sommes en cours de création d’une anthologie de classe regroupant des poèmes retenus par différents groupes déterminés en fonction de thèmes qu’ils ont choisis. Chaque équipe rédigera un texte de présentation de sa sélection, sorte de préface qui leur donnera également l’occasion de s’interroger sur leur représentation du genre poétique. Cette anthologie, également illustrée, se clôturera par la sélection de plusieurs poèmes d’Yves Prié que nous rencontrerons le 27 mars, dans le cadre du Printemps des Poètes.

Quel est le retour des élèves sur de telles activités ?

Globalement, les élèves ont trouvé cet outil particulièrement efficace et simple d’utilisation : plusieurs élèves de 1ère l’ont d’ailleurs retenu pour présenter leur TPE. Quand je les ai interrogés sur les atouts du site, ils ont mis en avant l’accompagnement dans la mise en forme des productions, avec des propositions de maquettes, des précisions sur la qualité de résolution d’une image, la prévisualisation du texte illustré, la palette de couleurs, les nombreuses typographies… Ils ont bien évidemment été sensibles à la réelle valeur ajoutée de la présentation esthétique d’un tel support : même si les articles se présentent différemment, ils s’harmonisent toujours parfaitement et le groupe peut également faire des choix en sélectionnant un seul bandeau de couleurs par exemple. Avec Madmagz, ils ont aussi reconnu la possibilité de travailler en équipes facilement : ils peuvent se partager des contributions et les soumettre au professeur en dehors de leur temps de présence au lycée. Produire avec et pour une communauté de lecteurs plus large, voilà l’une des forces majeures du magazine numérique que nous retenons ensemble.

En Littérature & société autour d’ « Eldorado » de Laurent Gaudé

http://madmagz.com/fr/magazine/385441

En 1ère, autour des « Bonnes » de Jean Genet

http://madmagz.com/fr/magazine/432717

Le roman « Eldorado » dans le Café

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/lettres/francais/Pages/[…]

Claire Ridel : Un magazine littéraire de collégiens

Claire Ridel est professeure de français au collège Henri Matisse à Grand-Couronne dans l’académie de Rouen. Ses élèves de troisième ont utilisé l’outil de publication Madmagz pour des comptes rendus de lecture originaux, créatifs et collaboratifs. « Matisse lit » est ainsi un joli magazine littéraire de collégiens, avec entre autres des interviews fictives d’auteurs ou de personnages. Au sommaire des trois numéros déjà parus : Entre chiens et loups, Le journal d’Anne Franck, Andreas le retour, Mon bel oranger, Papa Longues jambes, Oran 62 La rupture, Le crime de l’Orient-Express, L’Herbe bleue, Le Journal d’Adèle, La guerre des boutons, Le Hobbit… Une nouvelle façon de socialiser la lecture à l’ère numérique ?

Comment en pratique les élèves ont-ils travaillé avec l’outil Madmagz ?

Avant de travailler sur ce support, chaque élève a lu un livre emprunté au CDI, puis a préparé au brouillon une interview fictive du personnage principal du roman, ou bien de l’auteur du livre. Ensuite, j’ai créé un compte unique sur Madmagz, à partir de mon adresse professionnelle, et tous les élèves ont eu le mot de passe. Je précise que je n’ai pas pu utiliser la fonctionnalité qui permet d’inviter des rédacteurs, car les élèves n’ont pas de compte mail dans l’établissement. Chaque élève devait recopier son interview et la mettre en page (un titre, une illustration, et bien entendu le texte présenté clairement), certains avaient déjà saisi leur texte à la maison sur le traitement de texte. J’ai créé 4 magazines distincts, et réparti aléatoirement les élèves sur les supports, pour éviter la création d’un magazine trop gros.

La prise en main n’a pas été difficile, car j’avais préparé une feuille de route, publiée sur le site des « Lettres de Matisse », pour que chacun soit le plus autonome possible en salle informatique. Nous avons passé 2 heures ensemble. L’outil est clair, bien conçu, et ne pose pas de difficulté de compréhension pour la majorité des élèves de la classe. Mais créer un article en 2 heures était une gageure, peu d’élèves ont terminé dans le temps imparti.

Quelles ont été éventuellement les difficultés rencontrées et les solutions trouvées ?

La difficulté majeure a été celle de l’enregistrement des données : 24 élèves connectés en même temps sur le même compte, cela ne facilite pas la sauvegarde ! Les bugs ont été nombreux, des pages ont mouliné longuement avant de purement refuser l’enregistrement. La faute à l’outil ? A une connexion défaillante ? De plus, la classe et moi nous sommes rendus compte en cours d’utilisation que le site n’est pas adapté à l’écriture collaborative et synchrone, comme les élèves de cette classe ont l’habitude de pratiquer sur un pad : de ce fait certains ont effacé le travail de leurs camarades sans le vouloir, les pages ne s’actualisant qu’à l’enregistrement. Cela a entraîné une grande perte de temps, qui explique que le projet n’a finalement pas abouti de façon satisfaisante en deux heures. La solution que j’ai dû utiliser est le fait de me transférer les interviews au format traitement de texte pour que je puisse évaluer le contenu du travail. La prochaine fois que je travaillerai sur ce support, j’allégerai le nombre de connexions en travaillant avec un demi-groupe, ce qui, j’espère, limitera les pertes de données.

Quels vous semblent être les intérêts de l’outil Madmagz ?

L’intérêt principal de cet outil est la qualité de la mise en page, qui donne un aspect quasi professionnel à la publication. C’est un bon moyen de mettre en valeur un projet, un compte-rendu de lecture, ou des travaux d’écriture. Ici, l’utilisation de Madmagz me semblait la plus évidente, afin de donner une véritable forme de magazine littéraire aux productions finales, ce qui n’aurait pas été possible en publiant directement sur le site de l’établissement. Les structures de pages proposées sont claires, bien pensées et variées, elles permettent de ne pas se focaliser trop sur la forme lors de la saisie, pour consacrer plus de temps au contenu.

« Matisse lit » Numéro 3 .

http://matisse-lettres.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article911

Feuille de route

http://matisse-lettres.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article898

Malo Durand : Chronique antique

« Cicero vs Verres » : tel est le titre à la une de « Dies Romae », production des élèves de Malo Durand qui enseigne les Langues et Cultures de l’Antiquité au collège Anna Marly à Brest. Ses 3èmes latinistes ont travaillé en groupes sur l’affaire Verrès pour sélectionner des informations, rédiger des articles, les illustrer et les publier au sein d’un magazine Madmagz créé pour l’occasion. L’enquête est à savourer dans un magazine pédagogique à scandales avec compte rendu du procès, interview de l’avocat, témoignage de la victime… Ou comment « faire de la civilisation » et « faire de la traduction » de façon conjointe et créative.

Comment avez-vous mis en place l’activité ?

L’idée était de traiter une affaire antique (le scandale Verrès) à la manière de la presse écrite d’aujourd’hui. Dans ce but, le travail s’est organisé selon plusieurs étapes. Répartis par groupes de 3, les élèves ont tiré au sort des thèmes en rapport avec la célèbre affaire: biographie et interview de Cicéron, biographie de Verrès, focus sur ses vols et ses crimes en tant que gouverneur de Sicile, interview d’une de ses victimes (Antiochus), importance politique de l’affaire.

J’ai alors fourni à chaque groupe le même corpus d’une quinzaine de pages rassemblant différents types d’informations : textes documentaires tirés de manuels ou de livres spécialisés, textes de Cicéron traduits ou non. Au sein de chaque groupe, les élèves ont dû s’organiser et se répartir les tâches pour lire et sélectionner dans le corpus des informations pertinentes par rapport à leur sujet. Un travail de traduction était nécessaire pour chacun d’entre eux. J’ai alors un rôle de « superviseur », aiguillant les élèves quand ils sont perdus ou font fausse route, les aidant à traduire. La phase de rédaction des articles a sans doute été la plus difficile, les élèves devant synthétiser les informations collectées lors de l’étape précédente.

Comment en pratique les élèves ont-ils ensuite travaillé avec l’outil Madmagz ?

La suite du travail s’est effectivement faite en ligne avec Madmagz. Les élèves ont reçu par mail une notification de ma part les invitant à se créer un compte sur Madmagz pour contribuer au magazine que j’ai créé. Une fois connectés sur le site, ils ont les mêmes possibilités que moi, à un détail près: au lieu du bouton « publier », ils voient dans la barre supérieure un bouton « envoyer » par lequel ils me transmettent les articles qu’ils ont saisis, ceux-ci s’agrégeant progressivement au magazine. Comme au sein d’un comité de rédaction, il faut d’abord s’entendre sur le choix d’une maquette cohérente et sur l’ordre des articles ; il faut également chercher des images pertinentes pour les illustrer ; un concours est organisé pour la une. Le magazine est alors publié. Désormais accessible en ligne, il a servi de base de révision pour une évaluation.

Quels vous semblent être les intérêts de l’outil et de l’activité menée ?

Le principal intérêt réside sans doute dans la nécessité pour les élèves d’organiser un travail collaboratif à toutes les étapes du projet, de l’exploitation du corpus jusqu’à la publication des articles. L’objectif de publication les a motivés dans la phase de lecture et de recherche. Cependant celle-ci a pris plus de temps que prévu. La mise en ligne n’a pas été non plus sans difficultés, preuve s’il en fallait que nos « digital natives » ne maîtrisent pas de manière innée les outils informatiques. Le bilan de l’activité demeure positif: curiosité et émulation étaient au rendez-vous ; mais l’expérience prouve que ce type de fonctionnement peut être chronophage si on ne sait pas revoir les objectifs à la baisse pour tenir les délais.

Le magazine antique

http://madmagz.com/fr/magazine/412143

Madmagz Education

http://osonsinnover.education/

Dossier réalisé par Jean-Michel Le Baut